Recrudescence de vols à Maurice: Environ 5 cas rapportés par jour

Vols avec violence, vols à l’arraché et vols par effraction se sont multipliés dans les différentes localités de Maurice depuis quelques années et rien n’indique que la série noire s’arrêtera de sitôt. Si on se fie aux communiqués de la police, il y aurait au moins 5 cas qui sont rapportés chaque jour. Personne, que ce soit les touristes ou les locaux, en zone rurale comme en zone urbaine, n’est à labri. Un chiffreénorme pour un si petit pays comme Maurice. Qu’est-ce qui explique cette recrudescence ? Faut-il voir là une déliquescence du tissu social mauricien ? Les voleurs sont-ils encouragés par l’inefficacité de la police ou du laxisme des tribunaux ? Cette hausse persistante est-elle dû au fait que les toxicomanes, avec l’émergence des drogues chimiques, sont plus nombreux et doivent voler pour pouvoir se procurer de la drogue ?

La tendance en hausse !

Le tableau ci-dessous donne une indication du nombre de vols qui a été rapporté à Maurice. D’année en année, une hausse perceptible est constatée.

 

Délit

 

2015

 

2016

Larcin / vol à l’étalage 7 630 8 374
Vol de voitures 666 538
Vol avec violence 1 198 1 240
Vol par effraction 1 634 1 779

 

Source : Statistics Mauritius

Quelques faits troublants doivent être signalés :

  • Des 3 698 condamnés en 2016, 46 % des infractions commises étaient liées à des vols.
  • Sur 10 jeunes incarcérés au Correctional Youth Center de Beau-Bassin, 8 ont été admis pour avoir commis un vol.

Les vols sont de plus en plus audacieux

Sunday Times revient sur quelques cas de vols qui ont défrayé la chronique depuis le début de cette année :

  • Une somme de Rs 500 000 et des chéquiers emportés chez la propriétaire d’un supermarché

Une directrice d’un supermarché situé à Plaine Verte a été victime d’un vol à son domicile, le jeudi 7 septembre dernier. Le cambrioleur a fait main basse sur le sac à main de la directrice, ses chéquiers, de même que sur la clé du supermarché. La valeur du butin est estimée à Rs 500 000.

  • Vol de bijoux de Rs 500 000

Toujours à Plaine Verte, un vol de bijoux s’est produit le 15 mars dernier au coût de Rs 500 000. La CID de Port-Louis a procédé à l’arrestation d’un habitant de la localité qui a été traduit devant le tribunal de Port-Louis le lendemain.

  • Vol au Senator Club à Flacq : quand les employés se mettent de la partie !

Le Senator Club de Flacq a été le théâtre d’un vol de Rs 3,5 millions le dimanche 10 septembre dernier. Quatre suspects ont été arrêtés le lundi 11 et le mardi 12 septembre par la CID de Flacq. Ils sont tous des employés du Senator Club et la police a pu récupérer une bonne partie du butin. L’opération policière, un véritable coup de filet, a été menée sous la supervision du surintendant Pierre-Louis et de l’ACP Hansraz.

  • À Montagne Longue : des bijoux et des objets valant Rs 500 000 emportés chez un ressortissant français

Les touristes ne sont plus à l’abri, on le sait depuis longtemps. La résidence d’un ressortissant français à Ilot a été la cible des cambrioleurs entre le jeudi 7 septembre et le vendredi 8 septembre. Des bijoux, une montre, des vêtements, des produits cosmétiques et une forte somme d’argent ont été emportés. La valeur du butin est estimée à Rs 510 912. La victime, qui est âgée de 45 ans et qui est propriétaire d’un restaurant en France, a consigné une déposition au poste de police de Montagne Longue. La police a ouvert une enquête.

 La société mauricienne et les vols

Le sociologue Ravi Rambota nous explique les facteurs sociologiques qui sont derrière cette recrudescence de vols à Maurice.

Le matérialisme grandissant de la société mauricienne

Pour lui, il faut reconnaitre que certaines personnes commettent des vols par nécessité, et d’autres non. Cette dernière catégorie de voleurs veut faire étalage de ce qu’ils possèdent. « Si par exemple, une personne veut avoir le même portable que son prochain, elle va tout faire pour s’en offrir une et si elle n’a pas d’argent pour l’acheter, il choisira un autre moyen illicite, le vol. Cela influencera d’autres personnes qui voudront eux aussi avoir le même objet. Cela entraînera un ‘domino effect’», nous explique-t-il.

La police et la répression

Selon le sociologue, la police a une grande part de responsabilité dans la recrudescence des vols à Maurice. « Lorsqu’une personne dépose une plainte pour vol, la police ne réagit pas immédiatement. Par exemple, si une personne a porté plainte pour un vol de mangues, la police aura tendance à banaliser l’acte. Pourtant, quelle que soit la nature du vol, c’est un délit punissable par la loi ! », dit-il. Ravi Rambota dénonce aussi le fait que les policiers n’interviennent pas souvent dans les quartiers dits chauds, de peur qu’ils ne soient eux-mêmes victimes d’agression, ce qui perpétue le cercle vicieux : les quartiers chauds ‘prospèrent’ ainsi dans l’impunité. Il préconisel’installation des caméras de surveillance aux endroits sensibles.

Une justice laxiste ?

De plus, le sociologue déplore le fait que la loi se montre très molle en ce qui concerne les punitions pour vols. Des sentences exemplaires et une justice plus rapide permettraient d’améliorer certains aspects du problème.

Nos dirigeants ne donnent pas le bon exemple !

« L’exemple vient d’en haut. Que peut-on espérer des gens ordinaires si les politiciens sont eux-mêmes impliqués dans des cas de fraudes massives, avec des millions à la clé ? » Le commun des mortels, en voyant l’impunité des dirigeants, subit une influence certaine.

Les institutions, piliers de la société, faillissent à leur devoir

Le sociologue déclare que les institutions telles que la religion et le système éducatif, qui sont censés guider les gens vers le droit chemin, n’arrivent plus à jouer leur rôle comme il se doit.

La drogue et les vols

Pour finir, il établit un lien direct entre la hausse du nombre de volset le phénomène de la drogue de synthèse. Pour se procurer de la drogue, les toxicomanes doivent avoir de l’argent.

La prison et la réhabilitation

Le Dr Mahensingh Deonaran, psychologue, élabore sur les facteurs qui poussent une personne à commettre un vol et comment elle doit être prise en charge par les autorités pénitentiaires.

Qu’est-ce qui pousse une personne à commettre un vol ? Tout va dépendre de la personnalité de la personne et comment elle va faire face à son entourage. L’environnement familial est primordial. Ainsi, dans la majorité des cas, l’environnent dans lequel la personne a grandi va grandement influer sur son comportement. « Souvent des fois, cela peut débuter dès l’enfance », nous explique-t-il. Le grand nombre de quartiers défavorisés à Maurice, avec leur lot de misère sociale, ne peuvent que favoriser l’émergence de plus en plus de voleurs.

Comment les autorités pénitentiaires doivent-elles gérer la situation ? Le psychologue met l’emphase sur le fait que la prison doit viser la réhabilitation et non pas seulement la punition. À long terme, ce sera la société qui en sortira gagnante. « Tout prisonnier qui peut avoir une ‘positive response’ doit avoir un suivi psychologique. Actuellement à Maurice, il y a plusieurs prisonniers qui doivent impérativement suivre un traitement psychologique. On doit adresser le problème de leur comportement en société à la racine », nous dit-il.

Également, une fois que l’incarcération a pris fin, le Dr Deonaran précise qu’il est important que certains prisonniers fassent toujours l’objet d’un suivi psychologique pour éviter toute récidive. « Il y a de très fortes chances qu’un ex-détenu, récemment libéré, livré à lui-même et n’ayant personne vers qui se tourner, commet le même type de délit pour lequel il a été enfermé», conclut-il. L’absence de ‘resettlementpolicy’, visant à trouver du travail, une formation ou un encadrement psychologique à un ex-détenu fait cruellement défaut à Maurice. Ainsi, des 2,907 condamnés envoyés en prison en 2015, 68% étaient des récidivistesqui ont déjà connu la prison dans le passé (source : Statistics Mauritius).

 

Moka : il est condamné à 6 mois de prison quelques heures après avoir volé des letchis chez le Commissionnaire de police

Un habitant de Saint-Pierre avait été condamné par le tribunal de Moka à 6 mois de prison quelques heures après avoir volé environ 200 letchis dans le jardin du Commissaire de police, Mario Nobin, à Moka.

Les faits se sont produits le 2 décembre 2016. C’est un policier qui a surpris le prévenu, âgé de 42 ans, dans le jardin du Commissaire de Police. L’habitant de Saint-Pierre a été arrêté peu après. Lors de son interrogatoire, le prévenu est passé aux aveux. Le même jour, avec une célérité étonnante, il a été traduit devant le tribunal de Moka où il a plaidé coupable. Plusieurs juristes vont alors qualifier cet épisode de jamais vu. Si seulement la police et la justice pouvaient agir avec la même célérité pour le commun des mortels !