Reprise parlementaire : L’opposition promet de faire feu de tout bois

Après plus de deux mois de vacances, les parlementaires reprendront le chemin de l’hémicycle ce mardi 26 octobre. Une reprise qui s’annonce chaude. Avec en perspective un léger changement de configuration, le député Salim Abbas Mamode, élu au no. 3 sous la bannière de l’Alliance Nationale (PTr-PMSD) aux dernières élections, ayant viré du bleu à l’orange, siègera désormais dans les rangs de la majorité. Une adhésion dont se réjouit le gouvernement, affaibli sur le terrain et acculé au Parlement, mais qui ne refroidit nullement les ardeurs de l’opposition qui promet de faire feu de tout bois, les dossiers brûlants contre le gouvernement ne manquant pas.

Le Dr Arvin Boolell, toujours sous le coup d’une suspension arbitraire et illégale du Speaker Sooroojdev Phokeer, sera contraint de suivre les débats parlementaires à distance. Il souhaite un dénouement rapide dans l’affaire qu’il a logée en Cour pour protester contre sa suspension et regrette qu’il n’y ait pas de Cour constitutionnelle. Mais les autres élus travaillistes, ajoute-t-il, sont motivés à bloc. Une rentrée qui s’annonce donc palpitante, selon lui, quoiqu’il déplore le fait que ce soit le même Speaker qui reste en poste. « Il coule de source que c’est le même Speaker qui présidera les travaux, en dépit de son caractère controversé et controversable. Ce qui n’augure rien de bon pour la démocratie parlementaire. Je ne vois pas comment l’opposition pourra faire confiance à ce Speaker », dit-il.

Le chef de file du PTr au Parlement insiste que pour la bonne marche de la démocratie parlementaire, les questions de l’opposition doivent être répondues. Et pour cela, il faut que le Speaker soit ferme et impartial. « Il ne peut pas permettre que le Premier ministre prenne tout son temps pour répondre à une ou deux questions seulement durant les trente minutes allouées au PMQT. Lors des PNQ également, il ne peut pas citer des ‘standing orders’ pour freiner les questions de l’opposition, surtout quand il s’agit des questions liées à l’implication des ministres dans certaines transactions pas trop correctes », poursuit-il, en ajoutant que cette session sera relativement courte et que les questions liées à l’actualité sont nombreuses, surtout Air Mauritius et la possibilité qu’elle soit délistée de la bourse. Parallèlement aux travaux parlementaires, les travaillistes, précise le Dr Boolell, s’activent aussi sur le terrain, surtout en vue des municipales.

Même son de cloche du côté du PMSD. Kushal Lobine, député bleu au no. 15, réaffirme la détermination de l’opposition de mettre le gouvernement devant ses responsabilités. Une de ses premières préoccupations : l’‘Offshore Petroleum Bill’. « Nous voulons savoir pourquoi le gouvernement vient maintenant avec un tel projet de loi », lance le député du PMSD. La gestion de la Covid-19 reste aussi un sujet qui préoccupe.  « La rentrée parlementaire est salutaire. Ena bocou réponses que l’exécutif pou bizin donne la population. Ce sera aussi une occasion pour nous de faire le suivi de bon nombre de questions auxquelles nous n’avons eu aucune réponse jusqu’ici. Je souhaite que le gouvernement se montre plus déterminé à nous répondre et qu’il ne joue plus au cache-cache », soutient-il.

Kushal Lobine souhaite aussi qu’il y ait plus de synergie entre les partis de l’opposition parlementaire pour « montrer à la population l’importance d’avoir une opposition forte et unie dans Parlement ». Concernant le Speaker, l’élu bleu du no. 15 est d’avis qu’il incombe à l’exécutif de jouer son rôle correctement. « Que le même Speaker soit là ou pas, l’exécutif doit jouer son rôle indépendamment du Speaker. Lerla pou ena ene level playing field. Nou pose questions et nous gagne réponse et la population aussi gagne réponses », argue-t-il, en s’attendant que le gouvernement « pas cassiette derrière l’enquête en cours et clause de confidentialité pou repone à bane questions comme par exemple lor salaire directeur général de l’ICAC ». Le décorum, insiste-t-il, doit être respecté que ce soit par l’exécutif, le gouvernement, l’opposition et le Speaker afin de respecter la démocratie parlementaire et de maintenir la dignité du Temple de la démocratie.

Opacité prévalente

Reza Uteem, député mauve, exige, pour sa part, que des sanctions soient prises contre le Speaker Sooroojdev Phokeer pour son comportement inacceptable envers un élu de la République lors de la dernière séance parlementaire, et cela avant la rentrée prévue pour ce mardi. Le MMM, indique-t-il, ne compte pas faire de cadeaux au gouvernement, d’autant que les munitions ne manquent pas. Il rappelle que le gouvernement et le Premier ministre ont le devoir et la responsabilité de répondre aux questions qui leur sont adressées. Il exigera ainsi que des réponses aux précédentes interpellations soient fournies.

La rentrée parlementaire intervient dans un contexte difficile, juge, pour sa part, Nando Bodha, leader du Rassemblement Mauricien (RM). Il déplore d’emblée le fait que le Premier ministre n’ait pas répondu à une question embarrassante sur le dossier Angus Road durant la dernière séance parlementaire. Une attitude qui reflète, selon lui, une attitude anti-démocratique. « C’est une stratégie qui ne respecte aucune transparence », dénonce-t-il, ajoutant que le gouvernement fait tout pour museler la voix de l’opposition sur divers sujets, dont la gestion de la Covid-19, entre autres.

Nando Bodha regrette que l’Assemblée nationale ait été dévalorisée et pointe du doigt les agissements du Speaker et les sanctions qu’il impose à certains députés de l’opposition. Il affirme néanmoins que l’opposition ne se laissera pas intimider et qu’elle continuera d’agir avec fermeté pour dénoncer les scandales, le népotisme et la mainmise du gouvernement sur les institutions. « Nous scruterons toutes les nouvelles législations et participerons à tous les débats dans l’intérêt de la population. Mais aussi pour dénoncer tous les abus autocratiques et jouer notre rôle de l’alternance, car le peuple attend avec impatience un renouveau ».  

Sur 952 interpellations adressées par l’Opposition du 23 mars au 3 août 2021

194 questions restées sans réponses

Le Whip de l’Opposition, Patrice Armance, a dressé une liste faisant état du palmarès des ministres n’ayant pas répondu aux questions que leur avaient adressées les membres de l’opposition du 23 mars au 3 août 2021. En haut du hit-parade, on retrouve le trio Jugnauth-Padayachy-Jagutpal. Il s’avère que c’est le Premier ministre Pravind Jugnauth en sort haut la main, avec pas moins de 83 questions restées sans réponses. Il est suivi, de loin certes, par le ministre des Finances Renganaden Padayachy avec 29 interpellations auxquelles il n’a pas répondu. Survient ensuite à la troisième position, le ministre de la Santé Kailesh Jagutpal qui a joué aux abonnés absents sur au moins onze interpellations.

Le trio Jugnauth-Padayachy-Jagutpal, il faut le préciser, étaient acculés sur divers dossiers. Le Premier ministre s’est caché derrière divers prétextes pour éviter de répondre aux questions embarrassantes contre lui-même, notamment dans l’affaire Angus Road, et sur d’autres sujets jugés scandaleux. Renganaden Padayachy a dû, pour sa part, faire face aux interpellations sur la situation économique, la MIC et la polémique entourant les prévisions de Statistics Mauritius concernant les arrivées touristiques alors que Kailesh Jagutpal a été contraint d’affronter l’opposition sur la gestion de la Covid-19 et le scandale Pack & Blister, entre autres.

Au total, 952 questions avaient été adressées aux membres du gouvernement. 593 d’entre elles ont été répondues alors que 194 ne l’ont pas été.