Sacs de remplacement : les Mauriciens loin d’être contents

Interdiction des sacs en plastique

Déjà un an que l’Environment Protection (Banning of Plastic Bags) Regulations 2015 est en vigueur. Cette loi a un objectif à court terme et précis : interdire les sacs en plastique à Maurice. Elle était pourtant diversement commentée et certains prévoyaient même qu’elle était vouée à l’échec. Quel est le constat un an après l’introduction de cette interdiction ? Les résultats sont plutôt probants… hormis quelques irréductibles qui persistent avec l’utilisation des sacs en plastique, ces objets qui présentent un grand danger pour l’environnement semble disparaitre de la circulation.

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Après un départ controversé, l’interdiction des sacs en plastique semble être entrée dans les mœurs des Mauriciens, du moins dans leur grande majorité, une année après l’entrée en vigueur de la loi. Les traditionnels sacs en plastique noirs, bleus ou blancs, plus connus à Maurice comme les ‘sacs 50 sous’, ‘sac Re 1’ et ‘sac Rs 2’ se sont faits rares. Ils ont fait place à des sacs biodégradables avec pour matière première la pomme de terre.

 

Les nouveaux sacs : pas au goût des Mauriciens

La plupart des Mauriciens ont ainsi adapté leur mode de vie à la nouvelle loi en vigueur. Les autorités disent noter une nette amélioration en faveur de l’utilisation des sacs non plastiques et pour cause, les campagnes de sensibilisation dans les médias menées auprès des citoyens et des commerçants pendant toute l’année écoulée.

Partout les sacs en tissu ont fait leur apparition tout comme les sacs en plastique biodégradables, qui coûtent cependant plus cher et ne sont pas de bonne qualité, selon les consommateurs. Outre les sacs biodégradables, nous avons aussi les sacs en papier recyclé, surtout utilisé chez les boulangers. Toutefois, ces sacs sont trop fragiles au goût des consommateurs.

 

Les vieilles habitudes ont la vie dure

Cependant, certaines personnes continueraient à faire fi des règlements et persisteraient à utiliser ces sacs qui ont causé pendant longtemps beaucoup de mal à l’environnement. Aussi, bon nombre de Mauriciens ne semblent pas se soucier de la protection de l’environnement et continuent à balancer, à chaque coin de rue, des bouteilles en plastique ou autres déchets en plastique. Mais il a été scientifiquement prouvé que ces déchets prennent au minimum 400 ans pour se dégrader. Les chiffres disponibles font état de quelques  641 contraventions entre janvier et novembre de l’année dernière pour « litering ».

Le constat est visible sur les routes, les terrains en friche, les canalisations, les rivières et même au bord de mer. Les sacs en plastique polluent toujours et cela à cause de l’insouciance de certaines personnes dont la protection de l’environnement est le dernier des soucis. Comme le dit l’adage, les vieilles habitudes ont la vie dure !

 

La police et les autorités concernées ont durci le ton en 2016

Après une période d’essai au début de 2016 et une campagne de sensibilisation intensive des autorités auprès des citoyens dans tout le pays, les premières contraventions commencent à faire leur apparition dès avril 2016. Il y a eu 58 contraventions dressées par la police de l’Environnement en collaboration avec le ministère de tutelle. Outre les avertissements et les amendes allant jusqu’à Rs 4 000, une trentaine de cas ont été référées au bureau du Directeur des Poursuites publiques (DPP) et cinq cas ont été appelés en cour.

Selon les statistiques disponibles, c’est dans la capitale que le plus grand nombre de contraventions a été dressé, soit 27. Grand Port se place en deuxième position avec 5 contraventions, ensuite Rose-Hill avec 3, Quatre-Bornes 2, Forest-Side et Rivière-Noire 1. La majorité des contraventions ont été dressées aux abords des marchés et plus précisément à l’encontre des marchands de fruits et de légumes.

Plus de 400 000 sacs saisis

En 2016 uniquement, les autorités douanières ont procédé à la saisie de 473 179 sacs en plastique jugés non conformes. De ce fait, 67 importateurs ont été épinglés. Pendant ce temps, de mai à décembre 2016, il y a eu la saisie de 178 230 sacs recyclés localement.  Quelques 15 855 sacs en plastique ont été réexpédiés dans leur pays d’origine une fois interceptés à la douane et il reste toujours 279 094 sacs interdits d’utilisation sur le territoire mauricien en attente d’être réexpédiés.

En novembre dernier, la police de l’Environnement a réussi avec brio une belle prise avec la saisie de plus de 250 kg de sacs non réglementaires qui étaient en vente à bord d’une fourgonnette. D’autres saisies ont été effectuées à Flacq et Port-Louis. Il y a aussi eu la saisie de plusieurs sacs en tissu fabriqués avec de la résine de polypropylène.

Les rouleaux de sacs en plastique interdits aussi

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On les voit partout. Dans les superettes, au marché, dans les boucheries et même à la boulangerie du coin. En effet, les rouleaux de sacs en plastique sans manche sont ceux que l’on retrouve le plus fréquemment depuis l’entrée en vigueur de l’Environment Protection (Banning of Plastic Bags) Regulations 2015. Cependant, les règlements sont clairs en ce qui concerne ces sacs justement. Il s’avère que dans bon nombre de cas, ces sacs ne sont pas destinés à être vendus, car ils doivent être utilisés uniquement à la vente de produits frigorifiés.

Mais se basant sur les témoignages des commerçants, on peut en déduire que les clients exigent des sacs en plastique non-conformes aux règlements. Certains clients refuseraient de payer le prix du sac réglementaire et favoriseraient alors un autre détaillant qui offre des sacs non-conformes à meilleur prix. Ce qui causerait un trafic des sacs en plastique non-conformes.

 

L’interdiction bientôt étendue aux bouteilles en plastique

Nous apprenons aussi qu’après ce premier succès, les autorités songent à amender la loi pour étendre l’interdiction à d’autres produits en plastique comme les bouteilles PET (Ndlr : polyéthylène téréphtalate, matière plastique recyclable utilisée pour la fabrication de bouteilles pour l’eau minérale ou les boissons gazeuses). Déjà, plusieurs producteurs de bouteilles PET ont revu à la baisse le pourcentage de résine de polypropylène utilisé dans leur production.

 

Satisfait des résultats

Les résultats de la première année de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sont considérés satisfaisants par les autorités. De ce fait, des amendements seront apportés à l’Environment Protection (Banning of Plastic Bags) Regulations 2015 en vue de réduire davantage l’utilisation du plastique à Maurice, dont les chiffres pour 2014 afficheraient 300 millions d’unités.

Notons aussi que malgré l’interdiction des sacs en plastique, il n’y a pas eu de grandes répercussions sur l’emploi.

 

Les neuf types de sacs permis

D’après l’Environment Protection (Banning of Plastic Bags) Regulations 2015, il est strictement interdit d’utiliser et de vendre des sacs en plastique avec ou sans manches ainsi que tous les sacs non biodégradables.

Il y a toujours toutefois neuf types de sacs qui sont permis :

  • Les rouleaux de sacs transparents pour les besoins alimentaires, comme les fruits de mer frais, les produits réfrigérés, la viande et les volailles.
  • Les sacs-poubelle.
  • Les sacs d’emballage où les produits sont scellés avant la vente sur le marché local ou pour l’exportation.
  • Les sacs à des fins agricoles.
  • Les sacs utilisés pour l’échantillonnage.
  • Les sacs pour le marché de l’exportation.
  • Les pochettes transparentes ne dépassant pas les 300 cm.
  • Les sacs transparents utilisés par les passagers transitant par l’aéroport.
  • Les sacs pouvant contenir les liquides, aérosols ou gels.

Les sacs interdits toujours présents

Nous avons fait le tour du Marché Central, des grandes surfaces, des magasins, des restos rapides et des commerçants de rue. On constate que l’utilisation des sacs en plastique interdits est toujours présente. Ainsi, les maraîchers au Marché Central disent qu’il est très difficile de cesser de s’en servir. La plupart d’entre eux rejettent la faute sur les membres du public. « Bann clients contre sac biodegradable akoz li pa solide », d’après un maraîcher. Malgré les nombreuses affiches « Non aux sacs en plastique » dans les rues de Port-Louis, les consommateurs ne semblent pas en être conscients, selon lui.

Plus loin, toujours au Marché Central, comme on peut le remarquer sur la photo ci-dessus, les sacs en plastique n’ont pas complètement disparu. Des personnes viendraient en livrer aux maraîchers, et ce plusieurs fois par semaine, d’après un autre maraîcher qui a voulu garder l’anonymat.

Autre raison qui pousserait les marchands à utiliser davantage les sacs interdits serait le coût. Les sacs biodégradables coûteraient plus cher.  « Moi mone deza gagne contravention mais mo pa capave faire nanier, mo bizin travaille. Client mem pa oulé aster pli cher », a affirmé un commerçant.

Un autre précise que les sacs bios n’arrivent pas à soutenir 5 demi-kilos de légumes. Les commerçants sont surveillés par les inspecteurs mais qu’en est-il des consommateurs ?, se demande un autre commerçant.

 

Revoir la matière des nouveaux sacs

Du côté des supermarchés, on nous affirme que les investissements dans les sacs en plastique avant qu’ils ne soient interdits ont été une grande perte. Un gérant d’un supermarché de la capitale partage le même avis que les marchands du marché central. « Le public se plaint des sacs bios qu’il qualifie de non-solides », dit-il. Plusieurs grandes surfaces rencontrent ce problème qui se répercute sur leur business. Contrairement aux maraîchers, les supermarchés, eux, doivent aussi investir  dans des sacs bios pour les produits surgelés. « Il est important que les autorités revoient la matière des nouveaux sacs car ceux-ci n’ont que des inconvénients », a-t-il déploré.

Même position du côté des restos rapides et les magasins. Ainsi, plusieurs magasiniers utilisent les sacs en plastique sans marches qui sont également interdits.

Francesca, une habitante de La Tour Koenig, est du même avis que nos interlocuteurs ci-dessus. Selon elle, le public n’est pas assez avisé. Elle est toutefois consciente que les sacs en plastique représentent un danger pour l’environnement mais elle affirme qu’il faudrait avant tout sanctionner les fournisseurs. Pour sa part, elle préfère se munir de ses propres « tentes bazar » pour faire les emplettes.

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Nous avons aussi obtenu l’avis d’un éboueur à  Port-Louis. Sunil, exerçant ce métier depuis maintenant sept ans, ne remarque aucun changement au Marché Central depuis que les sacs en plastique ont été interdits. « Mo ramasse plis qui mille sacs en plastique tou couleur, tou forme tou les jours », selon lui. Il en profite pour faire un appel aux autorités : « Il faudrait durcir la loi ». 

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Campagne de sensibilisation en novembre dernier

Des officiers du ministère de l’Environnement, accompagnés par des policiers, ont procédé à un exercice de sensibilisation au Marché Central, le 30 novembre dernier. « Beaucoup de personnes n’ont pas complètement éliminé l’utilisation des sacs en plastique. Il faut les conscientiser car cela nuit à l’environnement », a affirmé la directrice de l’Environnement, Dominique Ng Yun Wing. « Des mesures seront prises contre les récalcitrants », a-t-elle ajouté, tout en faisant un appel à la coopération du public. Les officiers ont saisi des sacs en plastique utilisés par des maraîchers lors de cette opération. Certains opérateurs n’avaient pas manqué de faire part de leur mécontentement. « Bann sac biodegradable pas solide », disent-ils. À noter que quelque 400 000 sacs en plastique ont été saisis depuis le début de février 2016.

 

500 à 1000 milliards de sacs en plastique utilisés mondialement, il y a danger !

S’il n’y a jamais eu de réel recensement, les groupes environnementaux estiment entre 500 et 1000 milliards le nombre de sacs en plastique utilisés dans le monde chaque année. Un chiffre démesuré qui traduit une équation simple : une course égale un sac plastique. Sur terre, et plus particulièrement sur le continent africain, où il fait souvent partie du paysage, le sac plastique est tout aussi dangereux pour nos mammifères. Rien qu’au Burkina Faso, il entraînerait la mort de 30% du bétail selon le ministère de l’Environnement. Car les bovins, tout au moins ceux élevés en pleine ville, n’ayant pas de pâturage pour brouter, les confondent également avec de la nourriture (et ce ne sont d’ailleurs pas les seuls déchets qu’ils ingurgitent au quotidien). Si bien qu’en Mauritanie, sans nécessairement en mourir directement, «  près de 80 % des bovins tués aux abattoirs de Nouakchott sont porteurs de sacs plastiques dans leur panse  », a déclaré le ministre mauritanien de l’Environnement, Amedi Camara, selon l’Agence de presse officielle mauritanienne (AMI).

Plusieurs pays ont décidé d’endurcir les lois sur l’utilisation des sacs en plastique pour protéger l’environnement, notamment la Chine, Bangladesh, l’Asie, l’Inde etc. Ceux qui ont imposé une taxe sur ces sacs sont : l’Allemagne, l’Irlande et le Pays de Galles entre autres.

Terre mère de la surconsommation, les États-Unis –où sont écoulés pas moins de 102 milliards de sacs en plastique chaque année selon la Commission américaine du Commerce international  n’ont de législation contraignante qu’à un niveau municipal (plusieurs villes, notamment en Californie, ont ainsi pris les devants en interdisant totalement, ou en imposant une taxe sur les sacs en plastique). Et il en est de même au Canada voisin. Alors comment expliquer que ces pays, qui semblent en tout cas consommer le plus et lutter le moins contre les sacs en plastique, restent les moins touchés par ce fléau ?