Sauver la casse en attendant un nouveau krach

Le cas des deux pilotes, anciens lauréats, forcés de se lancer dans le lavage de voiture et la plantation sous la menace d’un congé sans solde pour 5 ans, a tellement scandalisé la population qu’il a fallu que le gouvernement s’adonne inéluctablement à un exercice de ‘crisis management’ en quatrième vitesse pour sauver le peu de dignité qu’il lui reste. C’est ce qui a contraint le Premier ministre à rencontrer, en quatrième vitesse, 3 des 18 pilotes concernés, avant d’annoncer leur réintégration à partir du 1er novembre. Bonne nouvelle, certes. Qui ne serait pas content de voir un tel dénouement qui, autrement, aurait brisé l’avenir de nos jeunes professionnels au bout de plusieurs années d’efforts constants et de sacrifices inlassables, tout en donnant le mauvais signal à la jeune génération ?

L’opinion publique, accentuée par la pression médiatique et politique, a été telle qu’il aurait été suicidaire pour Pravind Jugnauth de ne pas entendre la voix de la raison. Surtout quand il était accusé d’avoir favorisé son super conseiller Ken Arian, un arriviste parachuté du jour au lendemain comme CEO de l’Airport Holdings Ltd sans appel de candidature et sans notion et expérience de gestion d’une compagnie d’aviation, au détriment d’anciens lauréats et d’employés mis au rebut dédaigneusement après qu’ils aient trimé honnêtement, sans faveur aucune, pour conserver la gloire d’Air Mauritius et celle du pays. La comparaison était trop flagrante et choquante pour ne pas ternir davantage l’image du gouvernement. D’où l’urgence gouvernementale de réparer illico presto les dégâts, donnant par la même occasion la distincte impression que le Premier ministre est sensible à la détresse de ces employés.

Ce serait naïf d’occulter le fait qu’en ce faisant, Pravind Jugnauth et son protégé Ken Arian ont démontré qu’ils ont la haute main sur Air Mauritius. Ce qui ne laisse place à aucune illusion quant au fait que « zot mem met dehors, zot mem reprend », en envoyant balader une décision inclue dans le plan pondu par les administrateurs Sattar Hajee Abdoula et Arvindsingh Gokhool pour Rs 49 millions. Du « gros cash », comme l’a dit Bissoon Mungroo, jeté par la fenêtre puisque, outre les soubresauts auxquels a dû consentir le gouvernement pour sauver la casse, les administrateurs n’ont même pas proposé un plan stratégique pour restructurer Air Mauritius ne serait-ce que sur le court terme. Ce qui laisse maintenant le champ libre au nouveau chairman Nayen Koomar Ballah, un autre proche de Lakwizinn, d’orienter la compagnie à sa guise, en attendant la nomination d’un autre « chatwa » comme nouveau CEO. Les prémices d’un nouveau krach se dessinent déjà.

Nayen Kumar Ballah siégeait déjà sur le conseil d’administration d’Air Mauritius avant sa mise en administration volontaire. La bonne gouvernance aurait exigé que ceux qui étaient aux commandes avant cette fâcheuse situation soient définitivement écartés pour éviter un autre désastre. Cela aurait dû être une des conditions sine qua non dans un plan de redressement, s’il y en avait un. Tant pis pour la bonne gouvernance. Mais comment voulez-vous que le Paille en Queue bouge dans la bonne direction si on prend les mêmes et on recommence ? Les mauvaises habitudes ont la peau dure chez certains. Le prix, ce sont éventuellement les contribuables qui le paieront chèrement.