« Jamais Parlement pane arrive ène nivo aussi bas ki sa ». C’est un des plus vieux routiers de l’Assemblée nationale qui le dit. Et Paul Bérenger a bien raison. Le nouveau Loudspeaker, pardon Speaker, repêché tout droit de notre ambassade à Washington où il se plaisait à ridiculiser et insulter un de nos compatriotes en raison de ses dreadlocks, promet d’être encore plus servile envers le gouvernement du jour. C’est comme s’il a juré de mieux faire que son prédécesseur Maya, pas May (ndlr : Erskine May est considérée mondialement comme étant la Bible du Parlement), en se comportant comme un vulgaire agent de l’alliance gouvernementale. Du coup, même Maya Hanoomanjee, qu’on croyait jusqu’ici inégalable en terme de partialité, a subitement trouvé grâce aux yeux de certains, comme le prouvent les nombreux commentaires genre « Vive Maya » ou « mille fois Maya ». C’est dire à quel point le Speaker a franchi toutes les bornes.
Sooroojdev Phokeer n’a d’yeux que pour les élus de la majorité alors que ses oreilles n’entendent que du côté de l’opposition. Et ses hurlements caverneux, résonant dans l’hémicycle tel un ‘loudspeaker’ déréglé en mode ‘repeat’, ne sont bien entendu dirigés que vers la minorité parlementaire. Le mot « impartialité » a peut-être disparu de son dictionnaire, à moins qu’il ne comprenne pas la signification du mot, tout comme il ne maîtrise pas les ‘standing orders’ qu’il brandissait pourtant lui-même. Sinon, il aurait compris qu’on ne permet pas une motion pour ensuite venir dire que le Deputy Prime Minister « will take his responsibility » dans l’éventualité qu’elle soit ‘subjudice’. Dans quelle démocratie au monde voit-on un Speaker agir avec une légèreté aussi insolente et inadmissible ? La délégation ministérielle étrangère présente dans la Chambre a ainsi été un témoin privilégié de la façon honteuse dont notre démocratie parlementaire a été bafouée.
Le Speaker a fait encore pire. Il a ‘set a new record’ en suspendant le leader de l’Opposition pour les deux prochaines séances parlementaires. Déjà que le Parlement fonctionnait selon bon vouloir du Premier ministre, voilà maintenant qu’Arvin Boolell est privé de son droit constitutionnel de poser des PNQs. « Plus qu’un viol de la Constitution, c’est l’État qui a pris un coup », nous dit d’ailleurs l’avocat et expert constitutionnel Parvez Dookhy. Rien qu’en commettant une telle entorse à la démocratie, Sooroojdev Phokeer mérite d’être ‘ordered out’, comme il l’avait été de l’ambassade de Caire en 2004 pour abus d’autorité et pratiques irrégulières et immorales. S’il avait été rappelé au pays par Paul Bérenger, le clan Jugnauth avait, lui, toléré les agissements de Phokeer en le maintenant à son poste d’ambassadeur au Washington où de graves allégations de discriminations raciales avaient été portées contre lui. C’est sans doute pour cela qu’il s’est vu pousser des ailes. Comment quelqu’un qui n’a pas su préserver l’intégrité d’une ambassade peut-il faire maintenir le décorum du Parlement ? On comprend maintenant mieux les craintes de ceux qui avaient décrié sa nomination comme Speaker, puisqu’il n’a pas mis longtemps à jeter en pâture l’image de notre auguste Assemblée nationale, comme cela a souvent été le cas sous le précédent mandat du gouvernement, mais à un degré nettement plus élevé cette fois-ci.
Le caractère sacré du Temple de la démocratie a été crapuleusement violé. La gestion des affaires du Parlement est teintée de partisanneries. Le respect et l’autorité de la présidence sont pointés du doigt. En cause : un seul homme. Shame on you, Mr Loudspeaker, Sir. Le tribunal du peuple exige que vous « withdraw unconditionally » !