[Violence domestique] Une approche holistique préconisée

Une vidéo récemment partagée sur les réseaux sociaux a choqué le public. On y voit une femme se faire brutalement agresser par un homme. Selon nos informations, elle se trouve désormais aux soins intensifs, victime d’une violence impitoyable. Elle a subi de graves blessures, nécessitant une intervention chirurgicale au niveau de la rate. Son état de santé est jugé critique. La police a ouvert une enquête.

Cette tragédie souligne une tendance alarmante : la montée des violences contre les femmes dans notre société. Selon ‘Statistics Mauritius’, le nombre total de cas de violence domestique à l’encontre des femmes est passé de 1 434 en 2021 à 4 420 en 2022. Malgré les mesures mises en place, telles que les campagnes de sensibilisation, la Hotline (139) et l’application mobile Lespwar dotée d’un ‘Panic Button’ qui permet de détecter le lieu où se trouve une victime de violence afin que les officiers puissent l’assister rapidement, les femmes continuent d’être victimes de violence domestique.

Prisheela Mottee, présidente et fondatrice de l’ONG ‘Raise Brave Girls’, souligne la nécessité d’une réforme sociétale, en particulier dans le domaine de l’éducation. Elle affirme que la violence domestique est un fléau universel qui nécessite une action immédiate. « Malgré les progrès législatifs et les efforts de sensibilisation, le véritable changement nécessite un engagement à long terme pour éduquer la population sur la gestion des émotions et les valeurs morales, dès le plus jeune âge », suggère-t-elle. Elle insiste sur l’importance de briser le cycle de la violence par l’éducation et la prise en charge des émotions, soulignant que la loi doit servir de guide, mais ne peut à elle seule éliminer ce fléau.

« Nous pouvons mettre en œuvre les meilleures lois et signer autant de conventions que possible contre la violence domestique, cela ne mettra pas fin à la violence domestique. Il ne s’agit pas seulement d’un problème sociétal, mais aussi d’un problème émotionnel individuel. Nos concitoyens ont besoin d’un meilleur soutien en matière de santé mentale à tous les niveaux de développement. Nous devons leur enseigner comment gérer leurs émotions dans différentes situations. Ils n’ont pas été correctement préparés, et la plupart des auteurs de violences domestiques ont tendance à reproduire ce qu’ils ont vécu ou observé, perpétuant ainsi un cercle vicieux. Pour briser ce cycle, l’éducation et la gestion émotionnelle sont essentielles. La loi peut servir de guide et de garde-fou », dit-elle.

Ce que propose Prisheela Mottee, c’est une réforme sociétale et un changement complet de paradigme, en commençant par l’éducation précoce. Cela impliquerait d’enseigner aux enfants la distinction entre le bon et le mauvais contact, ainsi que la détection et la gestion des émotions dans diverses situations telles que l’amour, la colère, la tristesse et la joie, entre autres. « Au niveau primaire, il est nécessaire de mettre davantage l’accent sur les lois fondamentales contre la violence, suivies d’une sensibilisation à l’éducation sexuelle et aux lois mauriciennes (y compris la loi constitutionnelle) dans les écoles secondaires. Au niveau tertiaire, il est essentiel d’encourager les débats parmi les étudiants sur ces sujets. Pour garantir le respect des droits des femmes, il est impératif d’impliquer toute la société en tant qu’entité unie », conclut-elle.

Mise en place d’un vrai programme de réhabilitation

L’avocate Lovena Sowkhee, pour sa part, met en lumière les lacunes dans l’application de la loi. Elle souligne que l’existence de lois protectrices est cruciale, mais que leur efficacité dépend de leur mise en œuvre. Elle propose l’utilisation de bracelets électroniques pour protéger les victimes et insiste sur la nécessité d’un programme de réhabilitation pour les agresseurs. Elle met également en garde contre la prolifération de la drogue, qui risque d’aggraver les cas de violence domestique.

« Il est évident qu’une approche holistique est nécessaire pour lutter contre la violence domestique. Cela inclut non seulement des mesures législatives renforcées, mais aussi une éducation précoce et continue, ainsi qu’une application rigoureuse de la loi et des programmes de soutien aux victimes et aux agresseurs. Seulement ainsi pourrons-nous espérer créer un changement réel et durable dans notre société », explique-t-elle. Selon elle, le ministère de l’Égalité des genres a fait état de changements en introduisant le projet de loi sur la violence domestique. Cependant, l’avocate remet en question son efficacité. « Quels nouveaux éléments contient-il pour garantir la protection des femmes ? », interroge-t-elle.