Interview
Zouberr Joomaye est catégorique. Il n’est pas question, dit-il, de se joindre à ce gouvernement. Il laisse toutefois apercevoir un certain intérêt à travailler avec un nouveau gouvernement dirigé par Pravind Jugnauth. Il soutient d’ailleurs qu’il se retrouve facilement dans la génération de ce dernier que celle de sir Anerood Jugnauth. Un aveu qui en dit long sur l’état d’âme du député indépendant de la circonscription no 13.
Zahirah RADHA
Q : Xavier Duval avait été l’un des premiers à vous avoir félicité après votre démission du MMM en septembre 2016. Le féliciterez-vous, à votre tour, d’avoir quitté le gouvernement ?
R : Chaque démission, que ce soit au niveau d’un parti, d’une alliance ou d’un gouvernement, est motivée par des raisons particulières. Xavier Duval a décidé de démissionner, dans le cadre des débats sur le ‘Prosecution Commission Bill’, pour des raisons qui lui sont propres. Je respecte sa décision. Cependant, l’avenir nous dira si ses motivations étaient nobles ou pas.
Toujours est-il que cela a créé un impact considérable sur le plan politique. Le premier à avoir subi un dommage collatéral, c’est bien mon ancien parti, le MMM, qui a perdu le leadership de l’opposition. Aujourd’hui, on se retrouve avec une opposition extrêmement morcelée. Il n’y a jamais eu autant de députés indépendants depuis l’indépendance du pays. C’est probablement le résultat d’une faille au niveau de la direction des partis. Les membres ne sont plus en phase avec ces derniers.
Q : Un regroupement des députés indépendants aurait-il été souhaitable dans le contexte actuel ?
- « Le gouvernement en place a été voté par le peuple et il doit pouvoir terminer son mandat »
R : Pour que des personnes se regroupent, il faut qu’elles aient un objectif commun, des inspirations communes ainsi que des mêmes affinités. La question de regroupement se pose généralement en cas d’une conjoncture politique particulière où il faut prendre des décisions majeures au sein du Parlement ou dans un contexte électoral. Pour le moment, il n’y a ni l’un ni l’autre. On peut donc continuer à évoluer indépendamment, quoique nous nous concertons sur différents sujets.
Q : Mais l’électorat n’y voit pas vraiment pour son compte, n’est-ce pas ?
R : Il y a une fausse perception selon laquelle les députés ne peuvent évoluer qu’au sein d’un parti. Les députés indépendants ont beaucoup plus de marges de manœuvres parce qu’ils n’ont pas des lignes de parti à respecter et donc ils peuvent agir en leur âme et conscience, fut-il pour le vote des projets de loi à l’Assemblée nationale ou sur le terrain. Personnellement, je constate que plus de gens m’approchent maintenant, et ce quelle que soit leur appartenance politique.
Q : Un fauteuil dans les travées du gouvernement vous intéresse-t-il ?
R : Pour moi, la question n’est pas d’actualité. Le paysage politique est suffisamment flou et je ne voudrais pas spéculer sur des choses qui ne sont pas près de se concrétiser.
Q : Et si jamais le MSM vous approchait ?
R : Je n’y ai pas réfléchi. (Pause) Personne ne m’a approché et je ne me joindrai pas au gouvernement. Du moins, pas ce gouvernement.
Q : Pas ce gouvernement, mais un autre dirigé par Pravind Jugnauth peut-être ?
- « Je suis tout à fait d’accord avec le fait qu’il faut rendre le DPP ‘accountable’ »
R : Je me retrouve définitivement plus dans la génération de Pravind Jugnauth que les autres, dont celle de son père par exemple. Je pense que ce sera une opportunité pour que notre génération puisse faire ses preuves. Pour revenir à votre question, je ne déciderai s’il faudrait accorder mon soutien ou pas à Pravind Jugnauth que quand il devient Premier ministre. Cela dépendra beaucoup de son programme gouvernemental et du choix de ses collaborateurs.
Q : Que pensez-vous du bilan du gouvernement ?
R : Écoutez, il y a des mesures positives qui ont été prises. Tout comme il y en a d’autres qui le sont moins. Mais le gouvernement est encore à la deuxième année de son mandat et c’est encore tôt pour juger son bilan. Je vous le dis en toute objectivité, quoi que j’ai appris à faire la politique d’opposition. (Rires) Je viens d’une école où on m’a appris que tout n’est pas bon !
Q : Au cas où il devait y avoir une démission des parlementaires du PMSD et du PTr de l’Assemblée nationale pour provoquer des élections générales anticipées, ils ne pourraient pas compter sur votre soutien ?
R : Les démissions collectives doivent être prises dans des cas extrêmes où, soit la sécurité de l’État, soit la démocratie est menacée de façon confirmée. Un pays ne peut pas aller aux urnes toutes les cinq minutes. Le gouvernement en place a été voté par le peuple et il doit pouvoir terminer son mandat. J’ai quitté un parti qui criait aux élections générales anticipées toutes les cinq minutes. Moi, je pense que c’est antidémocratique de faire croire à l’électorat qu’il faut des élections anticipées sans que ce soit vraiment nécessaire. Les termes de la ‘People’s Representation Act’ doivent être respectés.
Q : Le ‘Prosecution Commission Bill’ n’est pas, selon vous, une menace à la démocratie ?
R : Non. Le ‘Prosecution Commission Bill’ est un outil supplémentaire afin de donner plus de recours à la population en cas de perception d’injustice. Il se peut que le projet de loi ne fût pas parfait, mais on aurait pu en discuter, particulièrement dans la forme. Mais dans l’esprit, moi je suis d’avis qu’il ne faut pas laisser une personne, quelle qu’elle soit, ‘unaccountable’.
Q : Même le DPP ?
R : Quelle qu’elle soit. Je suis tout à fait d’accord avec le fait qu’il faut rendre le DPP ‘accountable’. D’ailleurs, c’est Paul Bérenger lui-même, quand il était Premier ministre en 2003, qui avait lancé cette idée quand le DPP d’alors, Abdool Raffick Hamuth, avait rayé le procès de Cehl Meeah dans l’affaire Gorah Issac.
Q : En parlant de Paul Bérenger, croyez-vous que votre ancien parti, le MMM, a un avenir politique prometteur ?
R : L’histoire nous prouve que les partis politiques ne meurent jamais. L’avenir du MMM est entre les mains de ses membres. C’est à eux de voir quelles sont les décisions qui doivent être prises pour que le parti puisse se relever.
Q : Que pensez-vous de la question de double pratique par des médecins du secteur privé?
R : La question de double pratique par les médecins des hôpitaux a toujours posé problème, que ce soit en termes d’organisation, mais aussi par rapport au non-respect des conditions attachées par les médecins eux-mêmes. Cela créé un ‘double standard’. Mais, philosophiquement, j’ai toujours été contre le fait de toucher aux acquis sociaux de n’importe quel groupe de travailleurs. C’est un droit acquis des médecins du secteur public d’exercer dans le privé. Il faut maintenant revoir cette façon de faire et la restructurer. Le ministère doit se donner les moyens pour contrôler cette pratique privée afin que les patients des hôpitaux ne soient pas pénalisés et que les hôpitaux ne subissent pas de désorganisation.
Q : Les syndicalistes menacent déjà de descendre dans la rue. Êtes-vous en faveur d’une telle démarche ?
R : Ce sont les syndicalistes de la fonction publique qui ont dit cela, et non pas ceux des médecins. Ce n’est pas bon pour l’image des médecins s’ils ont recours à de telles pratiques. Ils n’ont qu’à négocier et prouver leur bonne foi en montrant qu’ils font de la pratique privée selon les normes préétablies. La grève et les manifestations publiques ne doivent pas être les moyens choisis pour faire pression sur le ministère de la Santé. Toutes les parties concernées doivent se concerter afin de trouver une solution.
Q : Quelles seront vos priorités à la prochaine rentrée parlementaire ?
R : Je vais poser des questions sur les recrutements effectués dans les hôpitaux et la délivrance des services, entre autres. Je vais également m’occuper des différents problèmes qui existent dans ma circonscription.