Un test psychométrique lors de l’entretien d’embauche préconisé

Pour travailler avec des enfants en situation de handicap

Après qu’un employé, Ibrahim Sorefan, âgé de 24 ans, ait été arrêté pour attouchements sexuels sur des élèves en situation de handicap à l’école des malentendants à Beau-Bassin, plusieurs interrogations subsistent. Comment assurer une meilleure protection aux élèves vulnérables afin d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise ? Les critères de recrutement doivent-ils être revus ? Quels seront les effets à long terme sur les enfants ? Des éléments de réponse avec la psychologue Azeemah Beehary.

Ibrahim Sorefan, un orthophoniste âgé de 24 ans, employé à l’école des malentendants à Beau-Bassin, est accusé de s’être livré à des attouchements sexuels sur des enfants en situation de handicap. Ce dernier a été arrêté par la police et a comparu devant la cour de district de Rose-Hill le 23 juin. Le magistrat lui ayant refusé la liberté conditionnelle, il a été reconduit en détention policière. L’enquête policière permettra de situer les responsabilités et de déterminer comment une telle situation ait pu se produire.

Comment expliquer l’immoralité d’un homme qui s’acharne à faire du mal sur des enfants vulnérables ? La psychologue Azeemah Beehary pense que cet homme souffre peut-être lui-même des problèmes d’ordre psychologique. En général, quand il s’agit des agresseurs sexuels, il est important de savoir ce qui s’est passé dans leur vie et dans leur esprit, ce qui a nui à leur capacité d’empathie avec les personnes qu’ils ont abusées. Dans de nombreux cas, les agresseurs ont été psychologiquement endommagés, rabougris ou traumatisés à un moment de leur vie, et par la suite, ils auront tendance à développer un comportement où ils dégraderont et déshumaniseront leurs victimes, que ce soit des hommes des femmes, ou des enfants.

Toutefois, il faut aussi noter que dans certains cas, le motif de l’agresseur s’explique par le fait qu’il ressent un désir de se sentir puissant. Certains hommes qui se livrent à des abus sexuels croient qu’ils ont le droit d’avoir ce qu’ils veulent. Lorsqu’ils sont confrontés à des interdits ou à un rejet, ils peuvent se sentir impuissants et finissent ainsi par se tourner vers les agressions sexuelles pour restaurer un sentiment de pouvoir.

Les critères de recrutement doivent-ils être revus ?

Dans le sillage de cette affaire, de nombreuses personnes, dont des parents angoissés, se demandent aussi comment une telle personne ait pu passer en dessous du radar pour être embauchée dans une école spécialisée auprès des enfants vulnérables. Comment se passe le processus de recrutement de formateurs dans les écoles spécialisées où il y a des enfants vulnérables ? Sur quelle base ces employés sont-ils recrutés ? Les critères de recrutement doivent-ils être revus ?

En ce qui concerne les critères requis pour le recrutement d’un employé pour le poste d’enseignant ou de thérapeute dans une école spécialisée, Azeemah Beehary nous explique que cela varie en fonction du poste. En général, le candidat doit avoir un diplôme supérieur universitaire. L’employeur vérifie en principe si le candidat a un bon caractère et s’il peut démontrer de bonnes capacités de communication, d’écoute et d’empathie envers les enfants vulnérables. Mais dans ce contexte, il est important que les recruteurs voient aussi de près son expérience de travail ou les stages qu’il a effectués. Certaines institutions demandent également le certificat de moralité, et il serait souhaitable que cette pratique se généralise.

Azeemah Beehary plaide ainsi à ce que le certificat de moralité, du moins pour les demandeurs d’emplois auprès des enfants vulnérables, inclue le parcours du demandeur dans les établissements où il a fait ses études (que ce soit au niveau primaire, secondaire ou tertiaire). Il est aussi important que lors de l’entretien, le candidat prenne part à un test psychométrique qui permettra d’évaluer ses motivations à postuler pour un tel emploi, ses valeurs, ses préférences, ses traits de personnalité positifs et négatifs.

La vigilance des parents peut-elle prévenir de tels actes ?

Azeemah Beehary, Psychologue

Selon Azeemah Beehary, les parents doivent porter une attention spéciale à ce que leur enfant est en train de faire ou d’apprendre à l’école. Cela s’applique pour tous les enfants, qu’ils ont été admis dans une école spécialisée ou dans une école normale.

« Les parents doivent poser des questions », explique la psychologue. Les réponses des enfants, avec ou sans handicap, s’ils ont subi un traumatisme, seront les mêmes. Les signes physiques et comportementaux suite à un abus sexuel ou autre maltraitance seront aussi les mêmes. Toutefois, pour certains des enfants en situation d’handicap, certains changements peuvent être plus difficiles à associer à l’abus sexuel ou à la maltraitance.

Deuxièmement, les parents doivent enseigner à leur enfant le développement sexuel approprié, et cela dans un langage le plus simple possible. « Tous les enfants doivent connaître les parties du corps humain et quelles sont les parties sexuelles privées », explique-t-elle. Ensuite, les enfants doivent comprendre la différence entre un bon et un mauvais toucher. « Ils doivent savoir que personne n’est autorisé à chatouiller ou à jouer avec leurs parties sexuelles privées », fait ressortir la psychologue. Quelle que soit la capacité de communication de l’enfant, on peut lui apprendre comment dire « non » à travers des mises en scènes.

En dernier lieu, il faut mettre en place des modes de communication alternatifs, afin que même un enfant qui souffre de troubles de communication puisse signaler si quelqu’un enfreint les règles sur l’intimité corporelle qu’il a apprise.

Des effets graves sur la santé mentale des enfants

Quels seront les effets de ces agissements sur la santé mentale d’un enfant qui fait déjà face à une situation de handicap ? Le psychologue Azeemah Beehary nous indique que si des enfants en situation de handicap ont subi des abus sexuels, le traumatisme et autres effets négatifs seront graves. « Les enfants en situation de handicap, contrairement aux enfants qui connaissent un développement normal, sont généralement moins susceptibles de se remettre spontanément d’un événement », fait-elle ressortir.

Y a-t-il des moyens pour permettre à ces enfants de surmonter ce traumatisme ? La psychologue nous explique que des interventions sont possibles, telles que la thérapie cognitivo-comportementale axée sur les traumatismes, la thérapie connue comme ‘Eye Movement Desensitization and Reprocessing’ (EMDR), la thérapie par le jeu et la thérapie interactive parent/enfant. Toutes ces thérapies sont utilisées pour aider ces enfants à surpasser l’événement traumatique, nous indique la psychologue.

Hors-texte

L’Allied Health Professional Council Act mis au rencart

Nous avons aussi eu la version du psychologue Krishna Seeballuck en ce qui concerne le recrutement. Celui-ci nous explique que l’Allied Health Professional Council Act avait été voté en 2017. Cette loi prévoit la mise sur pied d’un Conseil qui serait responsable de déterminer les critères de recrutement pour certains professionnels. Selon nos informations, aucun conseil n’est actif en ce sens, comme requis par l’Allied Health Professional Council Act. Les employeurs ne suivent plus les dispositions de cette loi avant de recruter toute personne qui s’occuperait des enfants en situation de handicap.

Cette loi exige aussi que ces derniers puissent fournir un certificat de moralité. Mais, dans le cas d’Ibrahim Sorefan, ayant un casier judiciaire vierge, cela n’aurait pas empêché son recrutement. D’autre part, Krishna Seeballuck met l’emphase sur le fait que les personnes travaillant avec les enfants vulnérables doivent être formées pour pouvoir évaluer et déterminer les signes comportementaux et physiques d’un enfant qui est abusé ou maltraité. Il pense aussi que les parents doivent être formés pour pouvoir éduquer leurs enfants à mieux comprendre ce sujet et à se protéger efficacement.