Une autre calamité environnementale pointe le bout de son nez

Échouage du bateau de pêche taïwanais Yu Feng

La question qui est sur toutes les lèvres en ce moment : assisterons-nous à une autre catastrophe écologique dans les jours qui viennent en ce qui concerne le chalutier Yu Feng, prisonnier des récifs dans l’archipel de St. Brandon ?

Le Yu Feng No 67, un bateau de pêche taïwanais, avait fait naufrage sur les récifs de l’île Sud dans l’archipel de St. Brandon le 5 décembre, soit depuis plusieurs jours. L’inquiétude est de mise car apparemment, l’eau de mer aurait commencé à s’infiltrer dans la coque du bateau. Selon certaines informations, le bateau contenait environ 78 000 litres de fioul, et des traces noirâtres ont fait leur apparition sur la plage de l’île Sud, ce qui indique qu’il y aurait une fuite dans les soutes de fioul. En outre, plusieurs tonnes d’appâts sur le navire commenceraient à se décomposer, vu que le système de réfrigération ne fonctionne plus, ce qui pourrait se révéler toxique pour l’écosystème marin.

Le syndicat des pêcheurs, de par la voix de son président, Judex Rampaul, se dit « révolté » par la situation et craint le pire si les mesures appropriées ne sont pas prises dans les plus brefs délais. « Le chalutier présente toujours un danger pour St. Brandon car tout déversement de son carburant pourra causer beaucoup de tort à l’environnement marin. On se sent concerné et on ne peut pas prendre cet incident à la légère. Nous sommes révoltés car on voit que les autorités n’ont pas tiré de leçons avec le naufrage du MV Wakashio et l’impact que cela a eu sur l’environnement marin de Maurice », fustige Judex Rampaul.

Le secrétaire du syndicat, Mohamedally Lallmamode, affirme qu’une série d’étapes avait été élaborée par le gouvernement pour faire face aux problèmes d’échouage des chalutiers dans les eaux territoriales de Maurice. « Pourquoi n’applique-t-on pas ces mesures pour éviter une catastrophe écologique ? Pourquoi les autorités mauriciennes prennent-elles tout ce temps pour réagir face à cette situation », demande-t-il.

Qui plus est, il y aurait une zone de basse pression autour de St. Brandon, qui pourrait évoluer en cyclone. Les fortes vagues pourraient provoquer la dislocation du navire, causant ainsi une marée noire, comme cela été le cas pour le MV Wakashio. « La catastrophe deviendra inévitable si les autorités continuent à tergiverser », avertit-il. Il se demande aussi si le chalutier est couvert par la ‘salvage insurance’ (assurance de renflouage), vu qu’il opère dans nos eaux, une mesure récemment imposée par le gouvernement mauricien, et qui est obligatoire pour les opérateurs locaux.

Alain Malherbe : « Les autorités ne savent toujours pas comment gérer la situation »

D’autre part, Alain Malherbe, expert en affaires maritimes, est très critique envers les autorités mauriciennes. « Aussi longtemps que le bateau restera sur le récif de St. Brandon, il constituera un danger pour l’île Sud », lance-t-il. Ce qui met en rogne l’expert maritime, c’est que le gouvernement mauricien ne sait absolument pas quoi faire face à une catastrophe qui s’annonce. « Il est clair que ni le gouvernement, ni le ministre concerné, ni les autres autorités, n’ont tiré les leçons nécessaires après les naufrages que nous avons connus ces derniers temps. Il y a eu environ six naufrages plus ou moins récents, mais les autorités mauriciennes ne savent pas toujours comment gérer la situation. Après tous ces naufrages, le gouvernement n’est toujours pas équipé pour la protection de nos lagons, de nos côtes et de nos zones exclusives maritimes. C’est une faillite totale de la part du gouvernement », fulmine notre interlocuteur.

Dans ce contexte, il ajoute que c’est aberrant que certains membres du gouvernement se lancent dans de grands discours sur l’économie bleue et les ressources de la mer, qui pourraient apporter beaucoup de bénéfices à notre pays. « Ils ne savent même pas de quoi ils parlent », fustige-t-il. Il s’étonne également de la récente déclaration du ministre Sudheer Maudhoo, responsable du portefeuille de l’économie bleue, des ressources marine et de la pêche, qui avait déclaré qu’il avait eu l’aval du ‘State Law Office’ (SLO) avant de pouvoir entamer le renflouage du bateau échoué sur les récifs. « Le ministre ne semble rien connaitre de la loi qui régit son ministère, dont le ‘Merchant Shipping Act’, qui donne au gouvernement le pouvoir d’agir en cas de naufrage dans notre territoire maritime, dès qu’il constitue un danger pour notre pays. Il n’a jamais été question de l’aval du SLO dans le ‘Merchant Shipping Act’. C’est absolument ridicule », dit-il.

Alain Malherbe lance un appel aux autorités de faire leur travail comme il se doit avant qu’il ne soit trop tard.