Le départ de l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam pour l’Inde en milieu de semaine a donné lieu aux plus folles rumeurs et spéculations. Allait-il chercher la bénédiction du gouvernement indien pour enclencher des négociations avec le MSM ? Cherchait-il à finaliser les modalités d’une alliance PTr-MSM loin du regard inquisiteur des médias et du peuple mauricien ? Comptait-il présenter son plan de relève et de transition à Narendra Modi ? Parmi toutes ces supputations, les unes plus sordides que les autres, on oublie l’essentiel. L’ancien Premier ministre, positif à la Covid-19, nécessite des soins poussés pour qu’il puisse s’en remettre rapidement, tout en minimisant les risques d’éventuelles complications. Dans un tel contexte, évoquer des négociations et des alliances relève purement du fantasme.
La réelle question qu’il faut donc se poser, au lieu de se laisser piéger dans un tissu de « conspiracy theories », est de savoir si nous avons la capacité, l’expertise et les équipements nécessaires pour assurer un traitement efficace et une guérison complète des patients, surtout ceux d’un certain âge, et présentant des symptômes, des complications ou des maladies sévères à Maurice ? S’il y en avait eu, Navin Ramgoolam aurait-il ressenti le besoin d’aller se faire soigner ailleurs, tout comme Paul Bérenger l’avait fait en 2013 pour soigner son cancer de la gorge ? Si notre système de santé et notre gestion de la pandémie inspiraient confiance, le PTr, avec le soutien du gouvernement et du Haut-commissariat de l’Inde, aurait-il dû mobiliser autant de ressources et de logistiques pour permettre l’évacuation sanitaire de son leader ? La réponse est évidente, ce déplacement hautement médiatisé, au grand dam du respect de la vie privée de Navin Ramgoolam, faisait foi d’un cinglant désaveu de notre système de santé.
Aux défis urgents qui nous guettent s’ajoute aussi le pressant besoin de revoir, de A à Z, notre politique en matière de santé. C’est inconcevable que, dans un pays qui ambitionne de devenir un « medical hub », les cliniques privées ne sont toujours pas équipées pour traiter la Covid-19 dix-huit mois après les premiers cas recensés en mars 2020. N’en parlons même pas de nos hôpitaux publics qui s’écroulent sous le poids de ce virus mortel avant même que les frontières ne soient complètement ouvertes et que les variants ne débarquent ! De quel « preparedness plan » les autorités parlent-elles alors que les « ventilators » manquent cruellement à l’appel dans les établissements de santé publique plus d’un an après l’acquisition sous « emergency procurement » d’une cinquantaine de ces appareils hautement nécessiteux pour le maintien en vie des patients critiques de la Covid-19 ?
Pourquoi investir dans la fabrication de vaccins quand ce fonds d’un milliard de roupies aurait pu être prioritairement injecté pour moderniser nos équipements et rehausser la qualité de soins dispensés en misant sur la médecine de pointe ? Il est clair que nos priorités doivent être revues. Le Metro Express, par exemple, peut attendre. Par contre, les limitations et les faiblesses de notre système de santé, mises en exergue par la pandémie, doivent être promptement adressées. Il y va de la vie et de la survie des milliers et des milliers de Mauriciens n’ayant pas les moyens de se faire traiter en privé ou encore moins à l’étranger. Comme la petite Keirah, 15 mois, décédée seule dans une salle ICU, loin des siens. Ou ces autres victimes de Covid-19 ou même d’autres maladies qui meurent quotidiennement dans une indifférence totale, par manque de soins adéquats ou par négligence.
Car il s’agit aussi d’une réduction des inégalités sociales face à la maladie. Une modernisation de notre santé publique n’est pas un luxe, mais une nécessité en ce temps de crise sanitaire. On y arrivera certainement si le gouvernement s’y applique aussi passionnément que le Dr Zouberr Joomaye le fait pour son projet de clinique privée à Curepipe. C’est, avant tout, une question de priorité.