- « Les jeunes ont plus que jamais la chance d’apporter leur pierre à l’édifice. Ils peuvent être les acteurs principaux du développement et du progrès au lieu d’être réduits à de simples spectateurs où c’est un groupe de personnes qui décidera à leur place »
Étant lui-même un jeune, il dit comprendre les problèmes auxquels sont confrontés d’autres jeunes qui désertent, de plus en plus, le pays. Pour les retenir, Adrien Duval, membre du PMSD et ancien député, prône une politique d’ouverture et participative. D’où son appel pour que les jeunes se rallient derrière l’alliance PTr-MMM-PMSD…
Q : Vous vous étiez attardé sur les problèmes liés à la jeunesse mauricienne lors de votre discours au dernier congrès de l’alliance PTr-MMM-PMSD à Vacoas. Qu’est-ce qui interpelle le plus par rapport à ce dossier ?
Les jeunes représentent une grande majorité de la population mauricienne. Ils sont confrontés à des défis et des problèmes qui sont spécifiques à eux : obtenir un emploi stable, fonder une famille, avoir un logement décent et consolider leur avenir. Malheureusement, la situation dans le pays a tellement empiré qu’ils ne pensent plus avoir d’avenir ici. Il y a eu une régression sur tous les plans, que ce soit au niveau des institutions, de la démocratie, l’accès au travail, le coût et la qualité de la vie, l’égalité des chances et la liberté d’expression, entre autres. Se sentant impuissant devant cet état de choses, les jeunes préfèrent quitter le pays. D’où l’exode de nos jeunes compétences. Notre objectif, c’est de les retenir au pays pour qu’ils participent au combat et au changement dont le pays a tant besoin.
Q : Mais ces problèmes ne sont-ils pas ceux de toute la population ?
Effectivement, mais ce sont surtout les jeunes qui en souffrent le plus, puisqu’ils sont confrontés à d’énormes défis. Le coût de la vie a augmenté drastiquement. Rien que pour le premier semestre de l’année, l’inflation a atteint presque 8%. La roupie a perdu presque la moitié de sa valeur depuis 2014. Ce qui fait que beaucoup de familles doivent lutter pour pouvoir joindre les deux bouts alors que d’autres sont contraintes de vivre au jour le jour. Ensuite, il y a un sentiment de dégoût qui anime les jeunes. Les institutions sont politisées à outrance et n’inspirent plus confiance. Il y a une perception que la police est à la solde du pouvoir et qu’elle ne fait pas son travail de façon indépendante. Il y a une crainte que le pays s’enfonce davantage dans le précipice. Ce qui pousse les jeunes à se rendre sous d’autres cieux. Il faut donc régler tous ces problèmes, et aller encore plus loin pour leur redonner confiance et espoir dans le pays.
Q : Les jeunes sont très courtisés en ce moment, que ce soit par le gouvernement ou par les partis extra-parlementaires. Ils sont déjà « appâtés » par des mesures aussi bien que le ‘money politics’. Comment allez-vous les convaincre qu’il faut soutenir l’alliance PTr-MMM-PMSD et pas les autres ?
Nous réalisons qu’il y a un énorme travail à faire. Parce qu’outre la volonté, il faut aussi un programme qui correspond à leurs attentes. Je fais partie d’une équipe qui travaille sur ce dossier. Comme je l’ai déjà expliqué, il nous faut d’abord cerner les problèmes – ce que nous faisons déjà – et ensuite trouver des solutions adaptées pour montrer que « we mean business ». Mais pour que cela soit possible, il y a une autre étape importante à franchir : la révision des nominations à la tête de nos institutions afin de réinstaurer la confiance de la population. On ne peut plus continuer avec un système qui favorise la nomination de personnes qui n’ont pas de compétences ou de qualifications pour occuper des postes importants. Nous prônons une politique transparente, inspirée du système américain, où ce sera un comité parlementaire composé de députés du gouvernement et de l’opposition qui sera chargé de voir les nominations.
Q : Très bien, mais comment cette réforme est-elle liée au programme pour les jeunes ?
L’exemple vient d’en haut. Si ceux qui sont à la tête des institutions sont nommés sur une base méritoire, le processus des recrutements pour les autres postes le sera aussi. La compétence et la méritocratie primeront. Ce qui mettra fin à cette politique de ‘backing’ pour avoir un emploi. Ensuite, il faut qu’il y ait plus de transparence en ce qui concerne la gestion et l’opération des institutions, y compris les compagnies où le gouvernement a des actions. Il nous faut aussi mettre un frein aux contrats qui comportent des clauses de confidentialité, sauf si cela a trait à l’armement ou concerne la sécurité d’État.
Il faut aussi qu’il y ait plus de comités parlementaires, par exemple sur l’éducation, la santé, et les secteurs qui touchent la population. Des ‘standing committees’, comme il y en existe en Angleterre, pour les ministères sont aussi importants pour permettre que des ministres et des fonctionnaires soient interpellés sur des sujets d’importance national. Les travaux parlementaires, à l’instar du PMQT, doivent également être revus pour imposer un temps de parole pour les questions et les réponses. En ce qu’il s’agit du Speaker, il doit être quelqu’un d’intègre, de compétent et qui assume son rôle comme il se doit.
Le gouvernement actuel nous a permis de voir les faiblesses de nos institutions. D’où l’urgence des réformes. Celles-ci permettront de réinstaurer la confiance des Mauriciens, dont des jeunes.
Q : Très bien, mais les jeunes sont aussi dégoûtés et découragés par la classe politique actuelle. Ils se sentent exclus du système et veulent un rajeunissement des partis politiques. Leur vœu sera-t-il traduit en réalité ?
L’alliance PTr-MMM-PMSD compte, en son sein, des candidats d’expérience aussi bien que des jeunes talents qui font leurs preuves. Tous les trois partis peuvent se vanter d’avoir des jeunes députés très valables, comme Ritesh Ramphul au PTr, Reza Uteem au MMM et Patrice Armance au PMSD, pour ne citer que ceux-là. Nous avons une fantastique équipe de jeunes, qu’il nous faudra peut-être mettre plus en avant. Mais je suis convaincu que les jeunes s’y retrouveront. Le leader de l’Opposition, Xavier Duval, leur a d’ailleurs demandé, au nom de l’alliance PTr-MMM-PMSD, de lui envoyer leurs propositions directement sur son adresse e-mail, soit xavier@duval.mu.
Q : Avez-vous reçu des propositions jusqu’ici ?
Oui bien sûr, quoique les jeunes ne sont pas encore habitués à cette nouvelle formule, semble-t-il. Nous les enjoignons à être plus participatifs et à nous aider à sauver le pays, car ils ont l’opportunité de participer à l’élaboration de notre programme à travers leurs suggestions. Les congrès que nous poursuivons sur le terrain sont aussi une occasion pour nous d’aller à la rencontre des gens, d’être à leur écoute, de prendre connaissance de leurs doléances, préoccupations et priorités afin de pouvoir éventuellement proposer des solutions à leurs problèmes. Nous voulons que notre programme corresponde à leurs attentes. Nous dévoilerons aussi, à chacun de ces congrès, une partie de notre programme. Ce qui permettra à la population de réaliser notre sérieux et notre volonté d’apporter des changements en profondeur. Je ne crois pas qu’il y ait eu autant de propositions pour de grandes réformes depuis l’indépendance. Avec le soutien de la population, nous le ferons. Nous changerons le système et l’avenir de notre pays.
Q : Tout le monde parle de réformes. Quelles en seront les priorités pour l’alliance PTr-MMM-PMSD ?
D’abord, au niveau de la police, il nous faudra abolir les charges provisoires car ce système, au lieu d’être une exception, est devenu la règle et donne lieu à des abus, surtout pour sévir contre des opposants politiques. Le nombre de charges provisoires rayées en Cour dans des ‘high profile cases’ en témoigne. Il nous faut ensuite introduire le ‘Police and Criminal Evidence Bill’. Ce projet de loi dort dans le tiroir de l’Attorney General depuis plusieurs années. Une fois introduite, cette loi changera complètement le système d’enquête, surtout dans des cas d’aveux obtenus de façon incorrecte et abusive.
Une réforme électorale est aussi prioritaire. Les dernières élections nous ont démontré comment de nombreux électeurs avaient été exclus de la liste électorale. Le système d’enregistrement doit être revu pour que les votants puissent s’enregistrer jusqu’au dernier moment. Les récents chiffres publiés dans le dernier registre électoral prouvent d’ailleurs que plus d’électeurs se sont enregistrés. Parallèlement, pour éviter qu’on ne retrouve des graves irrégularités comme celles notées lors des dernières élections, il faut que le système électoral soit revu et renforci d’une manière prioritaire pour consolider la démocratie.
Une réforme de l’éducation est également impérative. Notre système d’éducation tertiaire est en nette régression et nos diplômes n’ont plus la même valeur. Ce qui met nos jeunes dans une situation de compétition malsaine vis-à-vis des jeunes professionnels étrangers qui sont maintenant encouragés à venir travailler à Maurice pour un salaire minimum de Rs 30 000 alors qu’auparavant des étrangers ne pouvaient pas prendre un emploi chez nous si le salaire était en-dessous de Rs 65 000. C’est un système injuste où les jeunes Mauriciens sont désavantagés. Il nous faut une meilleure considération pour les jeunes si nous voulons les retenir au pays.
Q : Votre message aux jeunes ?
Les jeunes ont plus que jamais la chance d’apporter leur pierre à l’édifice. Ils peuvent être les acteurs principaux du développement et du progrès au lieu d’être réduits à de simples spectateurs où c’est un groupe de personnes qui décidera à leur place. Nous sommes à un tournant de notre histoire et de notre avenir. Si on ne change pas la voie du pays maintenant, dans cinq ans ce sera bien trop tard. On ne peut plus continuer avec la politique de division que nous voyons aujourd’hui. Il nous faut un plan pour combattre la drogue et la criminalité, créer de l’emploi et réduire la cherté de la vie, entre autres. Le gouvernement a failli sur tous ces plans et bien d’autres encore. Mais l’alliance PTr-MMM-PMSD compte venir avec un programme solide et innovateur pour redonner un nouveau souffle au pays et à la population. Aux jeunes, je leur dis ceci : Envoyez-nous vos propositions, mais rejoignez-nous aussi pour galvaniser la population mauricienne. Aidez-nous à changer votre avenir.