Aveugle/s

« Sur quoi se base-t-on- quand on parle de l’impopularité du gouvernement ? Sur ce que dit l’opposition ».  C’est ce qu’a soutenu le ministre Joe Lesjongard, également président du MSM, dans un entretien accordé au Défi Plus hier, samedi 5 août 2023. Dans sa tête donc, le gouvernement n’est pas impopulaire, mais c’est l’opposition qui fait de la démagogie. Rafraîchissons sa mémoire et rappelons-lui ce qu’ont dit des instances internationales contre les pratiques commises ou tolérées par le présent gouvernement.

  • « Elle (ndlr : l’opposition) avance que nous sommes un pays anti-démocratique », dit Joe Lesjongard. Le ministre et président du MSM n’a sans doute pas entendu parler du rapport V-Dem. Après avoir placé Maurice sur la liste des pays en voie d’autocratisation en 2021 et 2022, cet institut suédois a carrément affirmé que la démocratie ne tient plus qu’à un fil dans son rapport 2023, publié en mars dernier. Peut-être devrait-on lui en envoyer une copie ?
  • D’ailleurs, dans le cas de Yogita Baboo, que Joe Lesjongard n’a pas évoqué, mais qui fait la Une de l’actualité, en rendant le gouvernement et ses nominés politiques encore plus impopulaires et donnant l’image d’un pays anti-démocratique, Paddy Crumlin, président de l’ITF (International Transport Workers’ Federation), a dit ceci : « Mauritius cannot claim to be a modern democratic republic while it is allowing large employers to run a roughshod over basic worker and human rights ». Le ministre a intérêt à en prendre bonne note.
  • « Je ne m’en fais pas pour la liberté d’expression à Maurice », soutient le ministre et président du MSM. Il devait pourtant . Parce qu’il n’y a pas que l’opposition ou une section de notre presse qui dénonce le rétrécissement de ce droit fondamental, mais aussi parce que Reporters Sans Frontières (RSF) a dénoncé une hausse des attaques en ligne contre des journalistes. Surtout quand ces attaques sont attribuées à des proches du pouvoir, et qui semblent bénéficier d’une certaine impunité.
  • « We believe that the proposed amendments present a threat to human rightsspecifically, the rights to privacy and freedom of expression including press freedom of the people of Mauritius […] this consultation paper represents a worrying trend in the country, coming as it does on the heels of 2018 revisions tothe ICT Act which criminalized additional categories of online speech ». C’est ce qu’avait écrit une cinquantaine d’organisations internationales dans un document adressé à l’ICTA après le fameux ‘Consultation Paper’ qu’il avait proposé en mai 2021, et contraignant le gouvernement à abandonner ce projet largement contesté.
  • On peut aussi ajouter à cette liste le rappel à l’ordre, en mai 2022, du Fonds Monétaire International (FMI) concernant la gestion de la Banque de Maurice (BoM). Alors que le ministre Joe Lesjongard se targue d’avoir eu les félicitations des instances internationales pour sa gestion des affaires, liées surtout à la pandémie Covid-19, l’Article IV a surtout déploré le fait que « BOM’s ownership of the MIC weigh on the BOM’s independence and blur the separation of monetary and fiscal policies. In addition, the MIC competes with the financial sector for some profitable projects ».

Bref, l’impopularité du gouvernement ne repose pas sur ce que dit l’opposition, mais sur ses propres actions. Des actions souvent revanchardes, irréfléchies, arbitraires, injustifiées, anticonstitutionnelles et anti-démocratiques. Ce qui met en péril non seulement notre démocratie et notre économie, mais aussi l’image du pays à l’international. Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, dit-on.