Boure tou endan !

Vivons-nous toujours dans une démocratie où les libertés fondamentales sont respectées ? NON ! Nous glissons dangereusement vers un État dictatorial où des mesures répressives sont outrancièrement utilisées pour persécuter ceux qui osent élever leurs voix contre les injustices. L’activiste Ivann Bibi en a été victime, vendredi. Que lui reproche-t-on ? D’avoir brandi le mot honni : « boure li dehors » sur une pancarte alors qu’il manifestait pacifiquement devant la Government House. On choisit d’écrire le mot « boure » sans censure en guise de solidarité avec Ivann Bibi. Mais aussi pour exprimer notre indignation quant à la bassesse dans laquelle est tombée cette institution qu’est censée être la police. Si nous exprimer librement fait de nous une « rogue and vagabond », soit ! On ne se taisera point devant l’absurdité et l’ignobilité de cette arrestation arbitraire, injustifiée et injustifiable.

Si « boure li dehors » est tellement offensant aux yeux de la police, dont les ficelles sont tirées depuis le PMO, elle aurait dû arrêter les 150 000 Mauriciens qui avaient scandé ces mêmes mots devant l’hôtel du gouvernement le 29 août 2020. Pourquoi la police n’a-t-elle pas « boure tou endan » ? Le délit n’est-il pas exactement le même que celui dont on accuse l’activiste Bibi ? La seule différence, c’est que Pravind Jugnauth avait alors, contre toute espérance, remercié les manifestants qui réclamaient sa tête. « Mo tenir à saluer bane Mauriciens ki fine participe dans ene la marche pacifique samedi sans violence et dans respect de l’ordre public », avait-il dit. La présence de l’activiste dans cette marche pacifique n’était-elle pas aussi sans violence et dans le respect de l’ordre public ? Qu’on nous explique donc le rationnel derrière cette charge de « rogue and vagabond » retenue contre Bibi si ce n’est une forme d’intimidation pour qu’il mette un frein à ses manifs quasi-quotidiennes. 

Au lieu de perdre son temps inutilement, la police devrait plutôt rassembler les preuves pour « boure endan » tous ces ministres et nominés qui nous prennent pour des demeurés. Outre l’affaire Angus Road et tant d’autres scandales dont on peine à voir au bout du tunnel, quand verra-t-on notre ministre de la Santé être traduit devant la justice pour sa mauvaise gestion de la pandémie Covid-19, comme cela a été le cas d’Agnès Buzyn en France il y a deux semaines ? Notre police, dirigée par le Commissaire par intérim Anil Kumar Dip qui attend d’être confirmé à son poste par le Premier ministre, osera-t-elle traduire Kailesh Jagutpal devant la justice pour « mise en danger de la vie d’autrui » ? S’il n’a pas été interpellé suivant le premier confinement quand on avait appris avec stupeur le méga-scandale concernant l’achat des médicaments et d’équipements médicaux, dont les respirateurs artificiels défectueux de Pack & Blister, il aurait dû, dans un État de droit, être traîné en cour dès que son ministère a reconnu la possibilité d’une « probable increase in the number of deaths among self-isolated and Covid-19 positive patients » dans une circulaire en date du 20 septembre.

Il faudra que le ministre de la Santé réponde à la justice pourquoi il ne fait rien pour soigner et protéger la vie de ces patients positifs qu’il préfère laisser mourir chez eux. Plus répugnant que cela, on n’en a pas vu venant d’un ministre ayant pourtant prêté le serment d’Hippocrate. Malheureusement, dans notre pays devenu antidémocratique selon V-Dem, le ‘nonsense’ de nos dirigeants et institutions a pris le dessus sur le rationnel. Et on en paie les frais. Lourdement. Quotidiennement. Mais jusqu’à quand ?