Combat crédible ou pas ?

L’arrestation de Bruneau Laurette a de quoi surprendre. Oui, on le savait figurer, ensemble avec une série d’autres opposants du régime, sur une ‘hit list’ de la police. Bien entendu, ce n’est pas normal, dans une démocratie, que des adversaires soient sujets à la répression policière parce qu’ils osent dénoncer les maldonnes du gouvernement. Mais connaissant le modus operandi du MSM, il faut vraiment qu’on soit naïf pour croire que Laurette n’allait pas être inquiété après le rassemblement de samedi dernier et ses dénonciations sur la drogue qui se trouvait, selon lui, à bord du Wakashio. D’autant qu’il visait directement le pouvoir et la police. Certains diront qu’il fallait à tout prix le mettre hors d’état de nuire.

Qu’il soit justement arrêté pour trafic de drogue par la ‘Special Striking Team’ d’Ashik Jagai à peine une semaine plus tard était cependant inimaginable. Quoique selon Dominique Raya, compagne de Laurette, celui-ci lui « avait prévenue que cela allait arriver ». Tant de questions se bousculent dans notre tête. Est-il victime d’un coup monté ou pas ? Laurette, sachant que ses moindres actions sont surveillées de près, aurait-il pris la liberté de garder autant de drogues et d’objets compromettants dans sa voiture ? Pourquoi l’emballage des paquets de drogues saisis chez Laurette ressemble-t-il à ceux saisis chez les Gurroby à Pointe-aux-Canonniers en mai 2021 ? Les interrogations ne manquent pas, mais les réponses, on n’en a aucune jusqu’ici.

Ce qu’on sait pour l’heure, selon les propres aveux de l’ASP Jagai, c’est que l’avocat Sanjeev Teeluckdharry, qui a vu la maison de ses beaux-parents être perquisitionnée par cette même équipe la semaine dernière sans que rien de compromettant ne soit retrouvé, sera également entendu dans le sillage de cette affaire. L’équipe de Jagai a-t-elle des preuves contre lui ? Les prochains développements devraient nous permettre d’en savoir plus. La crédibilité de la SST en dépendra, d’autant que jusqu’ici, la perception est qu’elle n’a été mise sur pied que pour faire taire des opposants ayant une certaine ‘nuisance value’ pour le pouvoir en place.

Cette affaire entraînera évidemment des répercussions politiques. Celui qui tentera d’en tirer en premier un capital politique n’est autre que le gouvernement. Il se félicitera de mener un combat acharné contre la drogue. Tandis que la drogue continue d’entrer au pays à gogo, indiquant une faille énorme au niveau de nos autorités de surveillance. La dernière PNQ de Xavier Duval a révélé comment le gouvernement s’emmêle les pinceaux sur le dossier de la drogue. C’est insensé de parler de lutte inlassable contre la drogue et des saisies effectuées par la SST quand ce même gouvernement a autorisé l’importation de 22 millions de feuilles de papier à rouler, d’une valeur marchande de Rs 446 millions, pour un prétendu « stockage personnel ». Nous prend-t-on pour des imbéciles ?

Lors de son intervention sur le ‘Dangerous Drugs (Amendment) Act’ jeudi, le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, s’est targué que 80% des recommandations du rapport Lam Shang Leen ont déjà été mises en œuvre. Ce rapport, se souviendra-t-on, avait principalement recommandé le démantèlement de l’ADSU. Ce que le gouvernement a catégoriquement refusé de faire. D’ailleurs, la plupart des officiers faisant partie de la SST, dont l’ASP Jagai lui-même, étaient auparavant postés à l’ADSU. Ce qui défie toute logique. Et met à rude épreuve la sincérité du gouvernement concernant la lutte contre la drogue.