Débordements à Vallée-Pitot lundi dernier

L’absence de communication du gouvernement pointée du doigt

Ce lundi 7 juin a vu des tensions à Vallée-Pitot, une situation tendue qui a été causée par le cafouillage dans la communication du gouvernement. En outre, la décision de décréter Vallée-Pitot comme ‘zone rouge’ apparait de plus en plus irrationnelle. Plusieurs habitants de cette localité n’arrivent pas, bizarrement, à obtenir le ‘Special WAP’ pour pouvoir approvisionner la zone rouge en vivres et autres produits essentiels. Retour sur des incidents qui auraient pu être évités si le gouvernement savait communiquer efficacement.

Depuis le 24 mai dernier, Vallée-Pitôt avait été décrété ‘zone rouge’. Selon l’avis publié dans le ‘Government Gazette’, les restrictions allaient prendre fin le lundi 7 juin à 20 h. Or, à cette heure lundi dernier, aucun communiqué n’avait été émis pour préciser la prolongation de la zone rouge. Aucun membre du comité national de crise n’a précisé en personne ou a émis de communiqué pour clarifier si cette localité reste comme ‘zone rouge’ ou pas. C’est alors que des habitants sont descendus dans les rues pour exprimer leur mécontentement. Ce n’est que vers 21 h 35 qu’un communiqué officiel a finalement été publié sur la page du ‘Government Information Service’ (GIS) pour indiquer que Vallée-Pitôt continue de rester comme ‘zone rouge’, sans toutefois préciser jusqu’à quelle date. Plus tard dans la soirée, le ‘Government Gazette’ fait ressortir que Vallée-Pitôt continuera d’être en ‘zone rouge’ jusqu’au lundi 14 juin. Il est ainsi clair que c’est le cafouillage dans la stratégie du gouvernement qui a mis le feu aux poudres. A priori, entre 20 h et 22 h, il n’y avait aucune zone rouge en vigueur.

Des incidents qui auraient pu être évités

Il est 20 h ce jeudi 7 juin. Toujours aucune information officielle de la part des autorités concernées. Les habitants, frustrés,  sont dans l’incompréhension. Ils commencent à descendre dans les rues. Une poignée d’énergumènes commencent, eux, à enlever les barrages routiers qui empêchaient les entrées et les sorties. L’atmosphère est lourde. On peut lire de l’indignation et de l’incompréhension sur les visages de ces habitants, qui pour la plupart, sont des travailleurs indépendants ou qui sont marchands ambulants. Comme on le dit dans notre vocabulaire, ces habitants  « travay gramatin pu manze tanto ».

« On nous avait dit 14 jours. Or, il n’y a eu aucun cas de covid-19 à Vallée-Pitot. Pourquoi étend-t-on la durée de la ‘zone rouge’ ? Il n’y a eu aucun communiqué, on n’a fait qu’étendre la zone rouge. Nous sommes des êtres humains. Nous devons travailler pour pouvoir vivre. Pendant ces 14 jours, nous avons pleinement respecté toutes les restrictions légales. Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas communiqué ses raisons du prolongement du zone rouge ? », s’insurge une marchande de cocos de la localité.  « Pou ki zot pe prend nou ? Bane zanimo ? Zot fine bliyé ki nou dans zone rouge et ki zot bizin communique avec nou pou nou koner ki pou fer ? » s’indigne, dans la même foulée, un père de famille.

« Est-ce qu’un membre du gouvernement est venu constater de visu la situation à Vallée-Pitôt ? », se demande un autre habitant. Ce dernier déplore l’absence des autorités pour voir dans quelle situation  vivent les habitants de Vallée-Pitôt depuis 14 jours. « Pourquoi on n’a pas droit aux ‘Special WAP’ ?  Il y a beaucoup des personnes qui travaillent dans les services essentiels qui ne peuvent pas avoir le Special WAP. Il n’y a aucune raison de nous refuser cela », fustige cet habitant.

Les députés de la circonscription no 2, notamment Osman Mohamed, Farhad Aumeer et Reza Uteem ont dû intervenir sur place pour calmer les esprits. Même deux députés de la circonscription no 3, Eshan Juman et Shakeel Mohamed, ont dû être rappelés en renfort par les forces de l’ordre pour ramener le calme.

Le député Osman Mohamed affirme pour sa part, qu’à plusieurs reprises, il a passé des coups de fil au ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, mais sans aucune réponse de ce dernier. Même son message est resté sans réponse. Il a dû prendre contact avec le conseiller du Premier ministre, Ken Arian. C’est ce dernier, selon le député, qui a finalement pu entrer en contact avec le ministre de la Santé. Le député Mohamed n’hésite pas à blâmer l’insouciance des autorités pour cet état de choses.

Selon le député Reza Uteem, vu qu’aucun communiqué n’avait été émis, et vu que les 14 jours sont terminés, il était évident que les habitants allaient sortir de chez eux. « C’est quand la police a essayé de les empêcher de descendre dans la rue qu’il y a eu des ‘clash’ », maintient-il. Il tient le gouvernement, le ‘High-Powered Committee’ et le ministre de la Santé Kailesh Jagutpal comme responsables. Il a toutefois exhorté les habitants à garder leur calme.

Le député dénonce aussi le fait qu’il y a eu des cas avérés de covid-19 dans d’autres régions qui ne sont pourtant pas en ‘zone rouge’, alors qu’actuellement, il n’y a aucun cas de covid-19 à Vallée-Pitôt. « Le gouvernement ne peut pas continuer à hypothèquer la vie de 15 000 habitants », rappelle néanmoins le député.

Reza Uteem lui aussi déplore le fait qu’aucun ‘Special WAP’ n’a été accordé à ces habitants, qui souligne-t-il, ont tout de même respecté la loi et les restrictions de la ‘zone rouge’. Le député insiste que selon la loi, un ‘Special WAP’ doit être octroyé aux personnes concernées.

«  Qui a fauté »

Le lendemain, soit le mardi 8 juin, les différents responsables des mosquées et les travailleurs sociaux dont le président de la mosquée Al Meezan Islamic Centre Reza Paroutty, le président de la mosquée Al Waadi Zayd Imamane, le secrétaire de la mosquée Syedeena Abu Bakr Siddique Farouk Barahim et deux travailleurs sociaux Nizam Nasroollah et Ally Jookhun, ont tenu un point de presse.

« Sans prévenir, les autorités avaient décrété Vallée-Pitôt comme ‘zone rouge’ pour 14 jours. Lundi 7 juin était le dernier jour, mais il n’y a eu aucune communication en ce sens. Ce n’est que plus tard qu’on a appris que c’était à partir des derniers cas recensés de covid-19 le 28 mai qu’on comptait les 14 jours », nous explique le président de la mosquée Al Meezan Islamic Centre. Selon lui, il n’y a aucune nécessité de décréter Vallée-Pitôt comme ‘zone rouge’.

Pour le président de la mosquée Al Waadi Zayd Imamane, en tant qu’humains et citoyens, les habitants se sentaient comme des victimes. « Deux semaines après, nous sommes dans une situation où les éboueurs ne peuvent pas entrer dans la région. Les autorités peuvent confirmer combien de camions transportant de la nourriture ont eu accès à Vallée-Pitôt pour la livraison. Nous sommes dans un endroit où il n’y a aucun supermarché », fustige-t-il.

Dans un contexte qui était déjà volatile, alors que personne ne s’y attendait, la ‘zone rouge’ est prolongée. Zayd Imamane dénonce la présence des éléments de la SMF dans la région. « Des étudiants qui traversent la rue pour aller vers leurs centres d’examens doivent trouver ces militaires sur leur route. Des enfants ont été traumatisés », nous dit-il.

Le travailleur social Nizam Nasroollah rappelle que la région de Vallée-Pitôt compte beaucoup de marchands ambulants et d’autres personnes qui travaillent à leur propre compte. Il soutient que sur environ 2075 tests PCR effectués, seulement deux cas avaient été répertoriés, cela le 28 mai. Le travailleur social insiste par ailleurs que les habitants ont pleinement collaboré avec les autorités afin que la région ne soit plus considérée comme ‘zone rouge’.

Pour Ally Jookhun, les incidents qui se sont produits lundi soir résultent tout bonnement de la mauvaise communication au niveau officiel. « Les autorités doivent savoir qui a fauté pour la non-communication des informations essentielles ». Ce qui est triste, selon lui, c’est qu’un membre du ‘National Communication Committee’ perd son temps à polémiquer sur les réseaux sociaux au lieu de communiquer efficacement. Pour lui, Vallée-Pitot a été un exemple d’un « débordement provoqué ».

Le secrétaire de la mosquée Syeddena Abu Bakr Siddique trouve que c’est une « aberration » que pour un endroit comme Vallée-Pitôt, on n’a pas émis de communiqué officiel avant 20 h. « Je ne sais pas sur quelle base médicale on a décrété Vallée-Pitôt comme ‘zone rouge’. Quel sont les paramètres dont on se sert pour proclamer une zone rouge’? », S’interroge Farouk Barahim. Selon ce dernier, entre 20 h et le communiqué de 21 h 35, les personnes se trouvant en dehors étaient à priori dans la légalité.

Hors-Texte

Ce n’est qu’après avoir effectué presque 200 tests additionnels dans la région le vendredi 11 juin que la décision a été prise de retirer Vallée-Pitot de la Zone Rouge à partir de ce samedi 12 juin à 6 hrs du matin. Cette décision a été annoncée fort tard dans la soirée.