Dépréciation de la roupie

Le gouvernement a-t-il ouvert la boîte de Pandore ?

Après la décision du gouvernement de puiser dans les réserves de la Banque de Maurice pour éponger la dette publique, comme annoncé par le Premier ministre et ministre des Finances Pravind Jugnauth dans son discours du Budget 2019-2020, de nombreux économistes ont exprimé leur crainte quant à une dépréciation de la roupie et les conséquences qui peuvent en découler. En premier lieu, la dépréciation de la roupie implique que notre roupie va chuter face aux monnaies étrangères en termes de taux de change. Les importations vont coûter plus cher, et par ricochet, les produits fabriqués localement à partir de matières premières importées. Où l’effet domino sur les prix des produits et des services s’arrêtera-t-il ?

Tout avait commencé quand Pravind Jugnauth avait décidé de puiser Rs 18 milliards des réserves de la Banque de Maurice (BoM) pour repayer la dette publique avant l’échéance de juin 2021. Le gouvernement compte ainsi apporter des amendements à la Bank of Mauritius (BoM) Act afin qu’il puisse puiser des fonds du Special Reserve Fund de la BoM. Ces fonds permettront au gouvernement d’éponger la dette publique, qui s’élève à Rs 340 milliards.

 

 

Les réserves de la Banque centrale s’élèvent à presque Rs 240 milliards. De ce montant, environ Rs 8 milliards se trouvent dans le Special Reserve Fund. Ce fonds est géré sous la section 47 de la Bank of Mauritius Act, qui stipule que tout gain ou perte après une fluctuation dans la valeur des devises de la Banque de Maurice doit y être enregistré.

Ce fonds ne peut être utilisé qu’avec l’aval du conseil d’administration de la Banque de Maurice dans le cadre de sa politique monétaire. Avec l’amendement proposé dans le Budget 2019-20, ce fonds sera désormais utilisé pour les besoins de la politique fiscale du gouvernement.

L’objectif est de ramener la dette publique à 59,8 % du Produit intérieur brut (PIB). Il faut noter que la loi, notamment The Public Debt Management Act (2008), impose que la dette publique ne peut dépasser 60 % du PIB. Les économistes et les ex-gouverneurs de la Banque de Maurice sont ulcérés par cette décision. Pour ces derniers, dont Rundheersing Bheenick, il y a atteinte à l’indépendance de la Banque de Maurice. Les partis de l’Oppostion, dont le MMM, le PMSD ou encore le Ptr, ont aussi fermement condamné cette décision.

Plusieurs impacts sont possibles. Premièrement, cela peut avoir des implications sur la politique monétaire du pays. Deuxièmement, notre capacité à gérer les risques sur le FOREX (le marché intenational de devises) peut être amoindrie. Finalement, il y a le risque d’une dépréciation de la roupie. L’économiste Éric Ng nous explique : « Cela est inquiétant. Cette  mesure fait poindre les riques d’une dépréciation de la roupie à l’horizon, ce qui peut ‘fragiliser’ la Banque de Maurice. Les réserves de la Banque de Maurice doivent être en principe utilisées pour soutenir, en cas de besoin, la roupie.»

Les trois facteurs qui pourraient affecter les consommateurs

Face à la dépréciation de la roupie, trois facteurs pourraient avoir une incidence sur les prix des biens et des services. Ces facteurs sont :

  • Le taux de change ;
  • L’impact des coûts comme le ‘Freight on Board’ (FOB) et le ‘Cost-Insurance-Freight’ (CIF) sur le prix des produits importés ;
  • Les fluctuations internationales et le coût de la matière première.

 

Le Consumer Price Index (CPI) était déjà sur une courbe ascendante

Notons que le Consumer Price Index (indice des prix à la consommation) s’était établi à 102,4 points en décembre 2018. Il avait enregistré une augmentation nette de 2 points pour atteindre 104,4 points en mars 2019.

Les facteurs qui avaient provoqué cette augmentation étaient la hausse des prix des légumes (+1,6 point), de la viande (+0,1 point), des fruits (+0,1 point) et de certains autres produits alimentaires (+0,2 point). Il y a aussi eu la hausse des prix de certains autres biens et services (+0,6 point).

Notons aussi que le taux d’inflation pour la période de douze mois se terminant en mars 2019 s’établit à 1,4 %, contre 5,0 % pour la période de douze mois se terminant en mars 2018.

(Source : Statistics Mauritius)

Les produits dont les prix ont connu une hausse depuis le budget

Quelques jours après le budget, certains produits de grande consommation ont connu une hausse, qui aura un impact certain sur les petites bourses.

 

Lait

 

Prix à compter au 1er Janvier 2019

 

Prix après le Budget

 

Augmentation

 

Farmland (1 Kg)

 

Rs 173

 

Rs 180

 

Rs 7

 

Red Cow (1 kg)

 

Rs 180

 

Rs 183

 

Rs 3

 

Snowy (1 kg)

 

Rs 165

 

Rs 173

 

Rs 8

 

Riz                      

 

Prix à compter au 1er Janvier 2019  

  

 

Prix après le Budget  

 

Augmentation

 

Riz Basmati (20 kg)

 

Rs 1 150

                                        Rs 1 200  

Rs 50

 

Orient Gold (20 kg)

 

Rs 995

 

Rs 1 095

 

Rs 100

 

Cercle Vert (5 kg)

 

 

Rs 279

 

Rs 339

 

Rs 60

 

Thé                  

 

Prix à compter au 1er Janvier 2019     

 

Prix après le Budget     

 

Augmentation

 

Thé Chartreuse (500 g)

 

Rs 157

                                                     Rs 175  

Rs 18

 

Bois Chéri (500 g)

 

Rs 179

 

Rs 194

 

Rs 15

 

Corson (250 g)

 

Rs 73

 

Rs 79

 

Rs 6

 

 

Jayen Chellum, Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM)

Quelles sont les conséquences sur le panier du consommateur suite à la dépréciation de la roupie ?

 

 

Une dépréciation de la roupie a une conséquence directe sur le coût de tout produit importé. Il faut rappeler que la majeure partie de notre commerce extérieur est basée sur le dollar américain. Donc, toute incidence sur le taux de change, notamment entre le dollar américain et la roupie mauricienne, affectera naturellement le coût du produit importé. Naturellement, le coût additionnel serait en proportion avec le pourcentage du taux de change qui aurait déprécié où apprécié.

Quels sont les produits qui pourront connaître une augmentation dans les jours qui viennent ?

Le coût d’un produit importé se base sur le Freight on Board (FOB) et le Cost, Insurance and Freight (CIF). Une fois arrivé à Maurice, il   peut prendre de la valeur avec toute taxe qui peut être imposee.  Et naturellement, on doit considérer le taux de change, dont l’impact sur le prix peut être marginal ou significatif. Il faudra voir, on ne peut prédire quels produits prendront l’ascenseur dans les jours qui viennent.  Aussi, un produit peut aussi baisser sur le marché international, si le prix de la matière première du produit a baissé sensiblement.

Eric Ng, économiste

Comment est-ce que le taux de la roupie aura un impact sur les prix des produits ?

Tout impact sur les prix dépendra sur une dépréciation de la roupie ou non. Une dépréciation d’une monnaie signifie une baisse de la valeur de cette monnaie. Il s’ensuit que cette monnaie ne pourra être utilisée que pour acheter moins de commodités qu’auparavant. Ainsi, s’il a y une dépréciation de la roupie, c’est sûr que les prix des produits importés connaîtront une hausse car la dépréciation de la roupie signifie inéluctablement que les importations deviennent relativement plus cher qu’en période normale. Cependant, les exportateurs sortiront gagnant en engrangeant plus de revenus pour les mêmes quantités de produits.

Est-ce que la dépréciation de la roupie est une dévaluation déguisée ?

Non. La dépréciation de la roupie est déterminée par le marché, c’est-à-dire par l’offre et la demande. Cependant, il se peut que la Banque de Maurice diminue délibérément la valeur de la roupie en achetant des dollars sur le marché local. Cela est plus qu’une situation de dévaluation. Donc, la dévaluation est distincte de la dépréciation. La Banque de Maurice peut aussi baisser le taux d’intérêt en général. En ce faisant, les ménages ne conserveront plus leur argent en roupies pour ne pas perdre en taux d’intérêt.