Des journalistes dénoncent une campagne d’intimidation, de haine et de violence

Craignant pour leur sécurité

C’est du jamais vu à Maurice. Quatre journalistes portent plainte à la police pour insultes, ‘Breach of ICTA’, et menaces sur les réseaux sociaux. Il s’agit du directeur de l’information de Radio Plus, Nawaz Noorbux, Jean-Luc Emile, Al-Khizr Ramdin, chef d’édition et journaliste du même groupe, ainsi que le ‘Chief Executive Officer’ de Top FM, Balkrishna Kaunhye. Les quatre se sont rendus au poste de police de Pope Hennessy jeudi après-midi, en présence de leurs avocats, Antoine Domingue, Senior Counsel, et Nawaz Dookhee.

Jean-Luc Emile et Balkrishna Kaunhye ont consigné chacun un ‘Precautionary Measure’, affirmant qu’ils se sentent menacés après la circulation de plusieurs informations à l’effet qu’ils seraient des cibles potentielles et que bientôt des descentes allaient être effectuées à leur domicile. Balkrishna Kaunhye a également demandé à la police d’enquêter sur la fameuse ‘hit list’ en circulation. S’agit-il vraiment d’une liste de certaines potentielles cible ou d’une blague de mauvais goût ? C’est ce que devra déterminer la police.

Le directeur de l’information de Radio Plus, Nawaz Noorbux et le journaliste Al Khizr Ramdin ont, eux, porté plainte pour ‘Breach of ICT Act’ après qu’ils aient été visés par plusieurs postes sur les réseaux sociaux, où ils ont été traités de « barons de drogue ». Face à la police, ils ont produit plusieurs ‘screenshots’ ainsi qu’une clé USB lors de leur déposition. Cette affaire sera probablement référée à la Cybercrime Unit du CCID dans les jours à venir. Dans leurs dépositions, ils ont cité plusieurs pages Facebook, notamment Sun Power, Sun Power TV et Radio Katori. Depuis les dernières semaines, ces pages font l’éloge du parti au pouvoir et attaquent des journalistes.

Ces pages n’avaient d’ailleurs pas hésité à s’attaquer à la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnauth, qui avait présidé l’enquête judiciaire sur la mort de Soopramanien Kistnen ainsi que le Directeur des Poursuites Publiques.

« Nous ne sommes plus en sécurité »

Dans une déclaration à la presse, Al Khizr Ramdin, journaliste de Radio Plus, a dénoncé un compte Facebook sous le nom de Sun TV News « qui essaie de semer la terreur » parmi les journalistes. « Nous n’avons pas peur mais il faudrait mettre un frein à ce qui se passe », ajoute le journaliste. « Pendant 10 ans de carrière, c’est la première fois que cela m’arrive. Je ne me suis jamais senti aussi intimidé et menacé à ce point », dénonce-t-il.

Nawaz Noorbux, directeur des informations de Radio Plus, a dit faire l’objet de basses attaques par certains politiciens au pouvoir. « Certains politiciens au pouvoir sont en train d’inciter la haine contre certains journalistes et indirectement, ils incitent à la violence contre ces derniers », dénonce-t-il. Selon lui, il y une « campagne de dénigrement et d’intimidation » contre des journalistes qui dure depuis plusieurs semaines. Selon lui, si ces journalistes se déplacent dans certains endroits, ces incitations peuvent constituer un danger quant à leur sécurité. « Les journalistes doivent aujourd’hui se poser beaucoup de questions sur leur propre sécurité ainsi que celle de leurs familles. Nous ne sommes plus en sécurité dans le pays », fait ressortir Nawaz Noorbux. Il ajoute aussi détenir des informations à l’effet que de fausses accusations pourraient être fabriquées à tout moment contre les journalistes.

Pour Balkrishna Kaunhye, « ce n’est pas nouveau ce qui se passe. Dans le passé, il y a eu des menaces contre les journalistes, mais cette fois-ci, avec cette ‘hit list’, c’est devenu bien plus grave ». Il estime que si c’est un ‘fake news, « c’est une plaisanterie de mauvais goût dans un pays civilisé ». Cela l’inquiète sérieusement, ainsi que sa famille. « On ne peut pas prendre cela à la légère », fait-il ressortir. Il lance un appel à la police de mener une enquête sur cette affaire. « C’est du ressort de la police pour aller jusqu’au bout pour faire la lumière sur cette affaire », dit-il.

Jean-Luc Émile a également consigné une déposition même si son nom ne figure pas sur la ‘hit list’ car il dit craindre pour sa sécurité. « Ce n’est pas drôle de voir une telle chose », dit-il. « Nous sommes des journalistes et nous avons le droit de faire notre travail de manière indépendante et sans aucune frayeur », affirme-t-il.

Une bande malintentionnée à l’œuvre

Des professionnels de l’audiovisuel nous affirment que les pages Sun Power, Sun Power TV ou même Radio Katori seraient l’œuvre des professionnels. « Nous avons surtout examiné les montages vidéos avec les effets, et ce ne sont certainement pas des amateurs qui en seraient à l’origine », nous a confié un expert en informatique. Il est d’avis que les personnes qui font le montage de ces vidéos utilisent des ordinateurs et des logiciels puissants et coûteux.

Depuis l’arrestation de Bruneau Laurette la semaine dernière, ces pages sont très actives. Plusieurs vidéos et photomontages ont été publiées. Dans une photo, on peut même voir Bruneau Laurette avec un BLD, suivi du libellé « Baron La Drogue ». Des photos de ses avocats et de quatre journalistes, dont Nawaz Noorbux, Al Khizr Ramdin, Nad Sivaramen et Axcel Chenney, y figurent également. C’est l’une des raisons qui a poussé Nawaz Noorbux et Al Khizr Ramdin de porter plainte au poste de Pope Hennessy, jeudi après-midi. 

La MCIT chargée d’une enquête sur la … diffamation!

Par ailleurs, Axcel Chenney, du groupe de presse La Sentinelle, a été convoqué dans les locaux de la ‘Major Crime Investigation Team’ (MCIT) dans l’enceinte des Casernes Centrales le jeudi 10 novembre. Cette convocation fait suite à un entretien que lui avait accordé Bissoon Mungroo. Ce dernier aurait dit que, concernant le meurtre de Soobramanien Kistnen, « Pravind Jugnauth sait qui a fait ça ». Le lendemain de cet entretien, Bissoon Mungroo avait été convoqué à la MCIT pour fournir des explications sur ses propos. Celui-ci s’était rétracté en disant que le journaliste avait mal rapporté ses propos. Axcel Chenney maintient lui que l’entretien avait été enregistré. Il a d’ailleurs soumis une transcription de cet enregistrement aux enquêteurs, en soutenant ne pas pouvoir leur remettre l’enregistrement par principe journalistique.