Dr Shameem Jaumdally : « La prochaine grosse vague, celle d’Omicron, viendra en mars »

  • Plus de décès seront enregistrés vers la fin de la semaine prochaine après le rebond dans le nombre de cas positifs

La crainte des professionnels de santé semble se préciser. Un rebond du nombre de cas d’infections à la Covid-19 est attendu en ce mois de janvier. D’ailleurs, le Dr Shameem Jaumdally, virologue, l’avait déjà prédit dans notre édition du 21 novembre 2021. Ce rebond est une suite logique suivant les rassemblements sociaux et familiaux tenus durant les festivités de fin d’année.  Une hausse a d’ailleurs été déjà constatée durant cette première semaine du mois de janvier. « Ce qui est tout à fait logique puisque les symptômes comment à se manifester à partir du quatrième ou du cinquième jour suivant une infection », explique le Dr Jaumdally. Il prévoit ainsi une hausse du nombre de cas positifs durant la semaine prochaine. Ce qui se traduira probablement en une augmentation du nombre d’admissions dans les hôpitaux. Malheureusement, une recrudescence du nombre de décès n’est aussi pas à écarter vers la fin de la semaine prochaine. « Je ne pense pas que ce rebond sera aussi conséquent que la vague qu’on a connue en novembre », précise-t-il toutefois.

Se basant sur les dernières statistiques disponibles, le virologue note la prévalence constante du Delta. Ce qui ne l’étonne pas, puisque ce variant est toujours présent dans la communauté. « C’est normal que le variant Delta se manifeste toujours à un taux nettement supérieur à l’Omicron parce qu’il était en circulation dans la communauté depuis trois mois déjà et qu’il y en a des poches partout à travers l’île alors que l’Omicron n’a été importé que durant le mois de novembre », affirme le Dr Jaumdally. Mais, prévient-il, ce n’est qu’une question de jours avant que l’Omicron ne prenne le dessus. « Je pense que cette prédominance de l’Omicron interviendra à la fin de janvier, principalement pour deux raisons. D’abord, parce que le variant Delta aurait alors déjà fait son cours après avoir infecté le maximum de personnes. Et puis parce que l’Omicron a une capacité de réinfection supérieure comparée aux précédents variants et il peut donc réinfecter des personnes déjà contaminées auparavant », souligne-t-il.

Maha Shivratree : Omicron jouera au trouble-fête

Les dégâts que causera l’Omicron dépendront toutefois du comportement de la population, mais aussi sur les restrictions imposées par le gouvernement. « J’anticipe que la prochaine grosse vague viendra avec la célébration d’un événement social, communautaire ou religieux », soutient le Dr Jaumdally. Ainsi, il est fort probable que l’Omicron se propage comme une traînée de poudre durant le pèlerinage du Maha Shivratree. Car les rassemblements sont propices à une flambée de cas si jamais l’Omicron circule toujours dans la communauté à ce moment. « Ce sera la vague d’Omicron. Mais tout dépendra bien entendu des restrictions qui seront mises en place par les autorités », poursuit notre interlocuteur. Le point positif toutefois, c’est que le nombre de patients qui seront admis dans les hôpitaux à partir de février et même durant la prochaine vague sera moindre, notamment en raison de l’entrée en vigueur de l’obligation vaccinal eu égard à la ‘booster dose’ effectuée avec des vaccins plus efficaces, même contre le variant Omicron.

Si la sévérité de la maladie provoquée par l’Omicron est inférieure, il n’en reste cependant pas totalement inoffensif, avertit le virologue, en citant l’exemple de l’Afrique du Sud où au-delà d’une centaine de décès a déjà été enregistrée jusqu’à la mi-semaine. La vigilance reste donc de mise, d’autant que Maurice a jusqu’ici connu qu’une seule vague, selon le Dr Jaumdally. « Jusqu’à présent, il y a encore 100 000 adultes qui n’ont pas encore été vaccinés. Parmi, il y en a qui ont probablement des soucis de santé en raison de leur âge ou à cause des comorbidités. Ils seront donc plus à risque en cas d’infection », met en garde le virologue. « Le problème reste entier à Maurice car on n’a pas encore atteint un taux d’immunité collectif à travers la vaccination et une infection précédente, comme cela est le cas en Afrique du Sud et en Anglettere », insiste-t-il. Et d’ajouter que « Maurice reste très vulnérable à une autre vague meurtrière, même si elle est moins considérable, d’autant que les frontières sont maintenant ouvertes, n’écartant donc pas l’entrée au pays d’autres variants ».

Le Dr Jaumdally note, par ailleurs, toujours une dissonance dans la campagne vaccinale. Ainsi, dit-il, même s’il accueille favorablement l’administration du Pfizer comme ‘booster dose’ pour ceux âgés de plus de 40 ans, il aurait souhaité que ce vaccin soit également mis à la disposition de ceux qui se retrouvent en dessous de ce seuil d’âge, mais qui présentent des complications médicales ou qui souffrent de comorbidités. « Avec deux ans de recul, on sait désormais qui sont ceux qui sont plus vulnérables à la maladie sévère ou de décès. On aurait dû prendre ce facteur en considération pour la vaccination de la ‘booster dose’ », affirme-t-il.

Hors-texte

Pourquoi y a-t-il davantage de variants ?
C’est un fait. On voit de plus en plus de variants émerger. Le dernier variant qui avait démontré une certaine dangerosité était le Delta, dont le premier cas recensé remonte à novembre 2020, rappelle le virologue Shameem Jaumdally. L’Omicron s’est, lui, manifesté une année plus tard, soit vers la fin de 2021. « Le problème, c’est qu’il y a eu une combinaison de relâchement des gestes barrières et sanitaires partout à travers le monde, surtout dans des pays développés comme l’Europe ou les pays américains. Ce qui occasionne plus d’infections et de transmissions. D’où le risque de voir émerger d’autres variants », explique-t-il. Le dernier variant, dont la découverte a été rapportée en France, ne remonte qu’à la semaine écoulée. « Aussi longtemps qu’il y aura une augmentation de cas où les personnes infectées peuvent, de par leur vulnérabilité, garder le virus plus longtemps, on continuera de voir l’émergence des variants », dit-il.
Le Delta, le variant le plus dangereux jusqu’ici, étant originaire de l’Inde, le Dr Jaumdally craint que la série de fêtes religieuses prévues de février à avril ne donne lieu à une autre flambée de cas de contaminations et par conséquent, à l’émergence d’autres variants qui resteront donc d’actualité en 2022. « Si ces nouveaux variants développent des caractéristiques qui leur confèrent une position avantageuse pour se propager, on risque alors de se heurter à un danger réel », souligne-t-il.