[EDITO] PJ vs. Presse 

Nous sommes déjà en campagne pré-électorale. Et le Premier ministre a déjà identifié son adversaire. Un adversaire qui ne se met pas sur les caisses de savon, mais qui est néanmoins ciblé dans ses discours politiques. Un adversaire qu’il rencontrait lui-même il y a cinq mois de cela pour l’aider dans son combat contre la drogue. Un adversaire qui n’assume que son rôle de chien de garde mais qui est perçu comme un opposant du régime en place. Un adversaire qui n’a, comme seule arme, que sa plume et/ou sa voix. Cet adversaire, dit le chef du gouvernement, est la presse. Pas la MBC évidemment. Encore moins ces médias à la solde du pouvoir qui sont financés des deniers de l’État. Non. Il vise plutôt cette presse qui le hante, jour après jour, en dénonçant les scandales de son gouvernement. Certes, les relations entre le pouvoir et la presse sont souvent conflictuelles – et cela doit être ainsi pour la bonne marche des institutions – mais de là à cibler la presse comme adversaire principal dans un contexte électoral, cela trahit l’état d’esprit de Pravind Jugnauth.

Le Premier ministre a-t-il vraiment peur de la presse, plus que de ses adversaires politiques ? Ou est-ce uniquement une stratégie politique bien ciblée ? On aurait tort de prendre sa déclaration « at face value ». Il doit surement avoir des desseins quelconques. On a d’ailleurs eu un avant-goût avec les arguments clientélistes qu’il a utilisés devant des partisans d’une région rurale en ciblant un éditorial de Nad Sivaramen. Il a honteusement détourné ce qu’a écrit l’éditorialiste de l’Express en faisant croire que ce dernier s’est attaqué à la religion alors que ce dernier n’a fait que mettre en relief son opportunisme visant à instrumentaliser la religion à des fins bassement politiques. En bon opportuniste, y trouvera-t-il un prétexte pour venir avec de nouvelles législations contre la presse écrite, comme il l’a déjà fait pour les radios privées avec l’IBA Act, et surtout avec son track record en matière d’actions répressives et anti-démocratiques ? Ce sera une façon de restreindre la liberté de la presse au moment où il se lancera officiellement dans la campagne électorale.

Mais une telle tactique, s’il s’y met, ne lui servira guère. Au contraire. Elle lui sonnera le glas. Pravind Jugnauth a bien raison de redouter la presse. Car celle-ci a su et a pu résister à toutes les pressions exercées par le pouvoir durant ces neuf dernières années. Ce n’est certainement pas maintenant qu’elle va s’arrêter. Surtout s’il y a une atteinte à sa liberté d’informer, conformément à son rôle. Les citoyens ne resteront pas tranquilles non plus, la presse étant le porte-voix des sans-voix. Mais à partir de là, nous devons d’ores et déjà être vigilants. Sachant que le terrain glisse sous ses pieds, et sentant que la fin de règne est proche, le gouvernement de Pravind Jugnauth multipliera les démarches pour tenter de s’agripper au pouvoir aussi longtemps que possible. Il serrera la vis de toutes parts. Il autocratisera le pays davantage. Il changera les règles du jeu pour mettre toutes les chances de son côté. Il mènera une campagne basée sur le dénigrement et le mensonge. Il achètera la conscience des uns et des autres, en mettant à contribution son trésor de guerre et aidé par ses bailleurs de fonds. La campagne électorale sera vilaine, malangue