[EDITO] Pouvoir et pouvoir

Par Zahirah RADHA

Après avoir ignoré, vilipendé et insulté le PMSD ces huit dernières années, le gouvernement a fini par ouvrir la porte de l’Assemblée nationale au fils Duval. Ni plus ni moins. Personne n’avalera la couleuvre que tente de nous faire avaler Xavier Duval. Ce n’est pas la sauvegarde de la démocratie parlementaire que le PMSD ou le MSM avait en tête, mais bel et bien des intérêts personnels, égoïstes et pouvoiristes. Qu’on nous fasse comprendre comment la démocratie et la méritocratie ont fonctionné au sein du PMSD lorsque le papa, leader du parti, a donné sa bénédiction au Speakership offert à son fils sur un plateau doré alors qu’il y a d’autres membres plus méritants et expérimentés que lui pour ce poste. Comment ne veut-on pas que le dégoût des jeunes Mauriciens ne s’accentue et les pousse davantage à déserter le pays quand Xavier Duval lui-même s’élevait contre de telles pratiques il n’y a pas si longtemps que cela ? Comme quoi, le pouvoir a ses raisons que la raison ne connaît point.

À l’approche des prochaines élections, le gouvernement, en fin de règne, devait trouver les cinq sous qui lui manquent pour arrondir sa roupie avant de confronter de nouveau l’électorat. D’autant qu’il ne peut pas compter sur l’apport des partis d’Obeegadoo, de Ganoo et de Collendavelloo pour y arriver, ces derniers n’étant plus que l’ombre d’eux-mêmes. Et sachant aussi que les villes ne lui sont pas favorables, d’où le report des élections municipales à trois reprises alors que la réforme promise des collectivités locales a été reléguée aux oubliettes. Tout cela dans un contexte où les scandales sous ce régime sont légion, la mauvaise gouvernance criarde, les institutions cadenassées comme dirait l’autre, et la popularité au plus bas. Mais Pravind Jugnauth a un avantage avéré. Non seulement il détient la carte maîtresse de la date des élections, mais il a aussi une stratégie méticuleusement calculée, quoique contestable, ainsi que les moyens de la mettre en place. Ce qui lui donne une avance certaine sur l’opposition.

Ainsi donc, Pravind Jugnauth prend son temps avant de dissoudre le Parlement, poursuit sa campagne de coupe-rubans, et continue d’asséner l’opposition à tout bout de champ, dans toutes les directions et sous toutes les coutures, que ce soit à l’Assemblée nationale, sur le terrain politique ou sur les réseaux sociaux. Ainsi, nouveau Speaker ou pas, il ne sera pas permis aux trois députés suspendus de retourner au Parlement. Pire, leur cas a été référé au DPP. Au final, c’est du pareil au même. Sans aucune surprise. Il incombe ainsi à l’opposition parlementaire, menée par le PTr-MMM-ND, de revoir sa stratégie tant au Parlement qu’ailleurs. Après avoir marqué des points au meeting du 1er mai, elle se voit systématiquement contrainte de réajuster ses plans en fonction du move gouvernemental. Ce qui la met dans une position assez délicate. C’est justement ce que veut le gouvernement : la déstabiliser. Il est donc primordial que celle-ci ne se laisse pas faire. Elle doit anticiper au lieu de réagir en fonction des circonstances. Elle doit prendre davantage de hauteur afin de ne pas tomber dans les pièges tendus par le gouvernement, ce dernier ayant plus d’un tour dans son sac.

Les députés de l’opposition ont jusqu’ici abattu un excellent travail pour dénoncer les scandales, les abus et la mauvaise gouvernance au Parlement. Ce n’est pas le moment de reculer. Ils doivent maintenant affûter davantage leurs armes. Leur présence au Parlement est tout aussi importante que le combat sur le terrain et sur les réseaux sociaux où sévissent déjà, de la façon plus vile qui soit, de nombreux faux profils contre des opposants, en manipulant les faits, les images et les vidéos. En face d’un gouvernement prêt à tout pour rester accroché au pouvoir, avec la complicité du PMSD, il est plus que jamais important que l’opposition dirigée par l’alliance PTr-MMM-ND ne se laisse pas distraire de son objectif principal.

Pour y arriver, il lui faudra être beaucoup plus incisive qu’elle ne l’est actuellement, avec le peu de moyens dont elle dispose et avec le temps qui joue contre elle. À priori, tous les éléments sont en sa faveur. Autant donc qu’elle les mette de son côté pour foncer tout droit vers son but. La population, elle, devra se rappeler que, d’un côté, il y a un gouvernement qui cherche le Pouvoir à tout prix et que de l’autre, il y a une alliance qui a le Pouvoir de changer les choses.