Existe-t-il une menace de pénurie du poulet dans les différents marchés de l’île ?

La dernière étude démontre que les Mauriciens consomment 47 millions de kilos de poulets par an

La consommation du poulet, qui est moins riche en matières  grasses par rapport à d’autres viandes, a, au fil des années, drastiquement augmenté  ces dernières années non seulement à Maurice, mais aussi dans le monde. Autrefois, le poulet était considéré comme un produit de luxe. Le poulet, qui coûtait cher pour bon nombre de Mauriciens, plus particulièrement ceux qui se trouvaient au bas de l’échelle, était servi pour les seuls repas des fêtes. Or, au fil des années, la consommation du poulet est entrée dans les menus de tous les jours et donne une impulsion aux ventes de cet aliment qui est devenu un plat incontournable pour de nombreuses familles mauriciennes. C’est un fait indéniable que les gens de tout âgeaiment bien consommer du poulet que ce soit à la maison, dans les fast-foods, restaurants ou dans les cantines.

Il faut aussi dire que Maurice demeure l’undes plus gros consommateurs de poulet de la région Afrique. Eton peut même nous comparer avec certains pays européens en termes de consommation.Plusieurs facteurscontinuent de contribuer à la rapide croissance de la consommation du poulet à Maurice.

Du côté du Bureau des statistiques, la dernière étude, faite en 2012, affirme que pour la viande fraîche de poulet, 350 roupies sont dépensées par famille, soit tous les mois tandis que celle de poulet congelé a atteint les 210 roupies. Cependant, à Maurice, 47 000 tonnes, voire, 47 millions de kilos de pouletssont consommés par an. Par ailleurs, aucune étude n’a été faite récemment pour définir la hausse de consommation de poulet par tête d’habitant annuellement.

Hausse des prix ?

Or, pendant les fêtes de fin d’année, une pénurie du poulet se fait cruellement sentir dans les marchés, plus particulièrement ceux qui  setrouvent dans les différentes  villes de Maurice. Or, la pénurie du poulet entraîne souvent  une  hausse des prix. Les prix de la viande de bœuf, de mouton et de porc découragent également de nombreux Mauriciens à les consommer. Ils sont donc obligés de se tourner vers la consommation du poulet.

La pénurie du poulet est peut-être aussi due au nombre de Mauriciens qui consomment régulièrement du poulet. Selon une étude, 90% des Mauriciens consomment du poulet frais ou frigorifié grâce à plusieurs producteurs dans ce secteur, bien qu’on note une différence de qualité sur le marché. Ce qui n’était pas le cas, il y a une quinzaine d’années.

Des producteurs malhonnêtes

Pour certains, il existe des producteurs locaux malhonnêtes. Pour étayer leurs dires, ils s’expliquent que certains d’entre eux ne livrent pas intentionnellement du poulet frais  aux marchés et supermarchés et font croire qu’il existe une pénurie. «  C’est une stratégie calculée pour faire monter le prix du poulet », soutiennent-ils. D’autres sont d’avis que les producteurs locaux font la pluie et le beau temps et soutiennent que très souvent la hausse des prix du poulet est injustifiée car le prix des céréales, qui constituent la nourriture du poulet, serait en baisse.

En raison de la chute notée dans la consommation de la viande rouge à Maurice etde la pénurie du poulet sur le marché, certains producteurs (petits et grands), qui sont spécialisés dans l’importation de produits frigorifiés, penchent en revanche pour l’importation du poulet, qui s’avère plus rentable pour eux.

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Hosany Sayed, le manager de Dream Price

La vente de poulet surgelé risque de s’augmenter

Alors qu’un manque de poulet frais se fait sentir sur le marché, certains responsables de grande surface n’ont aucun souci avec le poulet frais.  Hosany Sayed, le manager de Dream Price, nous fait part que les poulets surgelés sont importés et que les supermarchés ne seraient pas affectés. « La compagnie Panagora nous livre 20kg de poulet surgelé chaque deux jours. Les ventes s’effectuent normalement, heureusement ». Cependant il ajoute qu’il y a réellement un problème au niveau de la production du poulet à Maurice. Il y aura certainement une hausse de vente du poulet surgelé si la situation ne se stabilise pas dans les mois à venir.

Stratégie des producteurs locaux

Depuis quelques semaines, il semble qu’il y a une pénurie du poulet sur le marché. Les Mauriciens qui se rendent au supermarché ou au cold-storage pour acheter du poulet frais, retournent bredouilles. En cette période du mois de Ramadan, les musulmans qui préparent des petits fours pour l’iftaar se retrouvent avec un des ingrédients principaux, en moins pour la préparation : le poulet.

En ce mois du Ramadan, les mères de famille de confession musulmane ont du souci à se faire. Les musulmans qui raffolent des petits fours et des ‘gato de l’huile’, pendant l’iftaar, ont dû changer leurs habitudes. « Pas pé gagne poule dépiimpé semaines. Mo abitier faire tikka et catelesse pou ramzan, mais sa l’année là mo panncapav faire », déclare Sarah, habitante de Pailles. Cependant, elle n’est pas la seule. Elles sont plusieurs à se plaindre. Anne Marie de Ste Croix, qui a l’habitude d’acheter du poulet frais au supermarché, est embêtée. « Mo bizin aster poule pou cuit asoir là, mais mo pa pé gagne poule », déclare-t-elleY a-t-il une pénurie de poulet sur le marché ? Ou est-ce tout simplement une stratégie des producteurs pour faire croire à une rupture ?

Le département ‘poultry breeding’ du ministère de l’Agro-industrie, affirme que les éleveurs qui s’approvisionnaient en poussins à la compagnie Inicia, viennent désormais chez lui. Selon lui, certains d’entre eux soutiennent que cette pénurie peut avoir un lien avec le fait que la compagnie Inicia, un des plus grands producteurs de poussins à Maurice, ait délocalisé certaines de ses fermes qui se trouvent aux alentours de Highlands, pour s’installer dans un autre endroit. Ce déplacement qui a été fait pour faire place au projet de « Heritage City », l’aurait obligé de cesser ses activités temporairement. Par conséquent, cela occasionne des retards au niveau de la fourniture de poussins aux éleveurs. Ces derniers qui achètent des poussins de la compagnie, pour ensuite les nourrir jusqu’à ce qu’ils atteignent la maturité et les vendre aux marchands, retournent bredouilles. Ainsi, ils doivent s’approvisionner auprès d’autres compagnies, qui produisent des poussins. Pendant ce temps, on enregistre un retard considérable dans la livraison du poulet sur le marché.

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Une demande accrue de poulets

De son côté, Osman, éleveur, déplore un manque de poussins de race Cobb Broiler 500 sur le marché. Selon lui, il y a une grande demande de cette race en raison de sa grande taille et sa chair tendre. D’ailleurs, c’est un des meilleurs au monde, dira-t-il. Ce dernier soutient que cela a un rapport avec la délocalisation de la compagnie Inicia. Une information niée par le Marketing Manager, Bruno Florens, de cette compagnie qui est aussi le distributeur officiel du Cobb Broiler. Il déclare ceci : « Nous avons déplacé notre quarantaine de Highlands à Riche Bois, mais cela n’a rien à voir avec le fait qu’il y a un manque de poulets sur le marché. On continue la distribution normalement, d’ailleurs on a augmenté notre production de 30% par rapport à l’année dernière. Même si on produit beaucoup plus de poussins, on constate qu’il y a une demande accrue pour nos poulets. »  Cette firme, qui produit environ 60 000 poussins par semaine, affirme qu’il maintient ce nombre de production.

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Compétition de plus en plus féroce

Laval, livreur de poulets et propriétaire d’un poulailler, a une autre version à confier. « Pas conne la source principale, mais mo penser qui banne gros compagnies producteurs là, zotteéna poules mais zottepébloker, pou capav monte prix poules lors marché », lâche-t-il.  Une déclaration qui semble plausible, puisque, selon lui, dans cette industrie, la compétition est de plus en plus féroce. Les producteurs de même que les éleveurs  emploient toutes sortes de stratégies afin de réaliser plus de profit. Cependant  les propriétaires de cold storage, les éleveurs, les livreurs et les consommateurs souffrent de cette pénurie, qui à en croire les vendeurs de poulet, ne se terminera pas de sitôt. Il est fort probable que cette situation dure jusqu’en octobre.

Anas, propriétaire d’un cold storage de la capitale, nous confirme qu’il y a en effet une pénurie. « Tousnou poule pé fini et en plus Ramzan là, dimounepé rode plis ». Selon lui, certains propriétaires de coldstorage ont préféré cesser leur  business temporairement, en attendant que la situation s’améliore.

La compagnie Mat Cold  World, située à Beau-Bassin, est un cold storage qui opère depuis plus de 20 ans déjà.  Mathieu Lamvohee, un des responsables de cette entreprise, nous dit qu’il y a vraiment un manque de poulets actuellement. Il nous affirme aussi que c’est la toute première fois depuis 20 ans que cette compagnie fait face à une telle situation. « Cela dure depuis environ un mois et nos concurrents ont probablement des soucis similaires », dit-il. Par contre, le taux de consommation augmente de plus en plus. Selon lui, le poulet est vendu à un prix abordable. Il ajoute aussi que la source de cette pénurie vient néanmoins des éleveurs des poussins. Mathieu Lamvohee espère une amélioration d’ici la fin de l’année. Outre, un des managers du restaurant Miami’s, aussi client de Mat Cold World, soutient que la pénurie de poulet commence à devenir un réel problème. « Je fais la commande de 200 poulets par jour mais très souvent je n’en reçois que la moitié. A mon avis il y a certainement trop de commandes de la part de plusieurs restaurants et des consommateurs». 

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Food &Allied :« La pénurie est liée à un problème technique d’un autre producteur »

Du côté du groupe Food & Allied, ce n’est pas une pénurie mais plutôt un problème technique d’un autre producteur. « Nous ne pouvons pas parler de pénurie du poulet sur le marché. Ceci étant, il est vrai qu’il y a une certaine pression sur le marché, liée à un problème technique d’un autre producteur. Il y a donc eu une baisse de production sur le marché des poulets vendus au bazar et en cold storage. La situation devrait revenir à la normale d’ici quelques semaines. Pour notre part, nous faisons tout pour combler ce manque, notamment avec des stocks existants».