La démocratie en otage

Troisième renvoi des municipales sous le MSM

Le ‘Local Government (amendment) Bill’ sera présenté en première lecture à l’Assemblée nationale ce mardi. Ce projet de loi permettra au Président de la République, sur avis du Premier ministre, de repousser les élections municipales, qui devaient se tenir au plus tard fin juin 2023, de deux ans. Une fois de plus !

Cela signifie que les 387 000 électeurs citadins, soit plus de la moitié des votants dans le pays,  ne pourront se rendre aux urnes pour la troisième fois en huit ans. Ce nouveau report portera le mandat des conseillers municipaux à 10 ans, sans l’approbation des citoyens.

Lors d’une conférence de presse du MSM, samedi 20 mai, le ministre Avinash Teeluck, porte-parole du gouvernement, a justifié cela par un cas de force majeure. Le ministre des Arts et de la Culture a fait ressortir qu’en ce moment, le gouvernement voit les choses dans une perspective très différente car le pays a évolué.

Il a annoncé qu’un comité sera mis sur pied pour qu’une réforme des collectivités soit faite, et pour revoir les lois de la ‘Local Government Act’, avant que la tenue des élections soit annoncée. Il a aussi ajouté que le gouvernement doit pouvoir apporter une réponse aux problèmes et aux attentes des citoyens, mais que par manque de fonds, il n’a pu le faire. Il a conclu en avançant qu’il faut pouvoir effectuer des changements en vue d’une démocratie moderne.

Navin Ramgoolam : « Un subterfuge anti-démocratique pour éviter une débâcle dans les cinq villes »

« Pravind Jugnauth a cherché un subterfuge anti-démocratique pour éviter une débâcle aux élections municipales. Li koné li pou alle gayn ene batté bef dans les cinq villes. Je vous rappelle que lorsque j’étais Premier ministre en 2013, j’avais donné les municipales, bien que je susse qu’il y aurait les élections générales en 2014. Ce n’était d’ailleurs pas une élection facile. Nou ti gayn Vacoas-Phoenix. Nou ti perdi Port-Louis par ene vote. Quatre-Bornes osi ti serré. Mais je l’avais néanmoins fait, parce que c’est cela le sens de la démocratie. Mo bien sagrin dire li, mais Pravind Jugnauth pa kompran nanrien dan démocratie.

Je lui demande d’aller lire le jugement du Privy Council concernant le renvoi des élections municipales au Trinidad et Tobago. Ce jugement soutient que l’élection des conseillers municipaux est fixée pour une durée maximum déterminée et que c’est le fondement d’une société démocratique. Il dit aussi que les représentants doivent être choisis par les citadins, et non pas par le gouvernement. Il ajoute aussi que « it is inimical to a representative democracy that the representatives are chosen by anyone other than the electorate. It is not for Parliament, still less the Government, to choose the represquentative”. Donc, comme au Trinidad et Tobago, c’est le gouvernement, au lieu de l’électorat, qui choisit les représentants des villes.

Ce qui est un non-sens de la démocratie. Je le dis depuis belle lurette, nous vivons dans un simulacre de démocratie. Zordi zour pe servi démocratie pou bafoué la démocratie. Fer croire ena élections, mais kokin élections. Renvoye élections municipales pou bane fausses raisons. Qu’est-ce qui l’empêchait de donner les municipales avant de venir de l’avant avec une réforme ? Kifer pe empes les citadins choisir zot représentants municipaux depi 2015 ? C’est la troisième fois que les municipales ont été renvoyées et c’est uniquement par peur qu’il agit ainsi. C’est aussi un signe que les élections générales sont derrière la porte. Je n’ai pas de doute que celles-ci se tiendront cette année-ci ».

Xavier-Luc Duval : « Atteinte directe à la démocratie ! »

Ce nouveau report des élections municipales est choquant. Cette décision est une véritable atteinte à la démocratie, car sans élections, il n’y a pas de démocratie ! C’est une décision illégale et anticonstitutionnelle.

Il est important de noter que le Privy Council a décidé cette semaine d’annuler le renvoi des élections municipales à Trinidad et Tobago.

Depuis 2022, tous les pays démocratiques du monde ont tenu des élections normalement. D’ailleurs, elles ont bien eu lieu à Rodrigues.

Aucune explication n’a été mise en avant pour justifier ce nouveau report, tout simplement car il n’en existe pas ! La population n’est pas dupe, elle en prend bonne note.

Une fois ma santé rétablie, j’ai l’intention de réunir tous les partis de l’Opposition pour décider de la marche à suivre.

Ritish Ramful : « Une atteinte aux droits des citadins »

« Nous avons affaire à un gouvernement qui ne respecte pas les principes démocratiques du pays », lance Ritish Ramful, député du PTr. Pour lui, les élections ont été renvoyées sans aucune raison, et cette situation empêche les citadins de s’exprimer.

Eshan Juman : « Renvoi illégal et anticonstitutionnel »

La décision de renvoyer une nouvelle fois les élections municipales est illégale et anti-constitutionnelle. C’est ce que dit Eshan Juman, député du PTr. Il s’appuie sur le récent jugement du Privy Council sur le renvoi des municipales au Trinidad et Tobago pour soutenir ses dires. « Les Law Lords ont clairement dit dans ce jugement que c’est seulement les citoyens qui ont le droit d’élire leurs représentants alors que le gouvernement voulait renvoyer les élections pour un an », dit-il, en citant cet extrait : « The right to vote out representatives is as important as the right to vote in representatives. At the end of the period for which they were elected, the electorate has the right to decide whether they wish the incumbent representatives to remain in office, assuming they stand for re-election ».

Pour lui, il est clair que le gouvernement ne peut pas imposer une nouvelle extension du mandat. Il relève ainsi un autre extrait du jugement des Law Lords Richards, Reed, et Hodge : « It is inimical to a representative democracy that the representatives are chosen by anyone other than the electorate. It is not for Parliament, still less the Government, to choose the representative. However, if the effect of the relevant amendments was to apply to incumbent representatives, the effect would be that the Government, rather than the electorate, had chosen those representatives for another year [34] ».   

« Notre Constitution n’est pas différente de Trinidad et Tobago. Le même principe s’applique donc pour nous. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que le gouvernement décide de renvoyer ces élections, mais bien pour la troisième fois. Pendant tout ce temps, le pouvoir n’avait pas jugé utile d’apporter des changements. Ce n’est qu’à la veille de l’échéance qu’il se réveille de sa torpeur. Zot koné zot pou gagne ne batté bef, zot zoué sauvé », martèle Eshan Juman.

Dev Sunassy : « Premier ministre ene capon anti-démocrate »

Selon Dev Sunassy de Linion Pep Morisien (LPM), il n’est pas possible d’empêcher les citadins d’exercer leur droit démocratique. « Le Premier ministre ne peut renvoyer les élections sans raison, et esquiver les règles de la démocratie ». Il ajoute qu’il est certain que le gouvernement aura un « batté bef », car la population en a assez de ce gouvernement.

Deven Nagalingum : « Un recul de la démocratie » 

Deven Nagalingum, député du MMM, martèle que les élections auraient dû avoir lieu cette année, et qu’il y a d’autres pays, dont Rodrigues, qui ont maintenu la tenue des élections durant la pandémie. « C’est un recul de la démocratie. Le gouvernement est en train d’instaurer une atmosphère de dictature. ».

Patrice Armance : « Le gouvernement a peur de l’électorat urbain »

Selon Patrice Armance, député du PMSD et whip de l’opposition, le gouvernement a recours à un faux prétexte pour ne pas maintenir les élections municipales. « Il est injuste de se baser sur une loi rétroactive. C’est un déni à la démocratie ».

Patrick Assirvaden : « Un tsunami attend le gouvernement actuel »

Patrick Assirvaden, député du PTr, est d’avis que Pravind Jugnauth est en train de confisquer le droit des citadins d’élire le conseil municipal de leur choix. « Il est clair qu’il a peur des résultats des cinq villes, et sait déjà que les citadins sont en colère contre lui ».

Joanna Bérenger : « Le droit de vote des Mauriciens bafoué »

La députée du MMM, Joanna Bérenger, affirme que le gouvernement mauricien aurait dû prendre exemple sur le jugement du Privy Council de Trinidad et Tobago qui a été rendu il y a deux jours de cela. « On ne peut pas voler les droits des citadins de cette manière. Le droit de vote des Mauriciens est en train d’être bafoué ».

Fezal Jeerooburkhan : « Un abus de pouvoir »

« C’est un abus de pouvoir de la majorité parlementaire. Cela fait huit ans que les citadins n’ont pas pu choisir leurs conseillers, ce qui constitue un manque total de respect envers la démocratie », estime Fezal Jeerooburkhan, observateur politique. Il est d’avis que le gouvernement commence à prendre conscience de son impopularité, et que Pravind Jugnauth est prêt à tout pour rester au pouvoir. « Le gouvernement sait qu’il ne pourra pas obtenir un bon score auprès de l’électorat urbain. Le nombre de scandales place le gouvernement de Pravind Jugnauth et ses alliés dans une mauvaise posture pour sonder l’opinion publique avant des élections générales. Les dernières élections municipales datent de 2015, et les conseillers sont en poste depuis 8 ans contre leur gré. Je considère cela comme un abus. »