Voyeurs et violeurs

Il n’est plus au Parlement depuis décembre 2014. Mais Navin Ramgoolam donne visiblement encore des cauchemars au Premier ministre et aux membres de son parti. Au point de s’immiscer dans sa vie privée et violer son intimité en pleine séance parlementaire. Et en y prenant même un plaisir sadique. Cette ce plaisir a été de courte durée, malheureusement pour lui. Car au lieu de discréditer son challenger principal, il s’est mis à dos toute une population, outrée tant de bassesse et de petitesse d’esprit. Conséquence : le gouvernement a dû fuir en avant, en renvoyant les municipales. Après avoir violé l’intimité de Navin Ramgoolam, Pravind Jugnauth viole maintenant la démocratie. Jusqu’ici d’ailleurs, il n’a pas eu le courage de venir l’annoncer lui-même, alors que cela relève de ses prérogatives premierministérielles.

C’est par le biais des décisions du Conseil des ministres que la population a appris avec stupeur que la ‘Local Government Act’ sera de nouveau amendée pour permettre l’extension du mandat des municipalités par deux années additionnelles. La sale besogne a ensuite été confiée aux seconds couteaux du MSM qui, de Sun Trust où ils animaient la conférence de presse hebdomadaire, ont pathétiquement argué que c’est « l’opposition ki pa ti pou ena figir pou montré si ti ena élections ». Heureusement que le ridicule ne tue pas. Puisque c’est le gouvernement qui se réfugie derrière ce troisième renvoi des municipales sous le règne du MSM. Notre démocratie a été prise en otage par un régime dictatorial.

En attendant le ‘Local Government (Amendment) Bill’ qui sera présenté et débattu en urgence ce mardi, revenons sur le comportement infâme de Pravind Jugnauth durant la dernière séance parlementaire alors qu’il répondait à une question supplémentaire de Kavi Doolub. Le Premier ministre ne semblait pas être aussi excité quand il avait appris qu’un de ses anciens députés envoyait, en avril 2017, des sextos au beau milieu des travaux parlementaires. Ou encore quand même élu du MSM expédiait des photos de ses parties intimes à son amie alors qu’il se trouvait dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Pravind Jugnauth n’avait même pas daigné rire jaune quand il avait été contraint de sanctionner ce député en lui enlevant ses responsabilités de PPS après qu’il eut été établi que ce dernier avait commis une « contempt of National Assembly ».

Il a toutefois ri jusqu’aux oreilles, en évoquant avec force détails, les comprimés et toniques retrouvés inutilisés dans un coffre-fort chez l’ancien Premier ministre alors que cela n’avait strictement rien à faire au Parlement, ou dans la sphère publique. Le qualificatif commun utilisé dans notre jargon kreol pour décrire le type de personnage qui s’orgasme devant la vie privée de son prochain est « bhai looké ». Mais ce que le Premier ministre, son dépIté Kavi Doolub, le Speaker et tout le gouvernement ont fait est bien plus que d’agir en simples « bhai looké ». Ils ont poussé l’extase à bout, en agissant non seulement comme des voyeurs, mais aussi comme des violeurs. Des violeurs du caractère sacré du Temple de la démocratie. Des violeurs de l’intimité de la vie privée d’un citoyen et d’un ancien dirigeant de ce pays. SAJ devrait se retourner dans sa tombe, ayant refusé, lui, de descendre au niveau de son fils, le 24 février 2015, lorsque le député Jhugroo lui avait adressé une question supplémentaire au sujet des stimulants retrouvés chez Navin Ramgoolam. « I cannot answer this question, Madam Speaker », avait répondu SAJ.

Le Premier ministre et toute sa bande de « bhai looké », y compris les amateurs de ‘rave parties’ qui chauffent les bancs du gouvernement, ont fait preuve d’un manque de moralité, d’humanité, de principes, de classe, d’élégance et de tact. Ce qui les disqualifient pour diriger un gouvernement et un pays. Ils rabaissent le pays comme on ne l’a jamais vu auparavant. C’est inouï. Il y a tellement d’autres chats à fouetter pour faire progresser le pays et freiner la dérive démocratique. Le Premier ministre a-t-il pris connaissance des réserves exprimées par l’ambassadeur des États-Unis à Maurice, Henry Jardine, dans Le Défi Quotidien du 16 mai 2023 ? Interpellé par l’arrestation de l’avocat Rama Valayden « qui soulève des questions quant à une éventuelle atteinte à la liberté d’expression et au respect du processus légal, ainsi qu’à un éventuel dépassement des forces de l’ordre, des limites de leurs pouvoirs », l’ambassadeur Jardine a exhorté « vivement la police mauricienne à respecter les droits civils des individus, tels qu’ils sont consacrés dans la constitution mauricienne ».

Cela prouve deux choses : primo, que Maurice est suivi de près sur le plan international et secundo, que les États-Unis partagent ainsi toutes les craintes exprimées jusqu’ici par les opposants, les activistes, la presse et la société civile. Pravind Jugnauth, en tant que Premier ministre responsable de la police, devrait songer à demander au Commissaire de police de revoir les méthodes répressives employées par ses hommes, dont ceux de la ‘Special Striking Team’. Plus la police agit comme une force d’oppression contre les voix critiques comprenant des opposants, des journalistes et des internautes, plus la réputation du pays sera écorchée. Maurice est déjà cité dans des rapports mondiaux comme une autocratie en devenir. Il est déjà critiqué, notamment par le FMI, pour sa gestion des finances. Il est déjà fustigé pour ses atteintes à la liberté d’expression.

Il ne reste désormais plus que Maurice soit référé comme ‘Policeland’ où sévit une police qui pratique une justice à deux vitesses. Une police qui viole, elle, les droits fondamentaux des citoyens : le respect de la démocratie, dont la tenue des élections ; la liberté d’expression ; la liberté de s’opposer à la tyrannie, le totalitarisme, la mafia institutionnalisée, et l’accaparement des pouvoirs ; entre autres.