« L’aspect humain doit être pris en considération »

Roubina Jadoo-Jaunboccus :

  • « Je dois remercier Sunday Times car l’appel de solidarité que j’y ai lancé a été le catalyseur d’un vague élan de solidarité envers les sinistrés »
  • « Il faut aussi être réaliste, tout le monde ne vient pas uniquement dans les centres pour se réfugier » 

Entre les réunions du comité de crise, les descentes sur le terrain et les exercices de coordination, la ministre Roubina Jadoo-Jaunboccus a été littéralement au four et au moulin durant ces derniers jours. Malgré un calendrier chargé, elle a accepté de nous rencontrer au pied levé, en fin  d’après-midi vendredi, pour faire un post-mortem de la situation après le passage de Berguitta. Si elle se dit satisfaite à 200% du travail abattu par le gouvernement, elle concède toutefois que « tout ne peut jamais être parfait »…

Zahirah RADHA

Q : Vous avez été très active durant le passage du cyclone Berguitta. Êtes-vous satisfaite des actions entreprises par le gouvernement, à travers le comité de crise, d’une part et par vous-même de l’autre ?

R : Le ‘National Disaster Risk Reduction Centre’, dont je fais partie, a beaucoup œuvré au niveau national afin de gérer la situation au mieux de ses capacités. Les médias ne parlent que des repas qui sont fournis aux sinistrés. Mais ce qui importe le plus pour nous, c’est leur sécurité et ils l’étaient dans les centres de refuge. Le comité de crise a fait le maximum afin de régler les problèmes, qu’ils soient liés aux inondations, au manque d’eau, aux coupures d’électricité ou au déblaiement des routes, entre autres.

J’ai également fait de mon mieux, de mon côté, afin de pouvoir soulager ceux qui étaient en détresse. J’ai même lancé un appel à la solidarité des Mauriciens à travers la MBC et Sunday Times. Je dois d’ailleurs remercier Sunday Times car l’appel que j’y ai lancé a été le catalyseur d’un vague élan de solidarité envers les sinistrés. J’ai moi-même reçu, tout de suite après, de nombreux appels téléphoniques de bienfaiteurs qui voulaient leur venir en aide.

Q : Cela nous fait chaud au cœur d’avoir pu aider les sinistrés. Mais est-ce aussi difficile pour le gouvernement de fournir des aménités de bases aux réfugiés alors que les Mauriciens ont pu le faire aisément ?

R : Le gouvernement a d’abord des protocoles à respecter. Et puis, on ne peut pas fournir des repas chauds sans passer par un exercice de ‘procurement’. Sans compter qu’il faut aussi respecter la chaîne alimentaire, les risques de contamination étant réels. (Sourire) D’où la provision de biscuits et de l’eau.

Q : Vous cautionnez donc les propos d’Etienne Sinatambou ?

R : Il n’a fait que répéter ce qui est stipulé par le protocole. Mais il faut aussi que l’aspect humain soit pris en considération…

Q : Ce qu’il n’a pas fait, contrairement à vous, puisque vous avez vous-même distribué des repas chauds ?

R : Ce qui est triste, c’est qu’avant le début de la conférence de presse, Etienne Sinatambou avait exprimé son souhait de fournir des pains et des gâteaux piments aux sinistrés, mais un officier l’en a empêché. Bien sûr, en tant que président du comité de crise, il ne pouvait pas le dire publiquement. Il a ainsi répété ce que prévoit le protocole.

Q : Pourtant nos voisins les Réunionnais ont fait provision pour que les victimes bénéficient de lait et de repas chauds.  Leur protocole diffère-t-il du nôtre ?

R : Le Premier ministre l’a déjà dit : s’il faut revoir le protocole, on le fera.

Q : Vous dites que la situation a été bien gérée mais c’est bien dans votre circonscription, soit à Tranquebar, qu’il y a eu le plus de problèmes par rapport aux sinistrés. Vous avez d’ailleurs concédé que le centre de boxe était surpeuplé.  S’agit-il d’un manque de prévoyance de votre part ?

R : Je dois d’abord préciser que c’est à ma demande que le centre de boxe de Tranquebar est devenu un centre de refuge. On ne pouvait pas prévoir combien de personnes viendraient. Les résidents de Crémation, par exemple, ne sont pas descendus dans les centres de refuge. Nous avons donc réagi par rapport à l’évolution de la situation. Il y avait effectivement un problème de surpeuplement et j’ai entrepris des démarches pour qu’une soixantaine de personnes soient redirigées vers le centre de Vallée-des-Prêtres. Cependant, il faut aussi être réaliste, tout le monde ne vient pas uniquement dans les centres pour se réfugier. Notre but, c’était de sécuriser les sinistrés et nous l’avons accompli à 200%.  D’ailleurs, c’est la première fois qu’un Premier ministre est descendu sur le terrain durant le passage d’un cyclone pour faire un constat de la situation. C’est du jamais vu ! Cela démontre la volonté du gouvernement de faire avancer les choses. Mais tout ne peut jamais être parfait.

Q : Changeons de registre. Les trois premières années du gouvernement ont été ponctuées par des scandales. Pensez-vous qu’il pourra aller jusqu’au bout de son mandat dans la sérénité ?

R : Le gouvernement de Pravind Jugnauth sait où il se dirige. Le Premier ministre a un plan et une vision. Toutefois, Rome ne s’est pas faite en un jour. Il y a eu pas mal de développements infrastructurels qui ont été concrétisés. Des millions de roupies ont été injectées dans la construction des routes et des drains à travers le pays, incluant Vallée-Pitot. Raison pour laquelle il n’y a pas eu autant de problèmes d’inondations à Canal Dayot et à Chitrakoot, par exemple. Des milliers de maisons ont été construites…

Q : Des maisons dont la construction avait été initiée sous l’ancien gouvernement…

R : Oui, mais le travail se poursuit et c’est ce gouvernement qui l’a concrétisé. Il y a aussi le Metro Express qui est en bonne voie. Il y a, en parallèle, d’autres projets qui seront réalisés. Je ne devrais pas le dire mais le Premier annoncera bientôt la concrétisation de certaines choses. Tout ce que je peux demander, c’est qu’on juge le gouvernement uniquement à la fin de son mandat.

Q : La question qui fâche à présent : Quand on évoque votre nom, la visite que vous avez effectuée aux 37 prisonniers revient souvent comme un leitmotiv … (ndlr : elle ne nous donne pas l’occasion de terminer notre question et le ton change subitement)

R : Ou pou revine lor sa là ?! (Ndlr : revenant ensuite à de meilleurs sentiments) Let’s wait for the findings.

Q : Vous avez été nommée ministre de l’Égalite du genre au bout de trois ans. Vous attendiez-vous à cette nomination ?

R : (Sourire) Non, je ne m’y attendais pas. Je suis très à l’aise au sein de ce ministère. Il y a beaucoup de travail à faire. Le Children Bill est actuellement en préparation, le fonctionnement des centres de femmes doit être revu et les cours qui y sont dispensés doivent être modernisés. Sans oublier qu’il faut aussi miser sur la promotion de l’égalité du genre. Je suis là depuis deux mois, mais les choses bougent dans la bonne direction.

 Q : La démission de Showkutally Soodhun vous a finalement été bénéfique ?

R : C’est un fait qu’il a dû démissionner, mais chaque chose en son temps. Je n’aime pas le malheur des autres. C’est le destin qui en a décidé ainsi. But I wish him well.