Le coup réussi de Navin Ramgoolam

Par Zahirah RADHA

Physiquement en forme. Moralement fort. Explications claires et convaincantes. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la prestation de Navin Ramgoolam sur Radio Plus, vendredi, a séduit. Tant dans le fond que dans la forme. Le ton posé, l’ancien Premier ministre a répondu à toutes les questions sereinement, sans aucun signe d’énervement, sans stress apparent, sans détour quelconque, ou plus important, sans aucune attaque personnelle ou sous la ceinture. Il a été courtois et conciliant jusqu’au bout, envers les membres de son parti, aussi bien qu’envers ses opposants et adversaires, allant même jusqu’à lancer un appel pour une opposition solidaire. Son humilité, sa capacité de se remettre en cause et sa sagesse contrastent singulièrement avec l’arrogance et le pouvoirisme de Pravind Jugnauth.

Loin de l’abattre, la traversée du désert et la mort qu’il dit avoir vu en face suivant son infection à la Covid-19 semblent avoir rendu Navin Ramgoolam encore plus fort sur le plan psychologique, paraît-il. Après tout, il n’a plus rien à perdre. Alors que le pays a tout à gagner, que ce soit de son expérience, de sa compétence, de son réseau de contact, de la politique de rupture qu’il prône ou encore de son engagement à le mettre en place pour une refonte de l’économie et une consolidation de la démocratie. Son but, dit-il, est de sauver le pays d’abord et ensuite, de laisser un héritage pour les générations à venir. Il a pris le temps d’expliquer, bien en avance, les points clés d’un éventuel programme du PTr, ce qui devrait faire taire les arguments à l’intérieur même de son parti pour faire croire qu’il n’y a eu aucune réflexion. C’est d’ailleurs principalement de programme qu’il discute avec le MMM et le PMSD, a-t-il révélé, quoique la question de postes et de tickets viendra éventuellement.

Navin Ramgoolam a fait preuve, durant l’émission, de réalisme et de pragmatisme. Il ne s’est pas laissé aller à la surenchère politique. Aucune promesse faite quant à la pension de vieillesse, bien que celle-ci demeure l’une de ses priorités. Ses suggestions pour l’introduction d’un « living wage » ou d’une « Fiscal Responsibility Act » accrochent. Tout comme ses autres engagements concernant l’indépendance des institutions, les nominations, la télévision privée, la transparence, et les gaspillages des fonds publics, entre autres. On comprend mieux maintenant ce qu’il entend par politique de rupture. Pour être plus simple, c’est un divorce avec les pratiques actuelles et du passé. C’est ce qu’il nous faut pour remettre le pays sur les rails de la relance, du développement et du progrès. C’est ce qu’il nous faut pour redonner confiance aux investisseurs et à la population et pour retenir nos jeunes au pays. C’est ce qu’il nous faut pour que notre démocratie retrouve ses lettres de noblesse. C’est ce qu’il nous faut pour que le peuple puisse retrouver sa liberté et respirer de nouveau.

Navin Ramgoolam est-il sincère ? Tiendra-t-il parole ? Concrétisera-t-il ses engagements ? Évidemment, ces questions sont légitimes. Mais ce qui est certain, c’est qu’il ne pourra faire pire que Pravind Jugnauth. Rien que pour cela, il mérite au moins qu’on lui donne le bénéfice du doute et qu’on l’accorde, au moment venu, le dernier mandat qu’il réclame pour changer la destinée du pays. Après tout, le changement réclamé par le peuple ne pourra se faire uniquement par un changement de tête à la direction des partis. Il devra passer surtout par un programme de rupture tel qu’il propose et qu’il appliquera sans doute même dans une alliance, d’autant que le MMM et le PMSD souhaitent également un changement en profondeur du système. Jusqu’ici, rappelons-le, l’électorat ne dispose d’aucune autre alternative qui a fait ses preuves sur le terrain. Aux prochaines élections donc, ce sera soit Navin Ramgoolam, soit Pravind Jugnauth. Au peuple de faire son choix.