Le fret qui coûte maintenant plus cher que les marchandises…

Un changement du modèle de taxation souhaité

Tout le monde parle bien évidemment de la hausse de prix, que ce soit pour les produits alimentaires ou pour les matériaux de construction, surtout depuis l’éclatement de la crise sanitaire en 2020. Vous entendrez souvent aussi que c’est le coût du fret (le prix d’acheminement des marchandises par voie maritime ou aérienne) qui est la cause de tout ceci. Deux importateurs nous expliquent ce qui se passe, et quelle orientation donner à notre politique dans ce domaine.

Un importateur nous confirme que cette hausse généralisée des prix est due à l’augmentation du coût du fret, qui a connu une hausse majeure depuis 2020. Ainsi, en décembre 2019, pour acheminer un conteneur de 40 pieds de Chine jusqu’à Maurice, il fallait au maximum entre 1 600 et 1 900 dollars, tandis que pour un conteneur de 20 pieds, il fallait au maximum entre 800 et 1 100 dollars. Mais après le premier confinement en 2020, le coût du fret a pris l’ascenseur, et continue de grimper.

Au quatrième semestre de 2021, le fret pour un conteneur de 40 pieds va atteindre les 12 000 dollars, ou plus. L’importateur nous fait comprendre que lui-même et d’autres importateurs doivent prendre en considération ces augmentations avant de déterminer leurs prix de revente aux consommateurs. Selon lui, le gouvernement peut apporter une formule pour alléger la hausse des prix. Par exemple, il y a certains pays comme l’Angleterre, dont la taxe douanière au port est calculée selon le modèle connu comme FOB (‘Free on Board’), tandis que Maurice impose cette taxe douanière selon le modèle connu comme CIF (‘Cost, Insurance & Freight’). Si le gouvernement mauricien imposait le ‘customs duty’ selon le modèle FOB, cela impliquerait qu’il y aurait une diminution de la taxation sur les importateurs, et donc sur les prix de revente.

L’importateur déplore ainsi que le coût du fret connait une augmentation chaque quinzaine. Ainsi, un importateur, lorsqu’il commande ses marchandises, a déjà établi son ‘costing’. Or, il peut faire face au fret qui a déjà augmenté entretemps. L’importateur devra donc payer le surplus, ce qui débalance son ‘costing’. Il ajoute que le gouvernement reste insensible à cela, et que ce sont les importateurs qui en souffrent.

Outre le fret, il y a d’autres problèmes liés au port. Ainsi, selon cet importateur, tous les ans, il y a un manque d’espace portuaire à Port-Louis dès qu’on entre en ‘peak season’, soit à partir de septembre. « On ne peut pas continuellement pointer du doigt le chamboulement apporté par la covid-19 au port », dénonce-t-il. Qui plus est, il y a un autre problème, relatif au manque de conteneurs. L’importateur prend comme exemple les marchandises qui arrivent de la Chine, soit depuis le port de Shanghai. En temps normal, ces marchandises prennent entre 16 et 18 jours pour arriver à Maurice, mais maintenant, cela prend 25 jours ou plus.

La raison, selon notre interlocuteur, c’est qu’il y a un manque de conteneurs. Ainsi, le fournisseur a déjà préparé sa marchandise et attend à ce qu’elle soit mise en conteneur. Mais quand un conteneur sort de la Chine pour aller en Amérique, par exemple, le fret est d’environ 40 000 dollars, tandis que pour Maurice, il coûte environ 12 000 dollars. Ainsi, du côté chinois, on va automatiquement donner priorité au ‘highest paying cargo’. Ce qui fait que le ‘transit time’ des marchandises destinées à Maurice prend plus de temps, et c’est le marché mauricien qui est pénalisé. L’importateur soutient même  que le gouvernement doit intervenir car, sans parler de pénuries, il y aurait selon lui un manque de certaines marchandises sur le marché.

Hors-Texte

« Le coût du fret a été multiplié par cinq »

Afzal Delbar, le directeur-général de Silver Line Services Ltd, nous indique que le coût du fret a été multiplié par… cinq, vu que moins de bateaux viennent à Port-Louis. Il souligne que le fret est maintenant devenu plus cher que la marchandise.

Il déplore aussi que Port-Louis « is no more the preferred port » et ajoute que les bateaux ne viennent pas directement ici mais transitent dans d’autres ports. Notre mauvaise gestion du port a ainsi des conséquences sur le coût de fret, selon lui. Même le ‘sailing time’ a beaucoup augmenté. « Un bateau vient dans 40 jours maintenant, alors qu’auparavant, il prenait 20 jours  », selon lui.

C’est normal, selon Afzal Delbar, dans ces conditions, qu’on doit s’attendre à une augmentation du coût de la vie, car tous nos ‘basic necessities’ sont importées.