Liens incestueux

Le Premier ministre a été fidèle à lui-même, mercredi soir. Fuyant les questions de la presse, il s’est caché derrière les caméras de la MBC et a parlé pour ne rien dire. Comme il le fait si souvent – trop souvent même – lorsqu’il est au Parlement ou quand il s’adresse à la Nation. Nous sommes donc restés sur notre faim concernant la ‘data capture’ qu’il y a eu à Baie-Jacotet le 15 avril dernier. Les questions restent donc en suspens. Et les doutes persistent. Surtout quand certains éléments tendent de nous faire croire qu’il y a bien un plan qui est orchestré derrière nos dos. Comme le mystérieux déplacement de l’Attorney General en Inde. Et les tractations pour faire venir le désormais célèbre Monsieur Moustache à Maurice pour un exercice de ‘damage control’. Ces manœuvres auraient-elles été nécessaires si le gouvernement n’avait rien à cacher ?

D’ailleurs, le ministre Bobby Hurreeram, qui a subitement retrouvé le chemin de Top FM, n’a pas été convaincant concernant le choix porté sur une équipe indienne pour effectuer ce survey. « Kapave nou pa ti ena bane équipement spécialisé ki bizin pou fer sa survey la », s’est-il évertué à expliquer aux questions de Bhai Habib. Or, en ce faisant, il n’a fait qu’alimenter les spéculations concernant ces équipements, contrairement à ce qui était attendu de lui. Les acrobaties auxquelles se livre le gouvernement pour justifier ce survey sont aussi intéressantes. Pravind Jugnauth et son gouvernement ont ainsi découvert, ‘out of the blue’, que Huawei est un danger pour Maurice alors que durant une visite officielle au ‘Huawei Beijing Research Centre’ en Chine en septembre 2018, le Premier ministre affirmait que « Huawei is a trusted partner of the country for digital transformation […] I hope Huawei can build a larger business presence in our country ».  

Que s’est-il passé depuis pour que Pravind Jugnauth change d’avis, surtout après avoir permis à Huawei d’avoir, directement ou indirectement, un ‘back door entry’ sur nos réseaux ? Y a-t-il la main de Narendra Modi dans ce changement subit d’attitude envers le géant chinois des technologies ? L’influence de Modi sur Pravind Jugnauth ne s’arrête pas là. Car il s’étend aussi loin qu’à Agalega où il est de plus en plus évident qu’une base militaire est en construction. Une base militaire qui ne rime pas avec une station balnéaire, comme Bobby Hurreeram a tenté de nous faire croire sur les ondes de Top FM, vendredi. Notre souveraineté n’a pas été atteinte uniquement à travers une ‘data capture’ de nos données, mais aussi en offrant Agalega sur un plateau à l’Inde qui, nous ne le répèterons jamais assez, reste une puissance étrangère, malgré tous nos liens d’amitié et bilatéraux.

Il convient aussi de se demander ce que Pravind Jugnauth espère obtenir en retour de son allégeance inconditionnelle envers Modi. Lui a-t-on promis quelque chose pour qu’il courbe ainsi l’échine devant lui ? Pravind Jugnauth pense-t-il pouvoir compter sur le soutien indien pour rester éternellement au pouvoir ? Croit-il que la carte Modi suffise pour lui faire gagner la bataille dans les régions rurales ? Si le Premier ministre daigne redescendre sur terre, il saura ce que la population pense de ses liens qu’on pourrait qualifier d’incestueux avec Modi. Surtout à un moment où notre économie plonge dans le gouffre, avec le dernier rapport de Moody’s qui sonne le glas pour les investissements à Maurice.