Pour le député travailliste Mahend Gungaparsad, il n’y a aucun doute : c’est le Premier ministre, Pravind Jugnauth, qui est responsable du recul de la démocratie, y compris à l’Assemblée nationale. Il revient sur des sujets de l’actualité, dont nous reproduisons ci-dessous des extraits…
Zahirah RADHA
Q : Le jeudi 11 juillet a été marqué par le Nomination Day dans la circonscription no. 10 (Montagne Blanche/ GRSE) alors que d’un côté, les raisons de la révocation de Vikram Hurdoyal comme ministre ne sont toujours pas connues et de l’autre, nous ne sommes qu’à quatre mois de la dissolution automatique de l’Assemblée nationale. Est-ce une farce, selon vous ?
Le gouvernement est connu pour sa politique d’opacité. Il ne croit pas en la transparence et la notion de redevabilité, que ce soit pour les finances de l’État ou encore pour la révocation de l’ex-ministre Vikram Hurdoyal. Les raisons de sa révocation restent toujours un mystère. N’oublions pas aussi que les élections municipales ont été renvoyées à trois reprises sans qu’on ne voie venir une prétendue réforme. Maintenant on vient avec une soi-disant partielle au no. 10. Je ne crois pas en la tenue de cette partielle. C’est un bis repetita de la prétendue élection partielle au no. 7 en 2019 lorsque Vishnu Lutchmeenaraidoo avait démissionné. Même à cette époque, le Premier ministre avait tap l’estomac en faisant croire qu’il irait de l’avant avec cette partielle, mais nous savons tous ce qui s’est passé par la suite.
Q : Cela explique-t-il le refus de l’alliance PTr-MMM-ND de participer à cette farce ?
Bien sûr ! Nous refusons de participer à ce jeu malsain.
Q : La démocratie parlementaire ne tient plus qu’à un fil, semble-t-il. Le Speaker est tombé encore une fois bien bas à l’Assemblée nationale cette semaine avec l’expulsion du député Eshan Juman, n’est-ce pas ?
Je pense qu’on ne doit pas faire une fixation sur le Speaker. Le seul responsable de son mauvais comportement est nul autre que le Leader of the House, soit le Premier ministre. Li soutire li. Et cela parce qu’il fait ce qu’on veut qu’il fasse. Chaque semaine, chaque séance, la démocratie parlementaire chute davantage. Mardi dernier, le Speaker a refusé que les députés de l’Opposition soulèvent les questions par rapport à leurs circonscriptions à l’ajournement des travaux.
Quant à l’expulsion du député Juman, je dirai que le Speaker a des ‘favourite victims’. Il y a plusieurs noms sur sa liste : Shakeel Mohamed, Patrick Assirvaden, Eshan Juman et moi-même du côté du PTr et du côté du MMM, le ‘all-time favourite’ est Rajesh Bhagwan, Paul Bérenger et Joanna Bérenger. Nous devons comprendre le jeu du gouvernement. Je me demande si le Speaker ne m’expulse pas uniquement pour montrer qu’il ne le fait pas uniquement pour les députés d’un certain profil : Shakeel, Patrick, Eshan, Paul, Joanna. Alors met ene ti Mahend ladans pou li paret complet.
Q : Pourquoi ce jeu malsain comme vous dites ?
Parce que cela arrange le gouvernement du MSM qui dépend beaucoup, selon sa logique, des circonscriptions 4 à 14. Il joue donc cette carte à fond, sans aucune vergogne. Raison pour laquelle j’insiste sur le fait que ce n’est pas le Speaker qui est responsable de la situation. C’est le Leader of the House, soit le Premier ministre lui-même, qui est responsable de la dégradation de la démocratie parlementaire. On ne pourra jamais dire de Pravind Jugnauth qu’il est un démocrate et qu’il est un rassembleur. Ce sont deux termes qui ne pourront jamais être associés à lui. Par contre, on peut facilement qualifier Navin Ramgoolam de ces deux termes.
Un démocrate aurait laissé fonctionner les institutions, y compris le Parlement et les députés de l’opposition. Pourquoi expulser Patrick Assirvaden, Eshan Juman et Rajesh Bhagwan, entre autres ? Parce qu’ils viennent avec des dossiers bien ficelés. Imaginez s’il n’y avait pas ces députés ou encore Arvin Boolell et Xavier Duval dans le passé, combien de scandales seraient toujours sous le tapis ? Ces députés font un travail de fourmi dans l’intérêt de la population et pour qu’il y ait de la transparence et de la redevabilité. Ils veulent démontrer comment les fonds de l’État sont mal utilisés sous ce gouvernement et qu’il y a un problème institutionnel. Mais lerla zot vine enplis dans Parlement.
Q : Certains se demandent si les députés de l’Opposition doivent encore aller au Parlement après tout ce qui se passe ces derniers temps…
C’est la réaction de ceux qui ne poussent pas la réflexion plus loin. Nous pensons que notre présence au Parlement a toute son importance. Nous pouvons au moins poser nos questions, comme Arvin Boolell l’avait fait avec sa PNQ sur Avinash Gopee. Qu’ils trouvent toutes sortes de subterfuges pour les rejeter est une autre chose. Au moins la population voit ce qui se passe. Idem pour les tentatives de museler la voix de l’Opposition au sein de l’Hémicycle. Si ce n’est pas le Speaker qui sévit, c’est alors l’armada du MSM qui utilisent les réseaux sociaux pout attaquer vilement les membres et les députés de l’Opposition.
Mon camarade Farhad Aumeer et moi-même en avons fait les frais récemment. Vini dans l’anonymat attak bane professionnels. Cela reflète la bassesse dans laquelle évolue le MSM. Mais ce ne sont pas que nous, les députés de l’Opposition, qui ne peuvent pas fonctionner. Il y a aussi des journalistes, avocats, travailleurs sociaux, ONGs et des citoyens lambda. La population a été terrorisée. Il y a une frayeur palpable dans la société. Plus vite le pays est libéré, plus vite la démocratie pourra de nouveau respirer.
Q : Le Premier ministre a été très critique envers le PTr et le MMM lors de son discours sur le financement des partis politiques cette semaine. Il vous reproche votre absence mais aussi votre manque de contre-propositions. Que lui répondez-vous ?
Je m’attendais à ce qu’il vienne nous dire, lui qui a les mains si propres, comment le bâtiment du Sun Trust a été construit. Kot larzan la ine sorti ? Dans ki kalité sac plastic larzan la ti vine dans SunTrust et ki dimoune ti vine kit sa ? Je m’attendais à ce qu’il nous donne des explications sur Angus Road. Ou mem ou fonctionne dans l’opacité et ou vine déclare saint. La population doit comprendre que certaines personnes portent un masque.
Q : Rappelons aussi que Shakeel Mohamed a été censuré lorsqu’il avait évoqué les Kistnen Papers…
Si je ne me trompe pas, dans le jugement de l’enquête judiciaire sur la mort de Kistnen, une des raisons avancées pour son assassinat concerne un volet politique qui a une relation directe avec l’argent. C’est son agent qui a été assassiné. C’est son agent qui voulait venir de l’avant pour montrer de quelle façon il y a eu des maldonnes. Si ces personnes osent venir faire la leçon à l’opposition, alors tout est possible. La population n’est pas dupe.
Le gouvernement avait une intention machiavélique derrière la présentation de ce projet de loi. Leur but était de pouvoir jeter de la boue sur le PTr et le MMM. Je suis surpris néanmoins par la façon dont le PMSD a été ménagé. Je me demande d’ailleurs ce que le discours de ces politiciens du gouvernement a à faire avec ce projet de loi. Par contre, Shakeel Mohamed a été censuré alors qu’il donnait la réplique à un précédent orateur qui avait évoqué les Kistnen Papers. Cette politique de deux poids deux mesures arrive trop souvent au Parlement. Ce projet de loi, je le redis, n’est qu’une farce. Le MSM n’a aucun désir de légiférer le financement des partis politiques. D’autant qu’il pratique lui-même le money politics. Je demande à la population de faire des vidéos quand ce gouvernement vient vous donner de l’argent pour qu’on puisse éventuellement les montrer au bureau du Commissaire électoral.
Q : Abordons le sujet de l’éducation. La nouvelle formule de subvention aux collèges privés non-payants soulève actuellement un tollé. N’aurait-on pas pu trouver un terrain d’entente ?
J’ai une pensée spéciale pour ce collège de Rodrigues qui devra fermer ses portes si cette situation perdure. Ce gouvernement est penny wise, pound foolish. À qui fait-on plus de tort lorsqu’on ferme le robinet de financement de ces collèges privés ? Ce sont les enfants qui les fréquentent. Les collèges privés ont toujours été un grand partenaire de l’éducation nationale. Je rends hommage à ces Managers qui ont persévéré contre vents et marées pour éduquer nos jeunes.
Disons-le haut et fort. Il y a d’un côté M. Luchoomun qui contrôle la ‘Private Secondary Education Authority’ (PSEA) et de l’autre, la ministre de l’Éducation, Mme. Dookhun-Luchoomun (nldr : ils sont époux). Est-ce que Mme. Luchoomun rappellera M. Luchoomun à l’ordre si ce dernier ne fait pas son travail comme il se doit. Le pays n’avait pas besoin de ce conflit d’intérêts. Par ailleurs, concernant le per capita grant, il y a toujours eu un débat sur le montant dépensé par le gouvernement sur un enfant qui fréquente un collège public et celui qui fréquente un collège privé. Il y a définitivement une disparité alors que tous nos enfants auraient dû être traités de la même façon.
Regardez l’intégralité de cet entretien sur : https://fb.watch/tgPmOe_W9X/