Manque accru de dollars sur le marché : Les importateurs asphyxiés

  • La non-intervention de la Banque de Maurice décriée

Le manque de dollars sur le marché mauricien donne du fil à retorde aux importateurs, qui n’arrivent pas à dédouaner leurs produits à temps. Ce qui peut provoquer des pénuries de produits de base, avec des hausses des prix de ces produits. Des importateurs dénoncent la non-intervention de la Banque de Maurice et beaucoup de ces derniers nous confient qu’ils sont maintenant réticents à importer.

Pritam Dabydoyal, importateur des produits alimentaires basé dans la capitale, est catégorique : « À l’heure où je vous parle, il n’y a pas de dollars de disponibles sur le marché. Comme importateurs, nous devons faire la queue et attendre pendant des heures pour obtenir une partie seulement du montant en dollars dont on a besoin. En conséquence, nos produits transitent à la douane plus longuement et nous avons des pénalités à payer. Ce qui fait que nous sommes pénalisés ». 

Il ajoute de façon peu amène : « Nous sommes dans les affaires depuis longtemps, et nous ne ne sommes pas des mendiants. Si la situation persiste, et si les importateurs doivent mendier auprès des banques commerciales pour avoir des dollars, ils fermeront boutique et délaisseront l’importation.»

D’autres importateurs tirent aussi la sonnette d’alarme pour mettre en garde que la situation se corse en ce qui concerne la disponibilité du dollar. Par exemple, un importateur nous signale que s’il a besoin de 10 000 dollars américain, il n’en aura que 2 000. Il se plaint lui aussi des pénalités qu’il doit payer si ses produits doivent transiter plus longtemps à la douane.

Selon un importateur, il ne peut prendre aucun engagement en ce qui concerne l’importation des produits à l’avenir. « Il y a définitivement un ralentissement dans le niveau de l’importation des produits de base, et ce ralentissement entraînera une pénurie de ces produits sur le marché mauricien », avertit cet importateur.

Quelles sont les raisons de cette rareté du dollar sur le marché mauricien ?Une des raisons est la baisse du taux des arrivées des touristes à Maurice depuis ces deux dernières années. Pritam Dabydoyal nous confirme pour sa part que « La stabilité du marché du dollar a pris un sale coup ces derniers temps ».

Le manque de communication entre la Banque de Maurice et les hommes d’affaires décrié

Pritam Dabydoyal soutient qu’il incombe à la Banque de Maurice (BoM) de régler cette situation. « La Banque de Maurice doit intervenir pour trouver une solution à ce manque accru du dollar sur le marché », dit-il. Il déplore le manque de communication entre la BoM et les hommes d’affaires. Pour lui, la Banque de Maurice aurait dû fixer un plafond du montant à l’achat du dollar par les importateurs afin de les faciliter. En effet, le taux du dollar en fonction de l’offre et la demande sera non seulement instable mais sera aussi plus élevé si le marché du dollar n’est pas stabilisé.

D’autres importateurs déplorent également ce manque de communication de la part de la BoM. Selon un autre importateur, « La BoM aurait dû travailler dans l’intérêt de la nation en intervenant pour stabiliser le taux du dollar. »

Nous avons tenté à plusieurs reprises de parler au ‘Financial Markets Director’ de la BoM, mais nos démarches ont été vaines, car ce cadre était toujours pris dans des réunions.

La fluctuation du taux du dollar provoque une instabilité dans les prix des produits

 « Il incombe à la BoM de régulariser le taux de change du dollar en injectant cette devise dans notre circuit monétaire, ce qui permettra de stabiliser notre roupie face à cette monnaie étrangère », nous a déclaré un banquier. Toujours selon ce professionnel du secteur bancaire, si le taux de change du dollar fluctue trop souvent, cela causera une instabilité dans les prix des produits.  Et une fois que les prix des produits ont grimpé, rien n’indique qu’ils seront revus à la baisse.  « Je ne connais pas de commerçant qui sera prêt à réduire le prix de leurs produits une fois que ces prix ont augmenté », a ajouté notre interlocuteur, en disant que même si le ministère du Commerce a fixé un taux maximal de profit, rien ne dit que cela sera respecté.  

Les banques commerciales libres d’appliquer leur propre taux

 « Ce qui nous dérange aussi, c’est que nous devons traîner de banque en banque pour avoir le taux le plus avantageux, car chaque banque travaille avec un taux propre à elle », nous dit un importateur de grains secs. Ainsi, le taux de change affiché quotidiennement n’est qu’à titre indicatif. Toutes les banques ajoutent forcément une marge de profit sur cette transaction. Même si c’est normal que ce taux de profit soit ajouté, il y a, selon certains commerçants, une « exagération » de la part de certaines banques.

« À notre avis, la banque centrale devrait fixer un taux à l’achat du dollar », nous dit un importateur des Plaines-Wilhelms. Pour lui, si la banque centrale joue son rôle de modérateur entre les importateurs et les banques, la situation sera sous contrôle. Quid de se tourner vers les bureaux de change (‘money changer’) ? À cette question, cet importateur nous répond en ces termes : « Nous ne sommes pas censés travailler avec des bureaux de change. Toutes nos transactions doivent être enregistrées au niveau de notre banque, avec qui nous travaillons. Et c’est à notre banque de nous donner des facilités ».

Qui plus est, les bureaux de change ne sont pas épargnés par cette situation. Selon certaines personnes bien informées, les opérateurs de change du privé subissent encore plus de contraintes car leurs activités sont contrôlées par la BM, qui leur impose un plafond quant au montant des transactions qu’ils peuvent effectuer.

Il devient ainsi impératif que les autorités se penchent sur cette situation afin de ne pas créer un enchaînement de problèmes pour les consommateurs.

ASH