Maurice est-il à l’abri?

Epidémie de peste à Madagascar 

Des frissons, une forte fièvre accompagnée de douleurs musculaires et articulaires, des maux de tête et une sensation de grande fatigue… si vous ressentez ces symptômes, surtout ne pas les prendre à la légère car vous pourriez avoir eu le malheur d’avoir attrapé la peste bubonique. Elle a déjà fait plus d’une cinquantaine de morts à Madagascar tandis que deux cas ont été rapportés aux Seychelles.

Bien que la peste bubonique, aussi connue comme peste noire, sévisse dans les zones côtières de Madagascar depuis 1934, ce n’est que durant ces dix dernières années qu’elle aurait gagné Tananarive. Elle a déjà fait 57 morts à Madagascar depuis le 1er août 2017 à ce jour. C’est ce qui ressort des dernières informations fournies par les autorités malgaches. Le ministère de la Santé publique de la Grande île a déjà identifié 561 cas de peste, dont 415 cas de la peste dite pulmonaire et 144 cas de la peste dite bubonique.

Une apparition brutale et effrayante de la peste à Madagascar

Dans un communiqué en date du 10 octobre, le porte-parole du gouvernement malgache, Harry Laurent Rahajason avait affirmé ceci : « Ce qui a changé cette année et qui nous a surpris est la brutale apparition de la peste dans nos villes hors de la période saisonnière. »

Une présence de siècle en siècle dans l’océan Indien

La peste date de plusieurs siècles dans le sud-ouest de l’océan indien.  Cela débuta en 1898 à Madagascar au cours de la troisième pandémie. Partie de Canton en Chine en 1894, la peste gagna Hong-Kong et ensuite Bombay. C’est par un bateau chargé de riz en provenance de l’Inde qu’elle arriva à Tamatave, avant de toucher Diego-Suarez en 1899 et Majunga en 1902.

En 1899, les ports de Maurice et de la Réunion furent touchés en même temps que Tamatave. En mai 1899, le médecin A. Thiroux, venu à La Réunion pour observer une maladie depuis longtemps connue sur place sous le nom de lymphangite infectieuse, ne put observer de cas de lymphangite infectieuse proprement dite, mais isola, à partir de cas de peste bubonique humaine, deux souches de bacille de Yersin.

Plusieurs années après, la peste se réveilla une nouvelle fois en juin 1921 venant cette fois de l’île Maurice. Une épidémie de peste pulmonaire atteignit la capitale Tananarive, tuant de pneumonie pesteuse en trois semaines quarante-huit personnes réunies à l’occasion d’un mariage. La peste sema l’épouvante dans la population, en raison tout d’abord de son issue presque toujours rapidement fatale.

Depuis 1998, on note une baisse du nombre de cas en rapport avec la mise en place de moyens de lutte, mais la peste reste très présente, avec 300 à 500 cas suspects par an, dont 23 morts en février 2011 à Ambilobe et à Brackaville.

Une maladie qui est loin d’être éradiquée

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 50 000 cas de peste ont été déclarés entre 1990 et 2015 dans 26 pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique. L’Afrique subsaharienne est toutefois la partie du monde la plus touchée, avec la République démocratique du Congo, l’Ouganda mais surtout Madagascar qui sont les pays qui recensent le plus grand nombre de cas de peste au monde (entre 250 et 500 cas par an).

En Asie, les foyers les plus actifs sont en Chine. Sur le continent américain, le principal foyer se trouve au Pérou mais les États-Unis ne sont pas épargnés : des cas autochtones (ne formant pas partie d’une épidémie) de peste sont rapportés chaque année sur la côte ouest dans ce pays. Aucun cas de peste n’a été signalé récemment en Océanie (l’Australie et les îles du Pacifique) ou en Europe.

Pourquoi Air Mauritius maintient-elle les vols vers Madagascar ?

Si du côté du ministère de la Santé, on déconseille à nos compatriotes tout  voyage vers Madagascar, Air Mauritius maintient toutefois ses vols sur la Grande île. C’est décidément à ne rien comprendre. Notons qu’avec deux cas enregistrés, les Seychelles ont stoppé tout vol à destination de Madagascar. La direction d’Air Mauritius veut toutefois rassurer et fait comprendre qu’elle travaille en étroite collaboration avec le ministère de la Santé.

Dans un communiqué émis par le ministère de la Santé, les voyageurs vers la Grande île sont recommandés d’éviter les endroits fortement peuplés, surtout ceux affectés par l’épidémie. Évitez tout contact avec un patient atteint de la peste pneumonique (qui affecte les poumons) et portez des vêtements adéquats, tels que des pantalons longs, des chaussures recouvrant tout le pied et les chevilles et des bas pour vous protéger contre les morsures des puces.

Un dispositif d’isolement à Maurice

Il est à noter que le ministre de la Santé Anwar Husnoo s’est rendu le mercredi 11 octobre à l’aéroport SSR. Il a annoncé l’aménagement d’un couloir séparé afin d’éviter tout contact entre les passagers en provenance de Madagascar et ceux d’autres destinations.

Par ailleurs, lors des célébrations du World Mental Health Day à l’hôpital Brown Séquard, le ministre Husnoo a affirmé que des précautions ont déjà été prises pour que Maurice ne soit pas affectée par cette épidémie. « Nous suivons de très près la situation. S’il faut placer quelqu’un en isolement, nous le ferons à l’hôpital de Souillac », a déclaré Anwar Husnoo.

Les navires en provenance de Madagascar sont suivis de très près par les autorités portuaires et sanitaires mauriciennes. Une unité sanitaire veillerait au port, selon une source autorisée du ministère de la Santé. On exige notamment que ces navires ont un certificat qu’ils ont été dératisés par les autorités malgaches. À Maurice même, les bateaux sont fumigées et des pièges à rats y sont installés.

La peste sous toutes ses formes

Si la peste bubonique est la plus fréquente, il existe plusieurs autres formes de cette maladie. La peste bubonique fait suite à la piqûre de la puce chez l’homme, puce qui a transité sur des rats atteints de cette maladie. Perdant leur hôte lorsqu’il meurt, les puces recherchent d’autres sources de sang. C’est ainsi qu’elles contaminent l’homme, ainsi que les animaux domestiques comme les chiens ou les chats. La maladie provoque chez le pestiféré des gonflements noirs pleins de pus, dit bubons, d’où le nom de la maladie.

Autre forme de la peste, la peste septicémique qui est la plupart du temps une complication de la peste bubonique. Elle est due à une multiplication très importante des bacilles de la peste dans la circulation sanguine, ce qui entraine la septicémie, ou l’empoisonnement du sang. Cette forme de la peste est rapidement mortelle.

Quant à la peste pneumonique, elle est la forme la plus rare et survient quand les bacilles de la peste créent un foyer dans les poumons. Mais elle est la plus dangereuse étant donné qu’elle est extrêmement contagieuse vu les expectorations suivants les toux, riches en bacilles, qui sont inhalées par l’entourage du malade.

La peste peut-elle être guérie ?

La peste, qui est transmise par le bacille yersinia pestis peut être guérie si elle est toujours au state bubonique. Toutefois, il vaut toujours mieux prévenir que guérir.

Les mesures préventives  qu’on peut prendre sont simples mais dépendent de la célérité avec laquelle agissent les autorités et la population. Ainsi, dès les premiers symptômes, les autorités sanitaires doivent être averties et le malade doit être isolé en milieu hospitalier.

En ce qui concerne la peste bubonique, les antibiotiques comme la streptomycine sont actifs et permettent la guérison. Mais tout dépend si le traitement est administré à temps. Si la peste bubonique évolue vers la peste septicémique ou la peste pneumonique, l’évolution de ces deux dernières variantes de la peste est trop rapide pour que les antibiotiques puissent agir.

Ces formes de peste sont souvent mortelles en quelques jours seulement.

Une maladie qui a fait peur à l’humanité depuis l’aube des temps

Les premières origines connues de la peste bubonique remontent au 12e siècle en Asie du Sud-Est où elle décimait les rangs des tribus mongoles. Lors du siège de la ville portuaire de Caffa (actuellement Théodosie en Ukraine), les Mongols catapultaient les cadavres de ceux atteints de la peste pour infecter les habitants de cette ville. L’épidémie qui a suivi en Europe est historiquement connu  comme la Black Death et on estime qu’elle a décimé le tiers de la population de l’Europe.