Le Premier ministre ne croyait pas si bien dire quand il a évoqué une infiltration de la mafia à la tête de nos institutions. Malheureusement, c’est le cas depuis qu’il est à la tête du pays. Un « evil precedent », comme dirait l’autre, a été créé depuis qu’il a permis à Lakwizinn de prendre le contrôle de pratiquement toutes nos institutions clés. Y compris la police, réduite à un simple « rubber stamp » sous le règne de Pravind Jugnauth. Le bureau du DPP est l’une des rares institutions à avoir jusqu’ici résisté à l’emprise maléfique de Lakwizinn qui voulait, dès 2016, introduire un ‘Prosecution Commission Bill’ pour réduire l’indépendance et les pouvoirs du DPP conférés par la Constitution. Ce qui s’était soldé par la démission du PMSD du gouvernement. Mais les manœuvres n’ont pas cessé pour autant. Et les campagnes calomnieuses et insultantes dirigées auparavant contre Me. Satyajit Boolell et maintenant contre Me. Rashid Ahmine se poursuivent de plus belle.
Le fait que le Commissaire de police s’est lui aussi mis de la partie en critiquant la décision du bureau du DPP de ne pas faire appel concernant la remise en liberté provisoire de Bruneau Laurette est inexplicable. A-t-il reçu des instructions formelles pour qu’il agisse ainsi ? La question se pose puisqu’il s’agit ici de deux postes constitutionnels – celui du CP et celui du DPP – qui exigent l’indépendance totale dans leur fonctionnement. D’ailleurs, la loi confère au Commissaire de police le droit de réclamer une révision judiciaire s’il n’approuvait pas la décision du DPP. Mais il ne l’a pas fait. En d’autres mots, il a renoncé à son droit légal – celui de réclamer une révision judiciaire de la décision du DPP – pour critiquer le droit légal – celui de ne pas faire appel contre la décision de la magistrate – que détient le DPP. Où est la rationalité dans cette histoire ? Outre de se couvrir de ridicule, le CP a aussi fait montre d’une ignorance criarde de la loi, le disqualifiant même pour le poste constitutionnel qu’il occupe.
Malgré tout, si le CP craint réellement une fuite de Bruneau Laurette, il peut toujours activer les leviers de la police dont il dirige pour boucler cette enquête le plus tôt possible, comme nous l’a confié l’ancien DPP, Satyajit Boolell. Or, selon l’affidavit de Bruneau Laurette juré la semaine dernière, « depi presque mi-décembre 2022 à ce jour, la police pa fine prend aukaine l’enquête avec moi ». Le CP peut-il nous expliquer pourquoi ? Était-ce un ‘delaying tactic’ délibéré pour le maintenir en détention le plus longtemps possible ? Il y a tellement de grossières incongruités dans cette affaire pour nous empêcher de croire que les autorités n’ont pas un ‘hidden agenda’. Tout cela ne fait regrettablement qu’accentuer la profonde crise institutionnelle qui asphyxie notre démocratie, à la veille du 55ème anniversaire de l’indépendance de Maurice.
La police ressemble étrangement à une milice privée à la solde d’un parti politique précis pour piéger et mettre hors d’état de nuire opposants et journalistes indépendants. En attestent les tentatives d’arrestation de Nad Sivaramen, directeur des publications de l’Express, pour diffamation criminelle. En démontre aussi la convocation de Shakeel Mohamed, député travailliste et l’un des avocats de Bruneau Laurette, pour une affaire où il représentait un client. En prouve également l’arrestation arbitraire des membres de Linion Pep Morisien (LPM) devant les Casernes centrales, vendredi. Le mécanisme de répression est évident. Et ne fait que nous pousser dans un abysse infini.