MPA : Joue-t-on avec la vie des employés ? « Everyone need to cooperate and use the logistic judiciously »

  • C’est la réponse donnée par le Capitaine Barbeau suite aux craintes exprimées par les skippers concernant l’état des remorqueurs en février dernier

L’étau se resserre autour du Capitaine Louis Gervais Barbeau. Il a été interrogé « under warning » aux Casernes centrales, jeudi et vendredi et devra y retourner en ce début de semaine. Pour l’instant, il ne fait l’objet d’aucune charge provisoire de la police bien qu’il ait été appelé à prendre un congé forcé de la MPA. Dès le départ toutefois, sa responsabilité avait été pointée du doigt par le syndicat, plus précisément parce qu’il savait que Sir Gaëtan n’était pas tout à fait apte à entreprendre une opération jugée périlleuse dans des conditions climatiques défavorables. Mais pas que. Il est aussi accusé par des skippers d’avoir volontairement mis leur vie en danger. Y a-t-il eu négligence de sa part en traitant avec légèreté les craintes exprimées par les skippers ? En attendant que l’enquête policière soit bouclée, Sunday Times dispose d’une copie d’une correspondance qui pourrait pousser à la conclusion que le « Port Master » a agi de façon irresponsable en encourageant, voire ordonnant, que le personnel navigant travaille dans des conditions risquées, même après avoir été informé de l’état déplorable dans lequel se trouvaient plusieurs « tugs » de la « Mauritius Ports Authority » (MPA), dont le Sir Gaëtan bien avant le naufrage de celui-ci.

Selon cette correspondance qui lui avait été adressée le 19 février 2020 avec comme référence « Status of Big Tugs », il ressort que le Capitaine Barbeau avait été clairement mis au courant au sujet des conditions dans lesquelles se trouvaient les remorqueurs. Une copie de ce courriel avait également été expédiée au Capitaine Kavidev Newoor, démontrant que le « Deputy Port Master » est tout aussi coupable de négligence, s’il y en a eu. Les skippers y attirent l’attention du « Port Master » et de son adjoint sur les limitations de Sir Gaëtan qui a finalement fait naufrage le 31 août dernier. Bien que ce remorqueur fût opérationnel, les skippers préviennent toutefois que « tug Sir Gaëtan is 27 years old and not operating at its optimum capacity, including the towing winch thus casing limitations in manoeuvring the tug ».

Répondant à cette correspondance le lendemain de sa réception, soit le 20 février 2020, le Capitaine Barbeau devait répondre que « towing winch of Sir Gaëtan is being looked into ». Et d’ajouter que la MPA avait enclenché des procédures pour la location de nouveaux remorqueurs. Il ajoute même qu’entretemps, la coopération de tout le monde était nécessaire et qu’il faut « use the logistic judiciously », y compris pour les petits « tugs ». En d’autres mots, les skippers devraient opérer ces remorqueurs à leurs risques et périls.

L’état des autres « tugs » y est également évoqué, comme la panne du remorqueur Da Patten. Celui-ci avait été envoyé au quai de Taylor Smith entre le 21 octobre et le 20 décembre 2019 pour des réparations. Du 20 décembre 2019 jusqu’à l’envoi de ce courriel le 19 février dernier, soit pendant exactement deux mois, Da Patten attendait toujours d’être soumis à d’autres réparations au quai E de la MPA. Le remorqueur Mahe de Labourdonnais n’était pas mieux loti. Il était aussi hors service après que sa boite de vitesse ait eu des problèmes techniques. Des tentatives pour la réparer s’étaient avérées vaines. Le seul remorqueur qui était donc opérationnel à 100% à cette date était le « tug » Sir Edouard bien que sa maintenance avait été largement retardée.

Dans les milieux portuaires l’on déplore le manque d’égard de la direction, dont du Capitaine Barbeau et de son adjoint, envers les skippers. Le fait qu’ils soient contraints de poursuivre les opérations de ces remorqueurs « pirates », comme ils sont surnommés à cause de leurs mauvaises conditions, est vivement dénoncé. « Zot bien koner zot pe met nou la vie en danger mais selma zot persister fer nou travay lor sa bane tugs la. Si arrive nou kitsoz, zot pou coupable de crimes », lance un skipper, amer.

 

Quid du rôle du DG et du board ?

Le directeur général de la MPA, Shekur Suntah, et le board présidé par Ramalingum Maistry peuvent-ils être dédouanés quant à leur responsabilité dans la gestion des logistiques du port et du mauvais état des remorqueurs ? Non, insiste-t-on dans les milieux portuaires. Car la direction et le board auraient été régulièrement tenus au courant de l’état des remorqueurs. Or, le problème a perduré pendant plus de deux ans sans qu’aucune mesure immédiate ne soit prise. Les nouveaux remorqueurs que la MPA cherchait à louer, selon les aveux du Capitaine Barbeau, se font toujours attendre sept mois plus tard. Le board attend-il qu’il y ait d’autre mort d’homme avant d’agir ?