Notre Motherland, un État policier grandissant

Ils s’appellent Harish Chundunsing, Yash Bhadain, Devarajen Kanaksabee, Rama Valayden, Bruneau Laurette… Ils ont tous, d’une façon ou d’une autre, été inquiétés, intimidés, arrêtés, ou persécutés, par la police durant la semaine écoulée. Les délits qui leur sont reprochés sont divers, allant de « using telecommunication service for the transmission of a false message », à « perverting the course of justice ». Ces hommes n’ont pas forcément les mêmes idéologies ou les mêmes convictions politiques ou autres. Mais ils ont tous eu l’outrecuidance de défendre des causes qui leur sont chères. Et qui vont, bien entendu, à l’encontre des intérêts du gouvernement. D’où la « correction » infligée à ces « troublemakers », pour reprendre le terme dédaigneux employé par le ‘Deputy Prime Minister’ Steven Obeegadoo au Parlement mardi dernier.

La machine de la répression fonctionne désormais à plein régime. L’ICAC et la police, dont la ‘Special Striking Team’ (SST), sont mises outrancièrement à contribution pour faire de Maurice un état policier grandissant. Ces institutions sont non seulement tenues d’agir comme une arme punitive contre les voix critiques, mais elles vont même jusqu’à pousser à bout leurs propres limites pour plaire à leurs maîtres de Lakwizinn. La SST en est la preuve. Se sentant offensé par les propos de Rama Valayden, l’unité d’Ashik Jagaï a porté plainte contre lui avant de procéder elle-même à son arrestation et ensuite l’interroger et le traduire elle-même en cour. La SST enquêtera donc sur une plainte qu’elle a elle-même logée. En d’autres mots, elle est juge et partie à la fois. Ce qui est bien évidemment contraire à la loi. But who cares, la SST fait sa propre loi, avec la bénédiction du pouvoir.

« Les droits fondamentaux au Pakistan, les droits que nous confère notre Constitution et notre démocratie ont été enterrés », a dit l’ancien Premier ministre, Imran Khan, dans une vidéo préenregistrée avant son arrestation survenue au lendemain de la mise en garde de l’armée contre les « allégations sans fondement » qu’il a faites contre elle. « Si ou koz bane kozé ki pa vérifié, la police pou prend actions », a prévenu, chez nous, l’ASP Jagaï. Maurice n’est donc pas mieux que le Pakistan. Ici aussi, les droits fondamentaux, dont la liberté d’expression, sont en train d’être inhumés par un régime dictatorial qui veut instaurer – ou plutôt accentuer – la peur dans le pays, notamment à travers les répressions de l’ICAC et de la police, dont fait partie la SST.

La loi est, elle, sciemment ignorée ou pervertie pour servir les intérêts du régime, pour punir, mais aussi pour accommoder et protéger les proches comme Yogida Sawmynaden, Maneesh Gobin, Rajanah Dhaliah, Vishal Shibchurn, dont le dossier a bizarrement disparu au poste de police de Rose-Belle, Chandra Prakashsing Dip, qui avait précédemment bénéficié de la grâce présidentielle avant que le DPP ne revienne à la charge avec 225 charges contre lui, et Franklin, qui a jusqu’ici été épargné d’une enquête policière pour trafic de drogue. Dans le cas du ‘stag party’ allégué sur le ranch à proximité de Grand-Bassin, Pravind Jugnauth est allé jusqu’à distort the truth en tentant de défendre son Attorney General et ministre de l’Agro-industrie et en envoyant le blâme sur la presse « ki colporte n’importe quoi ». Comme s’il n’y a jamais eu d’accusations formelles faites à l’ICAC contre Gobin.

À l’opposé du Pakistan où des manifestants ont pris d’assaut les rues à la suite de l’arrestation d’Imran Khan, à Maurice, la dictature et les dérives sont toujours tolérées, malgré le déluge de critiques notés sur les réseaux sociaux. Ce qui mènera inévitablement à une intensification des actions répressives contre les antagonistes du gouvernement, surtout à l’approche des échéances électorales. Ainsi, ce dont nous sommes témoins ces jours-ci n’est probablement que le tip of the iceberg. Vous êtes prévenus.