Oumar Kholeegan: « Je ne suis pas satisfait du budget municipal mais que peut-on faire? »

Oumar Kholeegan: « Je ne suis pas satisfait du budget municipal mais que peut-on faire? »

  • Taxe municipale : une hausse est à l’étude

C’est un néophyte orange que l’Alliance Lepep a installé à la tête de la mairie de Port-Louis au lendemain du raz-de-marée survenu lors des dernières municipales et ce dans les cinq villes du pays. Nous recevant à son bureau, mercredi, Oumar Kholeegan n’a pas caché son insatisfaction quant au budget alloué par le gouvernement central pour gérer la capitale. C’est ainsi qu’il révèle qu’une hausse de la taxe municipale est à l’étude alors qu’un impôt frappera chaque conteneur qui quitte le port comme mesures visant à renflouer la caisse de la mairie. Selon le lord-maire, les préparatifs vont bon train pour reloger les marchands ambulants. Il soutient que le mot d’ordre municipal et policier sera zéro tolérance envers les récalcitrants.

 Zahirah Radha

 

Q: Alors, Monsieur le Lord-maire, quelle mesure avez-vous prise en prenant connaissance des photos publiées dans notre dernière édition montrant des immondices jonchant un parcours de … santé ?

R : (Il réajuste sa cravate) On a déjà pris les dispositions nécessaires pour résoudre ce problème. Cela dit, je déplore le fait que les gens ainsi jettent leurs saletés. Au niveau de la mairie, on travaille, en ce moment, en étroite collaboration avec la police pour trouver une formule, à travers les caméras de surveillance par exemple, qui nous permettra d’identifier ceux qui se permettent de jeter leurs ordures n’importe où, et on va prendre des sanctions contre eux.

En parlant du stade Mamade Elahee, je dois préciser que le PPS Salim Abbas Mamode, accompagné des officiers et des inspecteurs de la Municipalité de Port-Louis, y avait effectué un ‘site visit’ pas plus tard que la semaine dernière. Le stade sera bientôt complètement rénové et les infrastructures seront améliorées. On travaille de concert avec la « National Development Unit » (NDU) afin que le projet puisse aboutir dans les meilleurs délais.

 

Q : Vous reconfirmez qu’à partir de demain, Port-Louis ne sera plus un souk, que les marchands n’occuperont plus les voies publiques ?

R : Oui, définitivement ! Le conseil municipal a déjà avalisé, hier (ndlr : mardi), la liste des colporteurs qui ont obtenu des étals aux gares du Nord et du Sud lors de l’exercice du tirage au sort tenu le 18 janvier dernier. Dès la semaine prochaine, ces marchands recevront des lettres indiquant les numéros des étals qu’ils vont occuper. On avait prévu qu’ils s’y emménagent durant les premiers jours de février, mais malheureusement, cet exercice va prendre un léger retard. A Place de l’Immigration (gare du Nord), on est en train de refaire les toilettes et parallèlement, on a fait provision pour l’installation d’un nouveau réservoir d’eau. Quant à Place Decaen (gare Victoria), l’ancien conseil municipal avait déjà construit des toilettes, mais on est en train de les remettre en état. On ne veut pas que les marchands aient des problèmes quand ils s’y rendent pour travailler. D’où notre souci de leur accorder tout le soutien et toutes les facilités qu’il leur faudra.

 

Q : Justement, en les relogeant ailleurs, est-ce que les autorités vont prendre des mesures pour les accompagner et les encadrer ?

R : On fera de notre mieux pour qu’ils n’aient pas de problèmes. Le ramassage d’ordures se fera quotidiennement, comme c’était le cas quand ils occupaient les voies publiques.Je saisirai l’occasion pour faire un appel aux marchands afin qu’ils collaborent également avec nous pour que tout se déroule dans les meilleures conditions possibles.

 

Q : Quid du contrôle des lieux et de la discipline ?

R : Les inspecteurs de la mairie assureront une inspection régulière. La police en fera de même.

 

Q : Quelle politique adoptera-t-on envers les récalcitrants, celle de tolérance zéro ?

R : (Sourire) Bien trouvé. Ce sera zéro tolérance, que ce soit au niveau de la municipalité ou de la police.

 

Q : Y a-t-il des consultations permanentes entre vous et le ministre des Collectivités locales ? Est-il un bon ministre à travailler avec ?

R : Toutes les mesures sont prises en étroite collaboration avec le ministre des Collectivités locales, Anwar Husnoo. C’est lui qui se charge de porter les décisions avalisées par le Conseil municipal au Cabinet ministériel pour être entérinées.J’entretiens non seulement une relation très cordiale avec lui, mais je suis aussi très à l’aise de travailler à ses côtés. C’est une personne qui est très ‘open-minded’ et qui est toujours à l’écoute des gens.

 

Q : A part le sempiternel problème des marchands ambulants, quelles sont les difficultés majeures auxquelles la mairie doit faire face ?

R : (Soupir) Vous n’allez pas me croire, mais c’est le ‘mind-set’ des citadins qui nous pose problème ! Voyez-vous, suite aux grosses pluies qu’il y a eu samedi dernier (ndlr : le 23 janvier), on a appris qu’il y avait deux ponts à la rue St. Denis qui étaient inondés. On s’est rendu sur place et, je dois l’avouer, on a été choqué et outré par le nombre de débris qui obstruaient le passage de ces ponts. On a dû faire appel à la « Special Mobile Force » (SMF) pour nettoyer les lieux. Les officiers ont eu fort à faire pour enlever les débris qui s’y trouvaient dont des grosses branches et un vieux réfrigérateur.

On fait de notre mieux pour conscientiser les gens sur les bonnes habitudes à adopter pour garder leur environnement propre, mais certains n’en ont cure !

 

Q : N’y a-t-il aucun moyen de les faire respecter la loi ?

R : Comme je vous ai déjà dit, on travaille avec les autorités pour essayer de trouver une solution à ce problème. On songeait à organiser des campagnes de sensibilisation, mais, franchement vous dire, les moyens financiers sont très limités.

 

Q : Est-ce à dire que vous n’êtes pas satisfait du budget alloué à la municipalité ?

R : Oui, mais que peut-on faire? A notre niveau, on a déjà identifié des moyens pour renflouer nos caisses. Par exemple, les maisons de la capitale n’ont pas été réévaluées depuis au moins une vingtaine d’années. On perçoit donc moins de revenus en termes de taxes municipales. On va bientôt s’attaquer à ce dossier.

On va également revoir notre politique en ce qui concerne le nettoyage des terrains en friche. Les propriétaires se trouvant à l’étranger devront désormais avoir un permis de la municipalité avant qu’ils ne décident de vendre ou de léguer leurs terrains à quelqu’un d’autre. S’il nous est arrivé de nettoyer ces terrains en leur absence, il faudra qu’ils encourent les frais y relatifs avant qu’ils n’obtiennent leur ‘clearance’. De toutes les façons, c’est injuste d’exiger aux propriétaires qui habitent à Maurice de nettoyer leurs terrains eux-mêmes alors que pour ceux qui résident à l’étranger, la municipalité se charge du nettoyage de leurs terrains à ses propres frais. Cela ne peut pas continuer ainsi.

 

Q : N’est-il pas temps pour la mairie d’augmenter ses rentes en empochant les revenus générés par les aires de stationnement et une petite taxe sur tout conteneur quittant le port, par exemple ?

R : (L’air étonné) Et comment ! (Il nous montre furtivement un document). Nous pensons effectivement introduire une taxe sur les conteneurs. Le dossier figure à l’agenda du prochain conseil municipal prévu pour le 29 janvier.  Je n’en dirai pas plus à ce stade. Quant aux aires de stationnement, c’est la « National Transport Authority » (NTA) qui empoche les revenus et c’est une pratique qu’on n’est pas près de changer.

Q : Le Marché Central mérite bien un ‘uplifting’, ne croyez-vous pas ?

R : Ecoutez, la majeure partie du Marché Central se trouve dans un très bon état. Il n’y a que la section de la boucherie qui nécessite un ‘uplifting’. Dans le nouveau projet concernant la ville de Port-Louis, cette section du bazar connaîtra un sérieux relooking.

 

Q : Port-Louis Smart City ? Vous y croyez vraiment ?

R : Définitivement. Il est grand temps que la capitale se transforme. C’est un projet très ambitieux. Les deux nouvelles gares, qui seront reliées par une passerelle, seront dotées des structures pour abriter les marchands ambulants. 2000 places de parkings seront créées à  Place de l’Immigration et à la gare Victoria. Ceux qui viennent à Port-Louis pourront ainsi garer leurs voitures en toute tranquillité avant de prendre des ‘shuttles’ qui les conduiront à travers la capitale.

L’objectif de ce projet est de transformer Port-Louis en une ville intelligente, verte et touristique, mais aussi d’améliorer la qualité de la vie des citadins tout en créant des emplois,  des logements et, surtout de régler le problème des marchands ambulants. Des endroits phares de Port-Louis, comme le China Town ou l’Aapravasi Ghat, deviendront ainsi des ‘Cultural Art Districts’.

 

Q : Porlwi By Light a révélé que la capitale peut bien être une ville vivante socialement et culturellement. Qu’en pensez-vous ?

R : Oui, effectivement. C’était une belle initiative. Pendant ces trois jours, les gens ont pu circuler librement le soir, même aux alentours du Jardin de la Compagnie, sans se soucier de l’aspect sécurité. C’est donc possible de faire sortir les gens le soir.

Je tiens à faire ressortir qu’on viendra bientôt de l’avant avec un projet pour convertir des rues de la capitale en zones piétonnes de 19h à minuit. Ce sera un ‘night market’ où les citadins pourront se distraire et faire du shopping en toute sécurité.

 

Q : Le Théâtre de Port-Louis restera-t-il à l’état d’abandon pour encore longtemps ?

R : Non. Le Fonds Monétaire International (FMI) nous donnera un coup de pouce en ce qui concerne la rénovation du théâtre. D’ailleurs, un de ses représentants, François Barbance, est actuellement à Maurice pour faire un constat de visu du théâtre. La rénovation sera exécutée en deux phases. La première consistera à consolider et sécuriser le bâtiment et la seconde concernera le réaménagement des infrastructures. On a déjà finalisé le plan technique et on attend maintenant l’aval du « National Heritage Trust Fund Board » avant de passer à l’étape supérieure. Les travaux de rénovation devront, en principe, débuter dès cette année.

 

Q : L’état des rues tant dans le centre-ville que dans les quartiers et faubourgs laisse beaucoup à désirer. En temps de pluie, les nids de poule poussent des champignons…

R : On travaille principalement avec la NDU en ce qui concerne la réfection des routes. Mais, encore une fois, le budget fait défaut. L’enveloppe financière qui avait été accordée à la NDU l’année dernière a été utilisée pour éponger les dettes de l’ancien gouvernement. Ce n’est que cette année-ci que les choses vont commencer à bouger du côté de la NDU.

 

Q : Lalians Lepep, c’est beaucoup de paroles et peu d’actions. Que répondez-vous à cela ?

R : Il y a, certes, beaucoup de paroles, mais il y a également beaucoup d’actions qui ont déjà été enclenchées. On se trouve dans une situation similaire aux années 1982-1983. Ce n’est qu’en 87-88 que les fruits ont finalement été récoltés. Nous nous dirigeons, sans nul doute, vers un deuxième miracle économique. Cela prendra le temps qu’il faudra, mais nous y arriverons sûrement.

 

Q : Vous n’avez pas entendu la déclaration du ministre Vishnu Lutchmeenaraidoo ?

R : Non. Laquelle ?

 

 Q : Il dit parler de moins en moins de miracle économique parce que celui-ci n’est pas le fait d’un homme ou d’un gouvernement, mais d’une nation…

R : (Haussant le ton) Je suis tout à fait d’accord avec lui. Deux la main batté faire son. Sans le soutien de la population, on ne peut rien bouger.

 

Q : Comment entrevoyez-vous votre avenir politique ?

R : Je continuerai à servir le pays. Je fais partie d’une alliance qui représente l’avenir du pays. Le MSM a toujours reconnu ceux qui travaillent. Si je suis appelé, à l’avenir, à occuper des responsabilités plus importantes, c’est avec un grand plaisir que je le ferai. Pour l’instant, je m’attèle à mes responsabilités au sein de la mairie. Je veux sortir d’ici la tête haute et avec le sentiment du devoir accompli.