Bilan économique pour 2022
2022 tire à sa fin. L’économie a-t-elle pris son essor après deux années sous le joug de la covid-19 ? Que nous réserve 2023 sur le plan économique ? Le point avec l’économiste Takesh Luckho.
Performance économique : « mi-figue, mi-raisin »
Selon notre interlocuteur, 2021 n’a pas été une année facile pour le pays et on espérait se rattraper en 2022. Nous sommes sortis d’une période difficile, qui durait depuis 2020, et qui s’est poursuivi en 2021. 2022 était l’année de l’espoir, non seulement sur le plan sanitaire, mais aussi sur le plan économique. Un certain optimisme était de mise, et il y avait des attentes de la part de la population.
En 2022, nous avons eu l’occasion d’ouvrir nos frontières, avec un objectif de plus d’un millions de touristes dans le pays. L’idée était aussi de travailler sur un plan d’infrastructures dans le pays. On espérait aussi que les petites et moyennes entreprises (PME) allaient se refaire une santé. On projetait une croissance aux alentours de 7 %, ce qui aurait permis de redémarrer l’économie. « 2022 était l’année où l’économie devait reprendre ses forces. Mais jusqu’ici, il y a eu beaucoup de hauts et de bas sur le redémarrage de l’économie », analyse l’économiste. Se basant sur les derniers chiffres en fin d’année, Takesh Luckho qualifie la performance pour 2022 de « mi-figue mi-raisin ».
Indicateurs macro-économiques : l’inflation est au rouge
Des indicateurs économiques, tels que la croissance ou le Produit intérieur brut (PIB) ont quand même connu une certaine hausse, du moins nominalement. Mais il faut quand même faire attention, et prendre ces affirmations avec des pincettes. Il faut dire que le PIB a « gonflé », du moins en partie, à cause de l’inflation. Du moment que la valeur nominale des produits augmente, cela se reflète par une hausse artificielle du PIB.
Mais pour l’année 2022, c’est bien l’inflation qui a retenu l’attention. L’inflation est montée en flèche pour dépasser la barre des 10 %. Le taux d’inflation en décembre 2021 était de 3 % et en novembre 2022, il était à 12 %. Il explique que l’inflation a pris l’ascenseur car les prix de plusieurs produits ont connu une hausse drastique.
Ce variable macro-économique est ainsi dans le rouge. Son impact est très conséquent sur l’économie, surtout sur la confiance des consommateurs, leur pouvoir d’achat, ainsi que sur la profitabilité des petites et moyennes entreprises. « Tous ceux-ci sont des indicateurs importants, qui montrent qu’il faut prendre des mesures visant à redresser l’économie », souligne l’économiste.
Il est aussi revenu sur les propos du ministre des Finances, qui prévoit un taux de croissance de 5 % pour l’année 2023. « Ce sera difficile d’atteindre cet objectif », tempère Takesh Luckho.
La dette publique baisse-t-elle vraiment ?
La dette publique comprend les dettes du gouvernement mais aussi les dettes des corps paraétatiques, qui fonctionnent sous l’égide du gouvernement. Le niveau de la dette publique est actuellement inquiétant. Cela pourrait avoir un impact sur les prêts fournis aux particuliers et aux entreprises. Il pourra ainsi arriver un moment où nous n’aurons pas suffisamment d’argent sous forme d’emprunts, ou alors, avec un taux d’intérêt très élevé.
Maurice a ainsi pris un engagement de ramener la dette publique aux alentours de 60 % du PIB. Qui plus est, le Fonds monétaire international (FMI) nous a imposé un moratoire pour ramener la dette publique à 80 % du PIB.
Avons-nous réalisé un progrès en ce sens ? Comme point de départ, il convient d’examiner les chiffres de Statistics Mauritius. Selon ces chiffres, il apparaitrait que la dette publique est en régression. Toutefois, Takesh Luckho affirme que le niveau réel de la dette publique a toujours fait polémique, et il est toujours sujet à débats. « Tout dépend comment il est calculé », souligne l’économiste.
On se pose donc la question : qu’est-ce qui a pu faire baisser la dette publique ? La dette publique a apparemment baissé car le PIB est en hausse, selon Statistics Mauritius. Mais l’économiste réitère que le PIB a « gonflé » à cause de l’inflation, où la valeur nominale de plusieurs produits prennent l’ascenseur. Et toute augmentation de la valeur nominale des produits se reflète sur le PIB. « Donc, toute hausse du PIB ou toute baisse de la dette publique devraient être pris avec des pincettes », maintient l’économiste.
Déficit de la balance commerciale : toujours omniprésent
Le déficit de la balance commerciale est toujours bien présent car nous vivons dans un pays qui importe la plupart de ses produits. Or, les importations ont pris l’ascenseur. Qui plus est, la dépréciation de la roupie face aux devises étrangères est aussi un facteur qui aggrave le déficit commercial. Tout ceci fait que la valeur de nos importations a « explosé » et la balance commercial est déficitaire.
2023 : une « année compliquée », mais difficile pour les consommateurs
Que prédit Takesh Luckho pour 2023 ? L’économiste se montre plutôt sombre dans ses prévisions. « C’est difficile d’établir un calendrier pour les premiers mois de 2023 mais la situation sera difficile pour les consommateurs car les prix vont certainement continuer de flamber avec les prix actuels des carburants, qui ne connaissent aucune baisse », explique-t-il. Il maintient que si les prix des carburants connaissaient une baisse, il pourrait y avoir une évolution positive des choses.
Pour lui, le premier quart de 2023 sera « très compliqué » car nos principaux marchés entrent en récession, ce qui va très certainement affecter notre pays. Il ajoute qu’un taux de croissance de 5 %, comme prévu par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, est vraiment optimiste pour l’année prochaine. Il dit ne pas comprendre comment le ministre a fait ses calculs car le manque de transparence est toujours de rigueur.