[Portrait] Asraf Ramdin : « La vie n’est pas facile en tant que syndicaliste »

Syndicaliste et chauffeur de taxi de 51 ans, Asraf Ramdin mène un combat sans relâche. Il a “tracé” pour devenir propriétaire de sa voiture, et précise qu’il a appris la nouvelle qu’il avait obtenu son permis de taxi à la veille des élections générales de 1995. Il a débuté comme chauffeur de taxi clandestin, puis a loué des permis pour opérer comme chauffeur de taxi dans les villages. Asraf Ramdin connaît désormais les rouages du métier et témoigne de son quotidien.

Aujourd’hui secrétaire de la ‘General Taxi Owner’s Union’, ce père de famille est d’avis que mener une vie de syndicaliste n’est pas aussi facile qu’on le pense. « Je suis devenu syndicaliste en 2003. Suite à une injustice que j’ai subie, j’ai décidé de me battre pour mes droits », dit-il.

Il a fait ses études primaires à la ‘Rajcoomar Gujadhur Government School’ à Centre-de-Flacq, et a ensuite poursuivi ses études secondaires au Darwin College. Il raconte qu’au début, il a dû louer des permis pour pouvoir opérer comme chauffeur de taxi.

 « J’ai commencé à travailler dans le village en effectuant de petites courses pour la localité. Je ne cacherai pas que j’ai aussi fait ‘taxi marron’. À l’époque, je voulais absolument avoir mon permis pour pouvoir progresser. Je me souviens très bien que c’est la veille des élections générales de 1995 que j’ai obtenu mon permis. Je me suis activement employé à acheter ma propre voiture », explique-t-il.

Asraf Ramdin pense qu’il est grand temps de valoriser ce métier, qu’il considère comme la vitrine de l’île Maurice sur le plan touristique. Le syndicaliste estime que la mentalité des chauffeurs de taxi doit se redynamiser pour s’assurer une place à la table de ceux qui contribuent à faire fonctionner l’économie de cette industrie, qu’il considère d’ailleurs comme le pilier rapportant le plus de revenus dans les caisses de l’État.

En novembre de cette année, Asraf Ramdin a pris position contre l’administration du ‘Taxi Operators Welfare Fund’ et la ‘National Land Transport Authority’ (NLTA). Il a déploré la mauvaise gestion du dossier par le ministre Alan Ganoo, et a alors lancé un appel au Premier ministre pour intervenir et trouver une solution.

 « Nous faisons du syndicalisme comme des bénévoles. Nous nous battons car nous pensons vraiment que nous avons un rôle majeur à jouer dans cette industrie », lance-t-il. Évoquant l’aspect éthique des chauffeurs de taxi, le syndicaliste pense qu’il y a toujours deux types de personnes dans tous les métiers, et est d’avis que les jeunes doivent prendre la barre pour insuffler un nouveau souffle.

 « Les salaires d’un chauffeur de taxi varient selon les régions et les secteurs. Certains doivent travailler dur pour un revenu moyen et modeste à la fin du mois, tandis que d’autres, qui veulent faire plus, c’est-à-dire proposer d’autres services plus qu’un simple moyen de transport, le font. Rien ne les en empêche. Un chauffeur de taxi doit être fier de son métier et doit le faire avec amour et intelligence, sinon on ne réussit pas. J’invite nos confrères à se fédérer. C’est notre métier qui est en jeu ! », laisse entendre Asraf Ramdin.

Il déplore l’attitude et la mentalité selon lesquelles il faut être proche d’un ministre pour que les choses avancent. « L’industrie touristique est ce qui fait vivre l’île Maurice. Les décisions doivent être prises pour favoriser une démocratisation de l’économie. Nous, les chauffeurs de taxi, devons être à la table des négociations. Notre lutte s’oriente vers une meilleure organisation et une distribution équitable sur le marché », indique le syndicaliste.

Avec plus de 30 années d’expérience dans le domaine du transport, Asraf Ramdin est devenu la figure de référence pour la défense des droits des propriétaires de taxi. Ce dernier s’engage aussi dans le social. Très actif sur le terrain, Asraf Ramdin attire l’attention sur le fait qu’être syndicaliste, c’est se faire beaucoup d’ennemis.

La semaine dernière, la voiture du syndicaliste a été la proie des flammes à son domicile à Centre-de-Flacq. « J’avais récemment pris position contre l’ouverture d’une maison de jeu à proximité d’une mosquée. Je ne sais pas si cela explique pourquoi ma voiture a pris feu. Je préfère ne rien dire pour l’instant, la police a ouvert une enquête », dit-il. Le père de famille ajoute qu’il ne pourra pas travailler pour le mois de décembre. Sans sa voiture, il ne pourra rien faire.

 « La vie de syndicaliste n’est pas facile. Le nombre de chauffeurs de taxi honnêtes n’est pas négligeable. Nous travaillons avec les Mauriciens aussi bien qu’avec les touristes. Nous sommes le premier maillon en contact avec les touristes sur le terrain. Nous devons professionnaliser notre hospitalité de manière intelligente. Avec la technologie, nous avons beaucoup de potentiel. Nous devons savoir exploiter nos compétences et surtout nous adapter. Que vous soyez dans les hôtels ou dans les villes ou villages, nous devons nous fédérer pour avoir plus de poids dans nos négociations », plaide Asraf Ramdin.

Il persiste et signe qu’en faisant cela, les opportunités pour les jeunes aspirants chauffeurs de taxi seront énormes. Le père de famille pense fermement que les droits acquis aujourd’hui serviront de fondation à la professionnalisation de ce métier. Asraf Ramdin est d’avis que c’est le devoir des aînés de créer un meilleur avenir pour les jeunes, auxquels il lance un appel.

« Il y aura des opportunités pour eux. Nous voulons rendre ce métier plus accessible à la nouvelle génération. Le nombre de taximen a drastiquement diminué ces dernières années. Nous sommes dans les environs de 7200 actuellement, comparé à plus de 8000 durant les années précédentes. Nous avons le devoir de rendre ce secteur plus attrayant pour les jeunes et ceux qui veulent se lancer dans l’aventure de ce métier. » Toutefois, ce père de deux enfants met en garde contre les tentations qui peuvent, selon lui, nuire à l’éthique du chauffeur de taxi. Il dit avoir noté des tendances que son fils de 26 ans semble vouloir choisir ce métier, et affirme que cela est possible quand on lui donne de la valeur. « Être chauffeur de taxi est un métier qui demande de la concentration, mais aussi de l’hospitalité et du professionnalisme. Nous œuvrons pour que les taximen soient respectés », conclut le syndicaliste.