Pouvoir, argent et opacité

La dernière hausse des prix des carburants, la quatrième en cinq mois, n’est que pure provocation de la part du gouvernement. Surtout après les récentes émeutes provoquées ni plus ni moins par la majoration de ces mêmes prix. Que fera-t-il s’il y a de nouvelles manifestations ? Les remettra-t-il sur le dos de l’opposition alors que c’est le gouvernement qui cherche délibérément noise avec la population ? En faisant fi de la profonde souffrance de celle-ci, Pravind Jugnauth se révèle comme un sans-cœur. Il dévoile son mépris et sa mesquinerie en assommant davantage un peuple déjà écrasé sous la cherté de la vie. Pour lui, il n’y a que le pouvoir et l’argent qui comptent. Pour ce faire, il étend ses tentacules et ne lâche pas ses proies. Jusqu’à leur sucer tout le sang de leur corps. Comme il le fait avec cette nouvelle augmentation du prix des carburants, sachant qu’elle entraînera une série d’autres majorations insupportables pour les consommateurs.

Ironiquement, la ‘State Trading Corporation’ (STC) n’est plus qu’une vache à lait pour le gouvernement. Elle ne fait qu’extraire l’argent des consommateurs pour alimenter les caisses gouvernementales au lieu de réguler les prix pour les soulager, comme nous l’explique l’ancien ministre du Commerce Cader Sayed-Hossen aux pages 6 et 7. Une régulation que la STC n’arrive pas à faire après avoir été contrainte de puiser presque Rs 6 milliards de ses caisses pour payer Betamax. Et après avoir déboursé plus d’un milliard de roupies entre le 23 avril et le 26 juin 2020 pour l’achat des équipements médicaux sous ‘emergency procurement’ pour le ministère de la Santé, menant même, l’année dernière, à l’arrestation de l’ancien directeur de la STC, Jonathan Ramasamy. Que reste-t-il donc à la STC pour stabiliser les prix des carburants ? Puiser davantage des poches des consommateurs est tout ce qu’il peut se permettre de faire dans de telles circonstances. D’où les hausses systématiques, répétées et exagérées du coût des carburants pour faire payer aux consommateurs le prix de la mauvaise gestion du gouvernement, tout en permettant à ce dernier de récolter des revenus énormes à travers les taxes imposées sur l’essence et le diesel. Des bénéfices qui permettront une fois de plus au gouvernement de faire comme bon lui semble, surtout à travers l’allocation des contrats publics aux proches du régime.

Ce goût prononcé pour le pouvoir et l’argent est aussi attesté par la mise à mort savamment orchestrée du ‘Mauritius Turf Club’ (MTC), tel le groupe BAI, pour en prendre le contrôle à travers la compagnie fraichement incorporée « Côte d’Or International Racecourse and Entertainment Complex Ltd », domiciliée au ‘Prime Minister’s Office’ et dirigée par des proches du régime, dont une certaine Naila Hanoomanjee, CEO de ‘Landscope Mauritius’ et cousine du Premier ministre. Désormais, le PMO tirera lui-même les ficelles des courses hippiques et téléguidera lui-même les actions de la ‘Gambling Regulatory Authority’ (GRA), instance régulatrice des courses où siège, en tant que vice-président, Dev Beekharry, également ‘Senior Advisor’ au PMO. On top of that, c’est également au PMO que sévit un autre ‘Senior Advisor’ auto-proclamé, bailleur de fonds du MSM, et dont l’ombre plane sur les courses hippiques et autres jeux de hasard. Preuve que tout se résume au PMO et à Pravind Jugnauth. Celui-ci s’octroie les leviers de tous les pouvoirs existants et imaginables. Comme aucun Premier ministre n’a daigné le faire avant lui.

Et puisque le pouvoir et l’argent est le fort du gouvernement de Pravind Jugnauth, les parlementaires seront appelés, au Parlement ce mardi, de ratifier et de voter un « Supplementary Appropriation (2021-2022) Bill » de l’ordre de … Rs 9, 5 milliards ! Ces Rs 9, 5 milliards, soulignons-le, ont déjà été dépensés, en sus de l’enveloppe globale allouée pour le budget 2021-2022. Une somme faramineuse qui étale de nouveau le manque de prévoyance et la pitoyable gestion économique de nos dirigeants. De ce montant de Rs 9, 5 milliards, Rs 2, 5 milliards ont été alloués au ministère de la Santé. La Covid-19 servira une fois de plus d’excuse lamentable au gouvernement pour les justifier. La vilaine vérité, c’est qu’une grande partie de cet argent a été dilapidée. À travers des « emergency procurements » douteux et opaques. À travers des allocations suspectes des contrats aux quincailleries, bijouteries, sociétés écrans et autres. Et dont l’ordre venait du ministre de la Santé à l’issue des réunions du ‘High-Level Committee’ présidé par le Premier ministre, selon le ‘Public Accounts Committee’ (PAC), rapport approuvé et signé par des membres du gouvernement.

Ces Rs 2, 5 milliards seront votés alors que nos services de santé publics font face à une cruelle pénurie de médicaments, incluant le Clopidogrel, et poussant des milliers de patients, dont des personnes âgées, à payer de leurs poches pour s’en procurer dans les pharmacies privées. Notre santé publique finalement, c’est chèrement payée par les contribuables. De ces Rs 9. 5 milliards sous le « Supplementary Appropriation (2021-2022) Bill », la part du lion, soit Rs 5, 9 milliards, passeront, semble-t-il, des caisses centrales du gouvernement pour atterrir dans des « special funds ». Ce qui sous-entend encore et toujours plus d’allocation occulte des contrats publics, sans qu’il n’y ait d’‘accountability’. Voilà comment, dans sa quête pour le pouvoir et l’argent, le gouvernement MSM et Jugnauth tue la bonne gouvernance. Pendant que le peuple, meurtri par les coups de massue incessants qu’on lui fait subir, se voit incapable de manifester ou même de s’exprimer librement, puisque le gouvernement lui impose des lois pour lui faire taire.