Pouvoirs cadenassés

Que dire de l’incompétence au niveau du sommet ? Alors que le pays passe par un moment difficile en raison de l’urgence sanitaire provoquée par la Covid-19, nos dirigeants ne songent qu’à leurs « petty politics ». Le pauvre Steve Obeegadoo en a fait l’amère expérience cette semaine. Le leader de la Plateforme Militante (PM), parti minoritaire de l’alliance gouvernementale, s’est remarquablement démarqué de Pravind Jugnauth alors qu’il assumait les responsabilités du Leader of the House pour la première fois au Parlement, mardi. Cela n’a pas dû être au goût de tout le monde, surtout au sein de Lakwizinn qui tirait, depuis Londres, les ficelles. Histoire de montrer qu’elle est toujours aux commandes et qu’on ne pouvait lui faire de l’ombre. Même si elle devait pour cela, couper l’herbe sous les pieds de son adjoint. La non-tenue du Conseil des ministres vendredi était un signe précurseur, laissant entrevoir la mainmise de Pravind Jugnauth sur les pouvoirs de l’État.

Il était évident, dans de telles conditions, que l’éclat du Premier ministre suppléant au Parlement mardi aurait été de courte durée. Steve Obeegadoo a été réduit à sa juste mesure en début de soirée, ayant été court-circuité par la ministre de l’Éducation, membre du MSM et colistière du Premier ministre. Alors que Steve Obeegadoo, Premier ministre p.i, disait à Eshan Juman que la situation n’était pas chaotique dans les établissements scolaires, comme l’avait fait ressortir le député travailliste du no. 3, la ministre de l’Éducation Leela Devi Dookun-Luchoomun annonçait, pile à ce moment, que 1 856 cas positifs ont été enregistrés dans le milieu scolaire depuis le 18 octobre dernier et qu’elle mettait ainsi un terme aux classes en présentiel. Quelle humiliation pour Steve Obeegadoo qui a dû apprendre la nouvelle par la suite alors qu’il était censé tenir les rênes du pays et qu’il devait, de ce fait, être tenu au courant de toute décision majeure prise par le gouvernement !

Il a dû apprendre à ses dépens que quand Lakwizinn est à l’œuvre, elle n’épargne personne. Même pas ses partenaires d’alliance, réduits en vase à fleur. Surtout si ceux-ci se nomment Ivan Collendavelloo (ML) ou Steve Obeegadoo (PM), les deux issus du sérail militant. Ces derniers n’ont qu’à se taire. Mortifiés ou pas. Les mains liées ou pas.  Mais le mal est beaucoup plus profond, reflétant un problème décisionnel au sommet de l’État. Absence de consultation, manque de cohésion et de communication au sein même du cabinet ministériel, pouvoirs cadenassés, gouvernement divisé en clans… Bref, la gestion du pays se fait au petit bonheur, les uns martelant que tout est sous contrôle, les autres indiquant le contraire à travers leurs actions. Une cacophonie qui caractérise un manque patent de leadership, nous faisant craindre le pire durant cette pandémie dont on n’a pas encore atteint le pic en termes de maladies sévères et de morts durant la présente vague, selon certaines indications du Dr Shameem Jaumdally. Cela alors que 46 décès avaient été enregistrés à vendredi tandis que la semaine dernière, le nombre de morts directs de la Covid-19 s’élevait à 42. 

Que dire des nouvelles restrictions mises en place par le gouvernement si ce n’est qu’elles sont grandement insuffisantes, incohérentes, insensées ! Outre des contradictions flagrantes concernant les rassemblements et les mariages de 50 personnes où le pêle-mêle est généralement omniprésent comparés aux lieux de culte qui ne peuvent accueillir, eux, uniquement que 10 personnes malgré la solennité du lieu, il n’y a eu point de révision concernant les transports publics, pourtant lieux de transmission du virus par excellence. Des mesures encore une fois irrationnelles reflétant le niveau de médiocrité du gouvernement. Ce qui ne nous laisse qu’un seul choix face à la pandémie : le ‘self-discipline’. Les Mauriciens, on ne le dira pas assez, doivent faire preuve de beaucoup plus de responsabilités pour qu’on puisse faire courber la chaîne de transmission.