Questions à…Megh Pillay, ancien CEO d’Air Mauritius : « Pas convaincu que ce qui reste sur la flotte puisse être exploitée profitablement »

Q : Compte tenu du contexte actuel, Air Mauritius pourra-t-elle “jouer pleinement son rôle pour la relance économique“, comme soutenu par les administrateurs volontaires dans un communiqué émis le 29 juin ?

L’annonce est une sage décision en soi. Elle sera ressentie par tous les acteurs de l’industrie sur le plan local et sur le marché international car il lance un signal fort qu’Air Mauritius ne compte pas s’abdiquer de son rôle de transporteur principal sur la destination Maurice.

Nous sommes une destination touristique familiale. En temps normal, les vacances en famille sont planifiées à l’avance et ce n’est pas trop mal pour la fin de l’année.  Pendant cette période, une certaine explosion de l’envie de voyage comprimée est anticipée par les professionnels du tourisme. Maurice peut s’attendre à en bénéficier grâce à sa réputation si elle joue bien sa carte. MK a joué un rôle critique dans chaque relance dans le passé.

Q : Est-ce réalisable en dépit de la réduction de sa flotte et de son effectif ?

Toute entreprise emploie des moyens qui lui permettent de rentabiliser ses opérations commerciales. On sait que MK s’est écroulé avant la Covid-19 sous le poids d’un excès de capacité, la faillite de sa fonction marketing et la désintégration de sa structure de gouvernance. Dans l’immédiat, une réduction de l’effectif est donc un pas dans la bonne direction. Normalement, une flotte commerciale est taillée sur mesure pour répondre à la dynamique de la demande. On n’est pas convaincu que ce qui reste sur la flotte puisse être exploitée profitablement. Mais étant donné la complexité de la situation évoquée dans le communiqué et l’engagement que la solution évoluera avec plus de visibilité sur le marché, on peut penser que MK se prépare, même tardivement à la relance.

Q : Entre des économies de Rs 1,75 milliards réalisées durant cette dernière année et des engagements financiers qui restent à être honorés, la compagnie pourra-t-elle garder la tête hors de l’eau sans une injection additionnelle de fonds par le gouvernement ?

Avant Covid-19, MK opérait plus de 30,000 vols par an. On ne connait pas le nombre de vols opérés pendant la dernière année avec les frontières fermées. Difficile d’évaluer la pertinence de ce chiffre qui représente presque 10% des coûts opérationnels annuels de MK en temps normal. Si de telles économies sont possibles après la succession de mesures ‘cost-cutting’ de MK au fil des années, les administrateurs précédents doivent répondre. Mais si ces économies sont comme vous et moi faisons en roulant peu pendant le confinement, il n’y a pas de quoi pavoiser.

Dans la situation où elle se trouve, MK a besoin d’injection de capital pour se tirer d’affaire. Le montant ne doit pas faire peur car il sera proportionnel à son chiffre d’affaires annuels de Rs 20 milliards.  Le potentiel du marché qu’elle exploite lui permet d’envisager une remontée rapide. Bien géré, cet investissement rapportera gros à l’économie du pays.  Mais si MK est opéré de l’extérieur comme dans le passé, elle finira avec les mêmes résultats catastrophiques. 

Q : Le sort des employés reste incertain suivant le renvoi du Watershed Meeting à janvier 2022. Cette situation vous interpelle-t-il ?

Bien sûr que la situation des employés de MK m’interpelle profondément car ils ne sont nullement responsables. Ils étaient presque tous parfaitement conscients des facteurs menant à l’état moribond de leur compagnie bien avant Covid-19. Ils ont consenti à toutes les mesures de ‘cost-cutting’ souvent à leurs frais et exprimaient leur anxiété en toute discrétion dans l’espoir d’un redressement.

Le ‘Watershed Meeting’ est la réunion charnière où se décide l’avenir de MK, si elle survivra ou sera liquidée. Probablement, ils iront en tant que créanciers parmi d’autres mais ne pèseront pas très lourd dans la balance. Cependant, il est à craindre que leurs poids pèsent dans un déchirement du tissu social si rien n’est fait.

Z.R