Récompensés pour dettes rayées

Bissoon Mungroo a donné de la voix. Nassir Ramtoola aussi. S’est ensuite ensuivi un walk-out. Enhardi toutefois par le conseiller légal, Sattar Hajee Abdoula a envoyé balader ces petits actionnaires de la SBM Holdings Ltd. Et s’est mis à prononcer son discours. Jusqu’à ce qu’il soit abruptement interrompu par le même conseiller légal. Et qu’il soit contraint d’annuler l’assemblée générale annuelle de l’organisme. Des problèmes techniques sont évoqués officiellement pour justifier ce renvoi. Factuellement cependant, la tenue de cette assemblée était illégale, les actionnaires n’ayant pas eu le temps requis selon la loi pour étudier le rapport qui ne leur avait été remis que la veille. Cette situation est aussi inédite que burlesque. Et reflète le dilettantisme qui gangrène nos institutions. Il ne pouvait en être autrement quand cette importante institution bancaire est dirigée par une équipe proche de Lakwizinn au lieu de professionnels aguerris aux rouages bancaires. 

Au moins cinq des huit membres du conseil d’administration sont des proches du régime en place. Notamment Sattar Hajee Abdoula, dont le rôle de bon valet de Pravind Jugnauth est un secret de polichinelle, Prakash Maunthrooa, conseiller au PMO qui y fera prochainement son entrée bien qu’il soit aussi consultant à la MPA, Jean Paul Arouff, conseiller aux Finances, Shakilla Bibi Jhungeer, ex-candidate du MSM au no. 2, et Sharone Ramdenee, issue de la belle-famille du Premier ministre. Tout ce beau monde est-il ‘fit and proper’ pour diriger ce joyau de l’État qu’est la SBM Holdings Ltd ? Qu’ils le soient ou pas, ces dirigeants ont quand même vu leurs honoraires grimper en flèche, soit de l’ordre de Rs 7, 1 millions au total en une seule année pour les onze membres du conseil d’administration de la SBM Holdings Ltd. Et ce pendant que des dettes rayées par la SBM s’accumulent. Les Rs 12, 8 milliards ‘written off’ d’un trait de plume durant ces quatre dernières années sont-elles un exploit qui méritent d’être récompensés ?

Ailleurs, dans une autre banque commerciale par exemple, un tel conseil d’administration aurait été tout simplement viré. Mais à la SBM, dont l’actionnaire majoritaire est l’État, l’incompétence est payante. De fort belle manière, svp ! Pendant que le peuple continue de souffrir atrocement de la cherté de la vie et que les Rs 1000 que certaines catégories de la population devront recevoir sont déjà englouties par les hausses des prix sans même en avoir encore touché un seul sou. Cette souffrance, les proches sans vergogne du pouvoir s’en moquent. Comme le prouve cette belle brochette d’intimes de l’Hôtel du gouvernement qui siègent au SBM Tower. Mais puisque la SBM Holdings Ltd n’est pas le Sun Trust, ces membres grassement rémunérés devront jouer carte sur table et révéler qui avait approuvé des loans faramineux à des hommes d’affaires douteux sans aucune ‘due diligence’ en premier lieu. Des prêts qui ont dû éventuellement être rayés. Était-ce le ‘credit committee’ ou le ‘board of management’ ? Car ils sont tenus d’être redevables envers les petits actionnaires, les employés et les contribuables.

Les petits actionnaires ont raison de vouloir obtenir des réponses sur ces dettes rayées de façon effrénée. Et la direction a le devoir et la responsabilité de mettre les points sur les i sur ces « written debts » qui se comptent par des milliards de roupies depuis quelques années. Ce n’est pas parce que l’État détient la majorité des actions de la SBM qu’il faut jeter ainsi de l’argent par les fenêtres, en emboitant les pas des autres institutions et ministères sous ce gouvernement. On parle ici du système bancaire où le ‘risk management’ est d’importance capitale pour ne pas fragiliser le système bancaire et par ricochet, l’économie. Comme on en a connu avec le drame qui avait frappé l’économie lorsque la licence de la Bramer Bank avait été révoquée pour des raisons purement vengeresses aux petites heures du matin en avril 2015. Depuis, l’État a dû débourser des milliards de roupies pour réparer les dégâts.

Le même ‘risk management’ qui exige aussi la prudence quand les banques sont confrontées au risque de voir un épuisement de leurs actifs, soit des maisons et des terrains pris en garantie contre des prêts, au cas où ceux-ci se retrouvent dans des zones inondables. Le même ‘risk management’ auquel sont confrontés les épargnants qui, eux, se heurtent à de multiples tracasseries au moment d’obtenir un loan ou quand ils n’arrivent plus à s’en acquitter pour des raisons qui sont hors de leur contrôle. Ces épargnants sont aussi en droit de se demander pourquoi ils sont, eux, appelés à mettre la main à la poche, ne serait-ce que pour avoir une copie de leur ‘bank statement’ ou encore pour obtenir une nouvelle carte ATM en remplacement d’une carte défectueuse quand des milliards de roupies peuvent être rayées en un clin d’œil. Pourquoi est-ce toujours ceux qui sont les plus vulnérables qui doivent encourir les frais de ceux, au sommet de l’État et d’institutions clés, qui gaffent ?