Si le mal de mer de Franklin nous a fait rire un bon coup, le soutien affiché par le Premier ministre à son Attorney General et ministre de l’Agro-industrie, Maneesh Gobin, a été tout, sauf amusant. Il démontre que Pravind Jugnauth n’a rien appris de ses précédentes erreurs. N’avait-il pas affiché la même solidarité envers son colistier Yogida Sawmynaden avant que celui-ci ne soit finalement obligé de soumettre sa décision comme ministre du Commerce ? Ce qui est encore plus saugrenu, c’est l’ignorance qu’a feinte le chef du gouvernement concernant les allégations de pots-de-vin faites à l’ICAC contre Maneesh Gobin. Son radar est probablement en panne, comme les caméras Safe City. Ou peut-être que le pont est coupé entre le PMO et l’ICAC, dont le directeur Navin Beekarry avait fait volte-face dans l’affaire Medpoint pour sauver Pravind Jugnauth. Parce qu’il n’y a autrement aucune raison pour que le Premier ministre ne se renseigne sur des allégations faites contre un des membres de son cabinet ministériel.
Dans ce même registre, il nous faut applaudir la démarche du conseiller légal de la commission anti-corruption, Me. Lovendra Nulliah, d’avoir eu le courage de rapporter un de ses confrères, Rishi Hurdoyal, frère du ministre Vikram Hurdoyal, au Bar Council. Preuve qu’il y en a encore, au Réduit Triangle, des hommes intègres. Même si, aux yeux du public, l’ICAC « guet figir » pour agir, comme dans le cas de Roshi Bhadain qui s’est vu sous le coup d’un « mandat d’arrêt » pour une affaire datant de … 2015 ! Du cinéma sans payer pour détourner l’attention publique, non seulement des casseroles bruyantes que traine le gouvernement, mais aussi de Rishi Hurdoyal qui ne s’est pas gêné pour dire à Me. Nulliah que « nou dimoune sa. Guet ene coup ki to kapav fer. To pas pou perdi are nou » en se référant à un de ses clients, arrêtés dans l’affaire Franklin. Notre sang ne fait qu’un tour devant l’audace de ce frère de ministre. Qu’entend-il par « nou dimoune sa » ? Que c’est un proche du gouvernement ? Si oui, alors cela prouverait bien l’existence d’une mafia institutionnalisée qui a pris racine à l’Hôtel du gouvernement…
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Outre Pravind Jugnauth, s’il y en a un autre qui n’a rien appris de ses erreurs passées, c’est Roshi Bhadain. Le gouvernement ne lui fait aucun cadeau et ne rate aucune occasion de le persécuter. Mais lui, il préfère concentrer ses tirs sur l’opposition. Il maintient que celle-ci doit démissionner afin de provoquer des élections générales. Il oublie comment il avait perdu son siège face à Arvin Boolell lors de la partielle qu’il avait lui-même provoquée au no. 18 en décembre 2017. L’insistance inexplicable de Roshi Bhadain pour que l’opposition démissionne fait de lui le meilleur agent de Pravind Jugnauth et de son gouvernement en perte de vitesse. Son obstination lui fait perdre la raison. Et nous risquons de le payer très cher si nous lui faisons foi sur la question de démission de l’opposition, même s’il ne s’agit que de six membres. D’autant que la population doit encore, aujourd’hui, assumer les frais de son obstination dans l’affaire BAI et Betamax, pour ne citer que ceux-là, au temps où il baisait encore la main de Pravind Jugnauth. Qu’il revienne donc à la raison et qu’il mette de côté son acharnement maladif concernant la démission de l’opposition. Car une telle démarche, si par malheur elle se concrétise, laissera alors le champ libre au gouvernement pour régner en maître et instaurer la dictature. En d’autres mots, ce sera l’anarchie assurée.
L’opposition, de son côté, doit affiner sa stratégie. À force de trop traîner la patte, le peuple finira par perdre confiance en elle. L’absence de meeting pour le 1er mai envoie déjà un très mauvais signal. La décision de Navin Ramgoolam de ne pas se précipiter pour un accord électoral est compréhensible. Puisqu’il veut une alliance concrétisée sur une base solide, étant donné que le défi est immense. Sa priorité consiste à prévenir la fraude électorale et établir un programme bien ficelé avant toute autre chose. D’autant que ce sera sa seule chance de changer le destin du pays. Mais en même temps, le contexte actuel exige que l’opposition rallie la population derrière elle. Le pays passe par une profonde crise, que ce soit sur le plan sociétal, économique ou politique. Le gouvernement, déjà secoué par des scandales, doit aussi faire face à l’ultimatum que lui a lancé le ML pour qu’Ivan Collendavelloo récupère son poste de Deputy Prime Minister. Ainsi donc, l’opposition laisse filer sa chance de miser sur le ballotage défavorable du gouvernement. L’ironie, c’est que le MSM, malgré ses casseroles et son impopularité, prévoit, lui, de faire une démonstration de force, alors que cela aurait dû être le contraire. Il ne nous reste plus qu’à nous mettre en mode « wait and see ».