Résultats du SC : Des points d’interrogations subsistent

Avec la proclamation des résultats du SC ce 12 août, le critère de 5 ‘credits’ pour pouvoir monter en Grade 12 (HSC) provoque une grande appréhension chez les enseignants ainsi que chez les élèves. Et l’annulation d’un papier d’anglais pour cause de pluies torrentielles vient singulièrement compliquer les choses…

Environ 15 000 candidats avaient pris part aux examens du School Certificate pour l’année 2020/2021, dont 13 089 ont réussi. Les résultats affichent un taux de réussite de 85,67 %, ce qui est nettement supérieur par rapport au taux de réussite de l’année précédente, qui était de 70,93 %. Selon la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookhun Luchoomun, dans sa conférence de presse de  vendredi dernier, 13 août ceci démontre une amélioration de 15 %. Elle devait aussi confirmer que 5 ‘credits’ seront requis pour qu’un élève puisse monter en Grade 12.

On se rappellera aussi que l’exercice oral pour le papier d’anglais avait été annulé et que de nombreux élèves n’avaient pu prendre part à un autre papier d’anglais du School Certificate en mai dernier, suite au renvoi de ces examens vu les mauvaises conditions météorologiques et les restrictions anticovid dans le pays. Le ministère de l’Éducation et le Mauritius Examinations Syndicate (MES) avaient alors fait une demande pour que Cambridge ait une « special consideration » pour les élèves concernés.

La « special consideration »mal expliquée

Bien que le taux de réussite soit supérieur cette année-ci, le maintien des cinq ‘credits’ pour passer en HSC pose toujours problème pour de nombreux élèves. L’ancien ministre de l’Éducation, Dharam Gokhool, est d’avis que le critère des 5 ‘credits’ a été introduit par le ministère sans planification. Il faudrait dès lors se focaliser sur les améliorations qui doivent être apportées aux Grades 7, 8 et 9 pour que les élèves soient préparés à faire face aux épreuves du SC.

Revenant sur la « special consideration » de Cambridge, il devait dire que ce n’est pas clair en ce qui concerne les modalités de cette mesure. « Cela n’a pas été bien expliqué », fait remarquer Dharam Gokhool.Pour lui, cette « special consideration » reste un point d’interrogation pour de nombreux étudiants.

Des résultats somme toute « étonnants »

Pour sa part, Soondress Sawminaden, président de l’Association des recteurs des collèges d’État, nous dit d’emblée que le taux de réussite a provoqué chez lui un certain étonnement, voire un certain scepticisme, car il ne s’attendait pas à un taux de réussite de 85,67 %, soit 15 % de plus que l’année dernière. Car comme il devait faire ressortir, les élèves ont perdu beaucoup de temps et ont manqué plusieurs cours durant ces derniers temps.

Qu’arrivera-t-il à ceux qui n’ont pas eu les 5 ‘crédits’ ? Seront-ils rejetés par le système éducatif ?  Selon l’ancien recteur, les élèves qui ne pourront monter en Grade 12 pourront toujours refaire le SC ou bien ils pourront opter pour la filière technique, par exemple au lycée polytechnique, où ils pourront apprendre un métier pour pouvoir s’intégrer dans la société.

L’ancien ministre de l’Éducation, Vasant Bunwaree revient sur le fait que de nombreux élèves n’ont pu se rendre à l’école vu les aléas de la pandémie. Pour lui, les classes en ligne n’ont pas les mêmes résultats sur les élèves que les classes en mode présentiel, vu le manque d’interaction entre les élèves et les enseignants. « Mais malgré tout cela, les résultats ont été extraordinaires. Comment explique-t-on ce changement ? », s’interroge-t-il.

Comme ministre, il avait lui-même autrefois maintenu le critère des ‘3 crédits’, ceci pour donner aux élèves moins doués les mêmes opportunités d’avancement que ceux qui ont obtenu les 5 ‘crédits’. « Cette décision n’a pas été prise en un jour mais après consultations avec toutes les parties concernées, et après moult discussions », souligne Vasant Bunwaree.

Revenant sur la ‘special consideration’ de Cambridge, il se pose la question : comment a-t-on fait pour déterminer les résultats d’un élève en anglais, plus précisément le papier d’oral, alors que les examens pour ce papier avaient été annulés suite aux pluies torrentielles ? Selon lui, la direction de chaque école aurait pu tenir un examen d’oral à la reprise des classes pour déterminer la vraie capacité de l’enfant, au lieu de proclamer un résultat où les élèves et les enseignants ne savent même pas comment les points ont été calculés.

Quel est l’impact psychologique de ces résultats sur les élèves ?

L’impact psychologique des résultats sur les élèves fait polémique après le décès de deux collégiens, qui se sont donné la mort par pendaison vendredi 13 et le mardi 17 août après avoir pris connaissance de leurs résultats.

Nous avons sollicité l’avis de Krishna Seebaluck, psychologue clinicien, qui soutient que les résultats ont un impact psychologique non-négligeable sur les collégiens. Selon le psychologue, les élèves, surtout ceux qui savent leur capacité, placent grand espoir dans leurs résultats.

D’autre part, les parents ont aussi une grande responsabilité. Souvent des fois, nous avons des parents qui disent qu’ils ne sont pas satisfaits des résultats de leurs enfants. Cela a un impact direct sur l’esprit de l’enfant quand il ne peut apporter les notes que ses parents attendaient. Ainsi, ils se précipitent dans de mauvaises voies ou plus dramatiquement, choisissent de mettre fin à leur vie.

Il existe toujours une pression au sein des nombreuses familles sur l’enfant.  Ce dernier doit répondre aux attentes de ses parents dans ses études mais il n’arrive pas à le faire dans certains cas. Les étudiants font de leur mieux pour avoir de bons résultats mais tout le monde n’a pas le même niveau académique. Chaque élève absorbe ce qu’il apprend à sa façon, et il faudrait bien leur laisser une chance.  Pour résumer, chacun a son rythme de travail. Le fait de ne pas pouvoir se donner à fond ou de devenir le meilleur peut entrainer des effets néfastes sur l’étudiant.

« Il est grand temps d’encadrer les élèves et de leur expliquer que la vie ne s’arrête pas aux résultats », dit-il. Après chaque échec, il faut leur dire qu’il y a toujours un espoir, et qu’il ne faut pas baisser les bras mais qu’il faut continuer de persévérer jusqu’à que l’objectif soit atteint. Autrement dit, les parents doivent pouvoir aider les enfants pour atténuer l’impact des résultats sur eux.

Que réserve l’avenir pour les élèves qui n’ont pas eu les 5 ‘credits’ ?

L’ancien ministre de l’Éducation, Armoogum Parsuramen, pense que le critère des 5 ‘credits’ est bon dans le sens qu’il motive les enfants à faire mieux mais il pense aussi que ce n’est pas un critère équitable.

Il faut revoir cet aspect, selon lui. Pour lui, le ministère de l’Éducation n’agit pas dans l’intérêt des enfants. « Depuis quelques années, on est venu avec ce critère de 5 ‘credits’ et a mis un ‘full stop’ sur ce sujet », dénonce-t-il.

Selon lui, le critère de 5 ‘credits’ ne peut pas venir chambouler le développement des enfants, notamment en leur barrant l’accès en grade 12. Le ministère n’est pas en train d’assumer son rôle comme il le faut, en reléguant aux oubliettes les élèves qui ont échoué. « Le ministère doit aussi avoir une considération pour ceux qui ont échoué », lance-t-il. Si la ministre de l’Éducation veut maintenir le critère des 5 ‘credits’, elle aurait dû prévoir quoi faire pour les élèves qui n’ont pas eu les 5 ‘credits’.

Il suggère dans un premier temps que ceux qui ont 4 ‘credits’ aient la chance de monter en Grade 12 et avoir la possibilité de refaire les examens dans les matières où ils ont échoué, ce qui leur aurait évité de perdre toute une année et d’attendre qu’ils aient 5 ‘credits’ pour procéder en grade 12.

Il est revenu sur le cas de ce jeune garçon de 17 ans qui s’est donné la mort le vendredi 13 aout après avoir pris connaissance de ses résultats. Ce dernier avait entamé les examens du School Certificate pour la deuxième fois et avait décroché uniquement 3 ‘credits’. Mais avec le critère des 5 ‘credits’, les élèves se sentent frustrés quelque part car ils ne peuvent pas aller de l’avant avec uniquement 3 ou 4 ‘credits’.

Nous avons aussi eu l’avis de Rajen Narsinghen, ‘senior lecturer’ à l’Université de Maurice.

Pour lui, cette décision de la part du gouvernement est inacceptable. Il est grand temps que le gouvernement assume ses responsabilités. En cette période de pandémie, le ministère aurait pu épargner les élèves et les laisser monter en Grade 12.

Rajen Narsinghen  fait ressortir qu’un élève n’a pas besoin de 5 ‘credits’ pour avoir accès à l’université. Même avec 3 ou 4 ‘credits’, les élèves auront la possibilité d’entamer leurs études tertiaires. Le ‘senior lecturer’ avance que dans le passé, de nombreux élèves qui n’avaient pas décroché les 5 ‘credits’ avaient la possibilité de suivre des cours dans les différentes universités à travers l’ile.

D’autre part, il souligne que les conditions dans lesquelles ces élèves ont entamé les examens auraient dû être revues par le ministère de l’Éducation car la pandémie a grandement perturbé l’année scolaire des élèves. C’est une exigence tout à fait « bancale », selon Rajen Narsinghen. « Il faut donner la chance à ceux qui n’ont pas réussi à arriver jusqu’ici. »

Le ‘senior lecturer’  fait ressortir qu’il y a de nombreuses de personnes qui n’étaient pas de brillants élèves au collège mais qui aujourd’hui se retrouvent dans de bons postes de travail,  en étant cadres dans le secteur public ou privé, ou encore qui sont devenus enseignants ou médecins. « Pourquoi empêcher les élèves d’avoir accès en Grade 12 ? L’avenir des élèves ne s’arrête pas uniquement avec les résultats du  School Certificate. »

Si le gouvernement croit dans le concept des ‘equal opportunities’, il devrait pouvoir trouver une solution à ce problème. « C’est inacceptable sur le plan éthique et sur le plan de la moralité. C’est une forme de discrimination envers ses élèves. »

Ces derniers n’auront qu’un choix restreint pour l’avenir. Certes, ils pourront se pencher sur les formations polytechniques mais en ce moment ces métiers ne sont pas valorisés car avec l’arrivée de la pandémie, beaucoup de secteurs ont été chamboulés.

« Gouvernement pe kraz ban zeness. Il ne laisse aucune alternative à ceux qui n’ont pas eu les ‘5 credits’ », dénonce Rajen Narsinghen. Il est grand temps que le gouvernement réagisse avant qu’il ne soit trop tard.

PHOTO D’ILLUSTRATION

Colère et amertume

Nous avons recueilli les témoignages de certains élèves et de leurs parents, qui ne savent pas trop quoi faire.

Emilio, 17 ans, est un élève du collège BPS Fatimah a Goodlands.  Il  fait ressortir que ce n’est pas facile pour lui. Il compte arrêter ici ses études et chercher un emploi. Ce dernier n’a décroché qu’un seul ‘credit’ lors de son premier ‘sitting’ pour les examens du School Certificate.« Pour moi, personnellement, je ne trouve pas que ce système éducatif est fiable », lance le jeune garçon.

Même ses parents lui ont demandé d’abandonner ses études car ils ne pourront pas s’acquitter des frais pour ses prochains examens. Ils sont naturellement au courant du critère de 5 ‘credits’ du ministère de l’Éducation.

Zacharie, un autre élève de ce même établissement, nous explique qu’il va devoir refaire son SC. Lors de la proclamation des résultats, il avait reçu le code individuel de quatre chiffres, comme certains autres élèves, qui lui aurait permis de vérifier ses résultats en ligne.

Selon les responsables de l’établissement, certains codes n’étaient pas valides et ils n’arrivaient pas vérifier les résultats, d’où la raison qu’ils n’ont pas remis ces codes aux élèves pour qu’ils puissent vérifier leur résultat en ligne. « J’aurais voulu avoir le code pour être sûr  de mes résultats parce que je pense qu’il y a un problème quelque part. Des élèves qui avaient l’habitude de réussir à l’épreuve d’oral ont échoué, et ceux qui avaient l’habitude d’échouer ont réussi ! Comment expliquez-vous cela ? », lance le jeune garçon. Il ne sait vraiment pas quoi faire. Il se demande s’il va refaire le SC. Ce sera difficile après pour lui car même s’il refait ces examens, il n’aura pas accès en Grade 12 car il aura déjà dépassé l’âge limite.

D’autre part, Mellissa, une étudiante, dit son accablement face à la décision du ministère de l’Éducation. Elle trouve cela « inadmissible » qu’il faut impérativement cinq ‘credits’ pour pouvoir accéder en grade 12.

Elle souligne que les élèves ont subi beaucoup de contraintes car les examens avaient été tenus durant le confinement et ils ont dû se contenter des classes en ligne. « On aurait pu laisser les élèves monter en Grade 12 cette année-ci, vu qu’il y a plusieurs raisons pour lesquelles les élèves n’ont pu décrocher 5 ‘credits’» lance la jeune fille. « Ce n’est pas juste de la part du gouvernement. Il fallait donner cette chance à tout le monde. Le niveau de chaque élève n’est pas la même. Il faut impérativement revoir cette stratégie. Il est grand temps que la ministre ‘assizer ek reflechi’ et qu’elle prennent une bonne décision pour notre avenir», fait ressortir Mellissa.

Hors-texte

Par ailleurs, nous avons aussi voulu savoir si les collèges payants sont en train de recevoir des demandes d’inscription de la part des élèves qui n’ont pas décroché les 5 ‘credits’ mais qui souhaitent poursuivre leurs études en Grade 12.

Reza Sumtally, le directeur de l’OCEP, nous explique que selon le protocole établi par le gouvernement, ces élèves devront peut-être refaire le SC ou devront entamer ces examens comme des ‘private candidates’.