Une autre charge provisoire rayée contre lui… De quoi satisfaire l’avocat Akil Bissessur. Ce dernier nous explique pourquoi il est une cible du gouvernement et de la police, en particulier la ‘Special Striking Team’ (SST) sur laquelle il ne mâche pas ses mots…
Propos recueillis par Zahirah RADHA
Q : Une énième charge rayée en cour. Cela doit sans doute renforcer vos convictions d’avoir été victime d’un acharnement par rapport à vos prises de position, n’est-ce pas ?
Définitivement ! J’ai été arrêté tellement de fois que j’ai perdu le compte. D’ailleurs, au début de chacune de mes déclarations en ma défense dans le cas de ‘drug dealing’ planté contre moi, je précisais toujours que je suis une cible parce que je suis un « outspoken critic ». Nous, mes avocats et moi, avions même été contraints de loger une injonction en Cour pour empêcher Jagaï (ndlr : le patron de la SST) de venir m’arrêter une nouvelle fois sous une charge provisoire d’incitation à la haine raciale une semaine après ma remise en liberté provisoire dans cette affaire.
Imaginez à quel point on me persécute et cela dure maintenant depuis trois ans. J’ai tout raconté dans mon injonction étalée sur une trentaine de pages. Ce qui est encore plus révélateur, c’est que toutes ces charges provisoires ne sont jamais, au grand jamais, arrivées au stade de procès. C’est ce que la population doit bien comprendre. Cela veut dire que le bureau du DPP, et dans certains cas, la Cour reconnaissait qu’il n’y avait aucune raison de poursuivre l’affaire. C’est encore plus explicite que dans le cas d’une personne qui est acquittée sur un point de droit ou par manque d’évidences.
Dans le cas de « Breach of ICT Act » qui a été discontinuée en Cour jeudi, je n’avais commis aucune offense, puisque je n’avais que lancé un appel à témoins dans le cadre de mes fonctions d’avocat. La représentante du bureau du DPP, Me Yusra Nathire-Beebeejaun, a même avisé des poursuites pénales contre le constable Deoraj Callychurn. Ce qui en dit long.
Q : La police continue-t-elle d’abuser des charges provisoires pour nuire aux opposants du régime ?
Certainement. Elle utilise, comme armes, l’‘ICT Act’, la ‘Dangerous Drugs Act’, ‘Stirring Racial Hatred’… Si moi, en tant qu’homme de loi, j’ai dû me battre autant, à coup d’injonctions, pour me libérer de leur joug, qu’en sera-t-il pour des citoyens de ce pays qui n’ont aucune notion de la loi et qui ne sont pas épaulés par un panel d’avocats ? Harish Chundunsingh en a fait les frais récemment. Rama Valayden aussi. Il y en a eu tant d’autres. Jusqu’au point où le DPP a dû rappeler à la police qu’elle doit rechercher son avis avant de loger des charges fabriquées contre des personnes. Il ne pouvait être plus clair. Les enquêteurs savaient, selon moi, que ces charges provisoires ne tiendraient pas jusqu’au procès, mais ils ne le font rien que pour harceler les opposants du régime.
Ils ont fait exprès pour que je passe une nuit en cellule dans le cadre de cette affaire d’infraction à l’‘ICT Act’ alors que j’aurais pu être présenté en Cour et qu’une motion pour ma remise en liberté aurait pu être formulée le même jour. J’ai dû faire appel à 12 avocats, dont Shakeel Mohamed, Sanjeev Teeluckdharry et Rama Valayden, alors qu’il n’y avait même pas d’offense qui avait été commise. Shakeel Mohamed a même tapé du poing sur la table. C’était évident que les enquêteurs avaient un agenda précis. Maintenant, l’heure des comptes a sonné. Je vais poursuivre l’État et la police. C’est dommage que ce soit les contribuables qui vont devoir payer. Mais j’ai été arrêté injustement et on a voulu ternir ma réputation.
Q : Qui, en réalité, a voulu ternir votre réputation ? La police ?
C’est l’ordre venant de ‘Lakwizinn pou ferme labous dimoune’ d’une part et pour faire passer un message de l’autre : que celui qui osera élever la voix contre le pouvoir connaîtra le même sort ou pire.
Q : Et cette mission a-t-elle été confiée à la ‘Special Striking Team’ (SST), selon vous ?
Auparavant, c’était la ‘Cybercrime Unit’ qui était appelée à faire cette sale besogne. Elle faisait du « cyber patrol » et ciblait des opposants du régime sur les réseaux sociaux. Par contre, si vous critiquiez ou même injuriiez Akil Bissessur ouvertement, rien ne vous arrivait. Les nombreuses plaintes que moi j’ai déposées contre des agents du pouvoir n’ont jamais abouti. Pourtant, l’agent du MSM qui est derrière Sun Power News n’a même pas été inquiété quand il a posté des insanités contre l’ancien chef juge, le DPP et l’avocat Shakeel Mohamed.
Maintenant, c’est la SST qui a pris la relève. Personne ne sait en quoi consiste son travail. Ce département nouvellement créé ne figure pas dans les ‘Standing Orders’, alors que toutes les unités policières, que ce soit le CCID, l’ADSU, la SSU, ou encore le GIPM entre autres, le sont. Les officiers ne peuvent pas, en Cour, décliner leur identité en disant qu’ils sont postés au sein de cette unité. Son bureau n’est qu’un couloir.
Q : Elle est rentrée par l’imposte ?
Oui, c’est exactement cela ! En fait, ce sont des officiers de l’ADSU de Rose-Hill. Les mêmes policiers de la fameuse ‘Western Division’ de Jagai qui n’a jamais découvert Franklin jusqu’à ce que ce dernier ne soit évoqué par Rama Valayden.
D’ailleurs, l’enquêteur qui avait insulté ma religion en fouillant la statuette d’une divinité et qui avait planté de la drogue chez ma compagne alors que j’étais agressé par un autre officier a été vu, dans une vidéo, sur la scène d’un accident samedi dernier et où il a été entendu dire que « alle fer complainte IPCC. Nanrien pa pou arrive moi ». Il sait ce qu’il dit.
Q : Pourquoi ? Parce qu’il bénéficie d’une protection quelconque ?
Tout à fait.
Q : La SST va donc continuer à sévir ?
Il n’y a pas de doute. Cette unité fait le travail du gouvernement. Il n’y a même pas eu de transfert dans l’affaire Attock alors que c’était évident, sur la vidéo, qu’il s’agissait d’un cas de ‘planting’. Ou, gayn la drogue kot ou, ou fermé. Mais quand kiken plante la drogue kot ou, li gagne promotion. Je dois préciser que je n’ai jamais vu Jagai ou ses hommes présents en Cour, malgré sa déclaration sur une radio qu’il allait répondre en Cour. J’attends toujours de savoir qui est cette femme qui est la supérieure hiérarchique de Jagai et à qui il disait, lors d’une conversation téléphonique, « oui madame » lorsqu’il s’était arrêté à l’Avenue Hillcrest le soir de mon arrestation par la SST et dont les images, je suis sûr, peuvent être retracées par les caméras CCTV. Ki sa madame la sa ?