L’éducation et la culture. Ce sont deux dossiers qui lui tiennent particulièrement à cœur. De Kerala, où il assiste à une conférence de la C20, Armoogum Parsuramen a partagé avec nous ses sentiments sur l’échange de terrain alloué pour la construction du centre culturel tamoul et l’échec de l’Extended Programme, lors d’un bref entretien téléphonique.
Propos recueillis par Zahirah RADHA
Q : On vous dit très remonté contre la décision gouvernementale d’échanger le terrain accordé initialement pour la construction du centre culturel tamoul. Qu’est-ce qui explique votre colère ?
C’est une décision incompréhensible. Je tiens à rappeler que le MSM était en alliance avec le MMM quand les différents centres culturels avaient été créés. Le but était de consolider l’unité nationale, en ligne avec ce que préconise aussi l’UNESCO qui met beaucoup d’accent sur la diversité. Nous avons toujours travaillé pour l’épanouissement de la diversité mauricienne et je suis indigné de voir ce qui se passe actuellement.
Q : Pensez-vous qu’il y a eu une atteinte à l’épanouissement de la diversité mauricienne ?
Oui, absolument. Cela va à l’encontre de ce qui avait été décidé initialement et dont le MSM était partie prenante. Le fils reprend ce que son père a donné, ensemble avec Paul Bérenger. SAJ avait, à l’époque, soutenu qu’il donnait ces terrains aux centres culturels en signe de reconnaissance pour la contribution de nos ancêtres à Maurice. L’‘Indo Mauritian Catholic Association’ (IMCA) en a d’ailleurs fait mention dans une lettre qu’elle a adressée au ministère du Logement en date du 10 mai 2023.
Cette région a une signification importante puisqu’elle est liée à la culture des travailleurs engagés. Le Triangle de Réduit est particulièrement appropriée pour la culture et l’éducation, d’autant que le MGI se trouve à proximité. Il aurait fleuri en un joli jardin avec des fleurs diversifiées, avec les différents centres culturels se trouvant côte à côte.
Q : L’absence d’aide financière pour aider à la construction de ces centres est décriée. Mais une levée de fonds à leur niveau n’était-elle pas possible ?
Non. C’est justement cela le problème. La communauté tamoule, par exemple, a beaucoup investi dans des temples ces derniers temps. Croyez-vous qu’elle n’aurait pas pu aider à la construction d’un centre culturel ? Là où le bât blesse, c’est que les centres culturels sont dirigés chacun par un board qui tombe sous l’égide du ministère des Arts et du Patrimoine culturel. Donc, tout est bloqué, sans l’aval du ministère. Le board n’est pas habilité à faire de levée de fonds. D’où trouvera-t-il donc les fonds nécessaires si le gouvernement ne lui donne pas de contribution financière ? J’ai pu d’ailleurs comprendre que le MTCCT avait pu réunir une somme de Rs 3 millions pour démarrer la construction du centre tamoul, mais l’Audit y avait mis son veto, en s’opposant à la création d’un compte bancaire séparé. Le MTCCT avait alors été appelé à utiliser ces Rs 3 millions pour ses dépenses courantes pour l’année financière qui était en cours au lieu d’obtenir un budget annuel.
Q : Est-ce donc le gouvernement qui les a indirectement poussé dans cette situation ?
Tout à fait. Cela va dans la logique des choses, puisque ces centres culturels sont sous le contrôle du gouvernement. Le cas d’IMCA est différent, étant donné qu’elle n’est pas un centre culturel. Elle a adressé trois lettres au ministère du Logement les 15 avril 2019, 25 juin 2020 et 18 octobre 2020, mais elles sont toutes restées sans réponses. Le gouvernement ine blok zot parski zot ena l’idée pou servi sa la terre pou lot zafer. C’est totalement inacceptable, d’autant que le bail n’arrive pas à expiration avant 2030.
Le ministre Obeegadoo est même allé jusqu’à donner un délai ridicule de 48h pour démarrer la construction. Et quand, durant ces 48h, on a pris l’initiative de défricher le terrain, la police y a débarqué et a arrêté un des nôtres. Le gouvernement agit d’une façon aberrante. Ironiquement, la compagnie Terra a, elle, accordé un bail de 99 ans à une société tamoule à Belle-Vue Harel, là où Anjalay Coopen avait été tuée à coup de balle, pour qu’elle puisse y faire ses activités religieuses et culturelles. Pour vous dire à quel point le gouvernement est dépassé. Nou pire ki lepok longtemps !
Q : Quand vous voyez ce qui se passe avec les centres culturels, et de l’autre, avec l’octroi des chasses, comme celle à proximité de Grand-Bassin, par exemple, quel sentiment éprouvez-vous ?
C’est extrêmement regrettable ce qui se passe dans ce pays. Le Premier ministre n’a pipé mot sur le ranch à Grand-Bassin et sur l’affaire Franklin jusqu’ici. Par contre, dans le cas des centres culturels, il a personnellement convoqué les présidents en compagnie de quelques-uns de leurs membres pour les mettre devant un fait accompli. Je tiens à souligner que, contrairement à ce qu’a dit le ministre Obeegadoo au Parlement, trois membres du MTCCT, présents à une réunion samedi dernier, ont nié le fait que le board a donné son consentement à cet échange de terrain.
Q : Vous insinuez que le DPM Steve Obeegadoo a mislead le Parlement et la population ?
Ces trois membres ont clairement dit que le board n’a pas donné son aval, cela en la présence du président. Ce dernier n’avait pas pris la parole, mais il n’a pas nié ce que les trois membres ont dit. Je présume donc que c’est le ministre en question qui a fait fausse route au Parlement.
Q : En parlant du Parlement, comment qualifiez-vous le comportement du Premier ministre qui a attaqué la vie privée de Navin Ramgoolam, mardi ?
C’est totalement indigne d’un Premier ministre ! Je ne sais pas s’il réalise qu’il a, lui aussi, une famille. Il a clairement dérapé. Zot ine fini détruire sa Parlement la. On ne peut plus l’appeler Temple de la démocratie puisqu’il a été réduit à une farce. C’est une honte pour notre pays, d’autant que les diplomates nous regardent tous les mardis. Je ne pense pas qu’on ait atteint ce niveau même dans les pires démocraties du monde. Le Premier ministre ferait mieux de s’occuper des dossiers plus urgents, dont l’affaire Franklin sur lequel il n’a pipé mot.
Q : Le Speaker aurait-il dû autoriser cette question, selon vous ?
Il ne l’aurait certainement pas autorisé si c’était un député de l’Opposition qui l’avait posé. Mais puisqu’il s’agit du Premier ministre, il l’a toléré. Ce dernier ne s’est pas contenté de dire des faits, il a même donné ses propres interprétations, comme s’il était un spécialiste dans le domaine. Il est clair, pour moi, que le Speaker était complice dans cette sale besogne. Je n’ai aucun respect pour ce Speaker. Il fait honte à notre pays.
Q : Avez-vous été choqué par le taux d’échec en ce qu’il s’agit de l’‘Extended Programme’ ?
Comment ne pas l’être ? Ce qui est dommage, c’est que la ministre n’accepte même pas qu’elle a fait une erreur. Ce ne sont pas ces enfants qui ont échoué. It’s us who have failed them. Malheureusement, la ministre n’écoute pas. Elle a pondu une réforme en s’asseyant au bureau avec ses officiers. Or, un ministre de l’Éducation doit être guidé par des principes fondamentaux. Elle aurait dû consulter les diverses parties prenantes et en prenant l’exemple sur d’autres systèmes étrangers qui ont fait leur preuve.
N’est-ce pas pour cela que nous travaillons de concert avec l’UNESCO et la Banque mondiale ? Celle-ci avait déjà prévu qu’il y aurait une catastrophe. Elle est en train d’assassiner l’avenir de nos enfants. Ils seront considérés comme des rejets de la société. Cela engendrera un énorme problème pour la société, surtout avec le fléau de la drogue qui sévit partout.
Q : N’y a-t-il rien qui va bien dans le pays ?
Le Premier ministre est peut-être entouré de personnes qui lui font croire qu’il y a un ‘feel good factor’ dans le pays. Moi, je rencontre quotidiennement des gens qui sont extrêmement bouleversés par tout ce qui se passe. Nous avons un gouvernement arrogant qui n’écoute pas les critiques. Avec cette attitude, il ne pourra pas mener le pays à bon port.