Capricieux, pas ‘statesman’

Pravind Jugnauth ne se défait toujours pas de sa vilaine manie de s’en prendre aux médias, hormis la MBC et les sites de propagande gouvernementale. Hier, il en a rajouté une couche. « Faussetés », « bêtises », les qualificatifs n’ont pas manqué. À croire que la presse, ou du moins « certains médias » comme il le précise, inventent tout ce qui se passe dans ce pays. Y compris l’affaire Kistnen. D’où les « faussetés » publiées et répercutées concernant une enquête parallèle qu’il est tenu responsable d’avoir mené sur son ministre Yogida Sawmynaden en décembre dernier. Mais ce n’est que huit mois plus tard qu’il choisit de mettre le point sur le « i ». À un moment où, étrangement, les inepties de l’enquête initiale de la police font surface et que l’étau semble se resserrer autour de son colistier. Passons.

Mais quand c’est la presse étrangère que Pravind Jugnauth cible, c’est encore plus répréhensible. Après sa réplique « so what » suivant un reportage de la BBC sur la mauvaise gestion du naufrage du MV Wakashio, cette fois-ci c’est sur Al-Jazeera qu’il a déversé sa bile. Parce que cette chaîne internationale très respectée aurait omis d’inclure la version des faits du gouvernement mauricien dans le dossier qu’elle a consacré à Agaléga. C’est impensable que le Premier ministre ne réalise pas le tort qu’il inflige à sa propre image sur le plan international en se comportant d’une telle façon, d’autant qu’il compte parmi sa horde de conseillers d’anciens journalistes et de rédacteurs-en-chef.

Encore plus déshonorant que sa sortie contre Al-Jazeera, c’est la bourde diplomatique qu’il a commise en répliquant au président seychellois Wavel Ramkalawan. Certes, les ‘spin doctors’ de l’hôtel du gouvernement ont tenté de faire un exercice de « damage control », mais la balle était déjà partie et a vite fait d’être repérée et partagée sur les réseaux sociaux. Ce qui révèle, si ce n’est pas déjà fait, Pravind Jugnauth, aux yeux ébahis du monde diplomatique, sous une autre couture : celle d’un politicien capricieux et rancunier au lieu d’un véritable « statesman » qui sait mettre de côté ses sentiments au profit des intérêts supérieurs du pays. À l’opposé, le président seychellois projette l’image de l’humilité et de la diplomatie, surtout après ses explications à la MBC où il s’excuse presque afin ne pas froisser le gouvernement mauricien. Le chef du gouvernement gagnerait à en tirer des leçons.

Nando Bodha, ancien secrétaire du MSM, a raison quand il dit que Pravind Jugnauth manque de leadership. Il faudra au Premier ministre encore des années avant qu’il n’atteigne la maturité politique nécessaire pour faire de lui un homme d’État. D’ici là, prions pour qu’il ne nous ridiculise pas davantage tant qu’il est à la tête du gouvernement. L’image du pays a déjà laissé des plumes pour diverses raisons que l’on sait. L’heure est maintenant à la reconstruction. La confrontation tous azimuts des opposants ou de ceux qui critiquent le comportement et la politique gouvernementaux ne nous mènera nulle part. Un peu de sagesse ne fera pas de mal à Pravind Jugnauth.