Ce système d’assistance sociale mérite-t-il réforme?

L’État-providence

L’État-providence, ou le Welfare State comme dit l’Anglais, est avant tout synonyme de protection sociale, surtout pour les démunis de la société qui, sans ce filet, auraient eu du mal à jouir d’une bonne qualité de vie. Les importantes dotations étatiques dans la santé, l’éducation, le logement et les pensions visent ainsi à assurer le bien-être de la population dans son ensemble. Les citoyens ayant atteint l’âge de la retraite, les victimes des aléas de la vie dont les familles à faibles revenus et les veuves ou ceux qui souffrent d’handicaps, reçoivent une aide mensuelle puisée des fonds publics avec le même souci de soulager et d’offrir un niveau de vie décent. Est-ce que ceux qui sont au bas de l’échelle doivent-ils être les seuls bénéficiaires de l’État-providence à une époque où ces facilités sont remises en cause dans certains pays ?

Dans le Budget 2015-2016, Rs 9,7 milliards ont été allouées au ministère de la Santé dans le but d’assurer le fonctionnement de ce pilier du Welfare State tout en réalisant de nouveaux projets, à savoir la construction d’un Centre de cancer, celle d’un State-of-the-art ENT Hospital, l’implémentation du projet e-health, l’amélioration des services offerts dans des cliniques et dans des centres de santé régionaux.De plus, provision avait été faite pour le recrutement de 100 médecins permanents et des spécialistes sur une base temporaire afin de réduire les longues listes d’attente. Au total, 1 400 membres du personnel médical et paramédical ont été embauchés comme nurses, techniciens de pharmacie et assistants de soins de santé.

Le ministère de l’Éducation a reçu une enveloppe de Rs 14,7 milliards. Cette somme colossale, outre de faire fonctionner cet organisme gouvernemental, a été utilisée pour apporter des améliorations au niveau du  préprimaire, du primaire, du secondaire et du tertiaire, sans oublier la préparation de l’entrée en vigueur du nouveau concept scolaire dit le Nine-Year Schooling. Avec des investissements pour assurer des cours de formation professionnelle modernes et un nouveau projet de loi pour un meilleur cadre légal concernant les études tertiaires dans le but d’élever le niveau d’éducation pour atteindre la norme internationale, le gouvernement veut introduire un système financier plus transparent et efficace basé sur la performance des établissements universitaires payants.

Du côté de la sécurité sociale, l’État a fait voter un budget de Rs 27,5 milliards pour la période janvier 2015-juin 2016, afin d’améliorer la qualité de vie des personnes dans le besoin. Plus de 240 000 personnes sont concernées par les différentes allocations du ministère qui s’occupe également de la solidarité nationale.

 

Mosadeq Sahebdin : « Rien n’est gratuit »

Selon Mosadeq Sahebdin, président de Consumer Advocacy Platform, l’État-providence est un choix par rapport à la politique du gouvernement, qui permet à des milliers de pauvres d’avoir accès à des soins de santé, l’éducation gratuite et à des pensions de vieillesse, de veuve entre autres. Ayant fait carrière dans l’éducation, il se dit convaincu que l’éducation gratuite a permis d’améliorer la qualité de vie de plusieurs milliers de personnes. Selon lui, l’État-providence semble être une réussite.

Il affirme que les gens ont une mauvaise conception de la gratuité. Ils pensent que seul le gouvernement soutient l’État-providence. Or, ce dernier bénéficie du soutien de milliers de contribuables qui acceptent de jouer le jeu. « Tous les consommateurs payent, que ce soit pour la gratuité de l’éducation ou celle des services de santé. Nous payons tous la TVA, sur tous les produits que nous consommons et même sur des produits alimentaires. Maintenir ou pas l’État-providence dépend de l’orientation politique du gouvernement », déclare-t-il.

En ce qui concerne les abus au niveau de l’État-providence, il soutient que c’est le cas pour tout ce qui est ‘gratuit’. Il y a des gaspillages à déplorer dans plusieurs endroits.  Certains patients ne réalisent pas  que ce sont eux-mêmes qui payent pour leurs médicaments à l’hôpital.  Par ailleurs, ce sont les contribuables qui payent pour le gaspillage des médicaments périmés dans les entrepôts.

Des améliorations à apporter dans le secteur de la santé
Mosadeq Sahebdin déplore un manque de personnel soignant à tous les niveaux. Ainsi, il suggère que l’État apporte des améliorations dans ce secteur.  La décision du ministère de la Santé d’imposer des taxes indirectes sur les médicaments, par le biais de frais d’enregistrement, entraînera, selon lui, une flambée des prix des médicaments, ce qui rendra ainsi de nombreux produits pharmaceutiques inaccessibles aux pauvres. Il est donc inacceptable que ceux au bas de l’échelle, qui souffrent déjà, doivent remplir les caisses de l’État. Il se demande enfin : « Peut-on encore parler de l’État-providence ?

 

Rashid Imrith : « La consolidation de l’État-providence améliore la qualité de vie des Mauriciens »

Le président de l’All Employees Confederation (AEC), Rashid Imrith, également président  la Fédération des Syndicats du Secteur public (FPSOU), déclare que le gouvernement doit continuer à investir dans trois secteurs importants : l’éducation, la santé et la sécurité sociale. « La consolidation de l’État-providence améliore la qualité de vie des Mauriciens », dit-il.

Un « Strategic Thinking » est nécessaire

Il laisse entendre que le gouvernement doit prendre sous sa responsabilité les nécessités de base telles la fourniture d’eau et l’électricité. Le syndicaliste a fait comprendre que le gouvernement ne doit pas prôner une politique de privatisation, qui selon lui pénalisera les Mauriciens. Il a, dans la même foulée, situé l’importance du travail décent. Selon lui, le salaire minimal doit tourner autour de Rs 24 000 mensuellement.

Pour consolider l’État-providence, le gouvernement doit continuer à conjuguer des efforts. « Les autorités concernées doivent redéfinir le chiffre qui permettra d’adopter une politique d’équité. Au cours de ces dernières années, la classe moyenne continue de s’appauvrir et se retrouve même au bas de l’échelle. Il est d’avis que, ceux faisant partie de la classe moyenne également doivent bénéficier de l’aide financière, ce qui leur permettrait de joindre les deux bouts », dit-il.
Suttyhudeo Tengur : « La consolidation de l’État-providence est ancrée dans les mœurs mauriciennes »

Le président de l’Association for the Protection of the Environment and Consumers (APEC), également président de la Government Hindi Teachers’ Union (GHTU), Suttyhudeo Tengur, soutient que la consolidation de l’État-providence est ancrée dans les mœurs mauriciennes. « Il faut préserver ce concept en introduisant d’autres mesures fiscales », soutient-il.

Le syndicaliste s’est prononcé en faveur  du maintien de l’éducation gratuite et a ajouté que le gouvernement doit investir davantage dans le domaine de la recherche. Mettant l’accent sur le Nine-Year Schooling, il a demandé au gouvernement d’augmenter des bourses en se basant sur des critères sociaux. Une mesure qui devrait aider à combattre la pauvreté dans le pays.

L’État investit des sommes astronomiques dans le domaine de la santé. Ainsi, il faut bien canaliser les dépenses. Suttyhudeo Tengur affirme que les autorités concernées doivent mettre en place plus d’hôpitaux spécialisés et des centres de recherche pour pouvoir combattre des maladies comme le cancer  et le diabète.

Le président de l’APEC espère que le gouvernement va déployer plus d’efforts pour permettre aux personnes âgées et autrement capables de continuer à bénéficier des prestations sociales. Le gouvernement doit analyser les cas de ceux ayant des difficultés financières afin de pouvoir leur venir en aide.