Défis économiques : Et si l’Alliance Nationale est sur la bonne voie ?

Avec le niveau de l’endettement national, qui se situerait à 70 % du Produit intérieur brut (PIB), il est plus que temps de considérer de diminuer les dépenses inutiles et autres gaspillages au sein du gouvernement. Parmi, on retrouve les salaires exorbitants de nos élus, qui coûte d’ailleurs une fortune à la caisse gouvernementale. Une mesure, parmi les 21 annoncées par l’Alliance Nationale, a eu un impact fort auprès de la population : la réduction des salaires des ministres et des députés par 20 % au minimum. Nous faisons le tour la question avec Manisha Dookhony, économiste, et Jack Bizlall, syndicaliste, sur l’impact de cette mesure, et les autres mesures qui doivent être implementées.

À ce jour, un député de l’Assemblée nationale touche une rémuneration mensuelle de presque Rs 200 000. Un Private Parliamentary Secretary (PPS) touche Rs 250 000 et un ministre, la coquette somme de Rs 350 000. Ces chiffres comprennent les autres bénéfices que nos élus perçoivent.

Avec la réduction des salaires par 20%, c’est Rs 40 000 en moins que chaque député verra sur leur fiche de paie. Un simple calcul permet d’entrevoir des économies substantielles. Pour 35 députés, c’est Rs 1,4 millions qui resteront dans la caisse de l’État chaque mois, alors que pour 10 PPS, le gouvernement économisera Rs 500 000 mensuellement. Vient ensuite les 25 ministres, avec qui le gouvernement verra une économie de Rs 1,8 millions.

Ainsi, avec l’entrée en vigueur de la diminution des salaires des parlementaires, il y aura une économie totale s’élèvant à la hauteur d’environ Rs 4 millions par mois. De ce fait, si on aligne ces économies sur un an, cela dépassera déjà la barre de Rs 50 millions, qui resteront dans la caisse du gouvernement.

L’étalant sur un mandat de 5 années, c’est plus de Rs 250 millions que l’île Maurice économisera. Et cela, en raison d’une seule mesure : celle de la réduction par 20 % des salaires des politiciens.

Quel impact sur l’économie ?

L’économiste Manisha Dookhony est d’avis que réduire le salaire des ministres est d’avantage un geste symbolique au lieu d’une différence économique significative. Les salaires des ministres sont généralement maintenus à un niveau élevé afin de maintenir un certain niveau de corrélation entre les salaires des dirigeants politiques et ceux des dirigeants économiques. « C’est aussi un moyen de garder nos dirigeants politiques (et dirigeants) honnêtes ! », souligne-t-elle.

Quant au syndicaliste et observateur politique Jack Bizlall, il pense que si nous avons accès aux dépenses totales relatives aux ministres et députés, incluant salaires, pensions, visites à l’étranger, les ‘per diems’ etc., nous pourrons conclure que nous traitons nos politiciens comme des professionnels. « Or, nous ne vivons pas dans une technocratie. La situation actuelle fait qu’être impliqué dans la politique, jusqu’à devenir parlementaire et ministre, vise à avoir un travail lucratif », analyse-t-il.

Les parlementaires et les ministres devraient gagner des indemnités et non des salaires, maintient-il. « Ce n’est pas une question de réduction de salaire. Le mot ‘salaire’ a une signification juridique et des implications. Par exemple, un négociateur de syndicat ne gagne pas un salaire mais une allocation, qui peut être enlevé à tout moment. Il devrait en aller de même pour le parlementaire et plus encore pour un ministre. Ce n’est pas une question d’économie mais de démocratie », explique-t-il.

Jack Bizlall nous répond que la question est de savoir comment cela peut-il profiter à l’économie ? « Une diminution réduira nos dépenses démocratiques et augmentera notre engagement démocratique. Nous n’avons pas besoin d’adopter une ploutocratie (un gouvernement par des riches), ni laisser les plantocrates se parteger notre terre à travers les ‘Smart Cities’ », explique-t-il. « Or, nos parlementaires gèrent les affaires de la bureaucratie économique et des magnats de l’économie. Ils ne sont que des comparses politiques. Cela nous coûte une somme énorme qui est prélevée sur les salaires des ouvriers et dans les poches des consommateurs et sur les terres des gens pour remplir les poches de quelques personnes privilégiées. Nous connaissons leurs noms…. »

 

Les autres mesures pour améliorer l’économie du pays

Manisha Dookhony pense qu’il y a de vrais problèmes économiques à résoudre. Elle nous livre ci-dessous son analyse :

 

 

 

 

(photo D'illustration)
(photo D’illustration)

Chômage Le taux de chômage des jeunes est de 25 %, soit environ 18 200 jeunes de moins de 25 ans, qui ne peuvent pas trouver de travail. « Ouvrir des opportunités aux jeunes devra être une priorité majeure pour tout gouvernement », explique-t-elle. Toutefois, cela ne devrait pas être sous la forme de création d’avantage d’emplois gouvernementaux. « Au lieu de cela, il faut stimuler la création d’emplois, et trouver des solutions à ce problème nécessitera beaucoup de collaboration entre le secteur publique et privé », maintient-elle.

Création de nouveaux pôles de croissance Il convient donc de trouver de nouveaux pôles de croissance, selon l’économiste. La croissance économique doit être en phase avec la création d’une production à forte valeur ajoutée dans les secteurs de l’agriculture et de la fabrication, tels que l’industrie de précision. Il faudra sans aucun doute mettre l’accent sur les PME à haute valeur ajoutée. Nous devrons accélérer les initiatives pour la mise en œuvre de nouveaux pôles de croissance, y compris les projets d’économie bleue. Dans tous les cas, tous les pôles de croissance devront promouvoir et attirer l’innovation. L’accent devra également être mis sur l’expansion des initiatives mauriciennes en Afrique, en incitant davantage les entreprises à étendre leur empreinte sur le continent africain.

Miser sur l’écologie Aussi nous devrons également développer des pôles de croissance économique circulaire pour résoudre les problèmes écologiques du pays. Nos agences du secteur privé ont déjà lancé un projet de traitement des déchets électroniques et mettent beaucoup d’accent sur le développement commercial du recyclage des déchets.

Pour une meilleure ‘silver economy’ L’économiste est d’avis qu’au fur et à mesure que notre population vieillit, plus de 14 % de la population aura plus de 60 ans. Nous devrons chercher des moyens de développer la ‘silver économy’, ou l’économie des seniors, c’est-à-dire les activités liées aux personnes âgées), notamment en fournissant des services de santé plus adaptés.

L’économie parallèle Pour finir, elle pense qu’il est nécessaire d’examiner les problèmes de l’économie dite souterraine. D’après les estimations du Fonds monétaire inetrnational (FMI), avant la grande crise de la drogue, 20% de notre économie n’étaient pas déclarés. Avec la proportion que prend le trafic de drogue, il est probable que le côté obscur de l’économie dépasse les 20%. Toute politique économique devra également intégrer l’analyse et la trajectoire de cette économie parallèle.

 

Jack Bizlall : « Redéfinir le rôle du secteur quaternaire » 

Pour sa part, Jack Bizlall dit qu’il est clair que l’économie ne peut être placée en dehors de l’aspect social. « Dans sa forme actuelle, elle est dissocié de nos besoins, désirs ou exigences culturels universels », analyse-t-il.

Il prône une nouvelle approche, qui dirige les ressources de la production non sociale de biens et de services vers une version révisée de l’économie réelle. Cela nécessite une remise en cause majeure. « Nous devrions redéfinir le rôle du secteur quaternaire (l’économie sociale) et de l’économie de proximité », pense-t-il qui est en contradiction  avec celui que nous avons actuellement, copies carbone du Rapport 2014 du National Productivity and Competitiveness Council (NPCC), un rapport accessible sur Internet, que selon lui, tout le monde devrait lire.

Nous devons absolument revenir à l’économie réelle, maintient-il, et cesser de vendre notre main-d’œuvre à moindre coût, percevoir des taxes sur les conversions de terres, etc. mais investir lourdement dans la protection de nos terres et de ses pôles écologiques, dans des infrastructures vertes, et dans une écologie publique et saine. « Nous détruisons actuellement tout à travers le ‘Integrated Resort Scheme’ (IRS), le ‘Real Estate Scheme’, et le ‘Property Development Scheme’, une destruction motivée par les investissements étrangers. Combinons les micro et macro-économies, qui ont un impact réciproque et qui ne doivent pas être dissociées, comme elles le sont aujourd’hui. Mettons fin au surendettement des ménages, qui est en train de créer une ‘bulle d’endettement’ et une bulle spéculative», lance-t-il.

Le syndicaliste est d’avis que cette orientation nécessite la gestion des salaires, et l’application d’économies d’échelle permettant l’exportation. Pour finir, il plaide pour l’application de nombreuses mesures comme proposées dans le livre « L’économie au centre du social », comme alternatives à la finance et à l’investissment spéculatifs.