Divide and rule

« Jamais mo pane perdi ene case dan mo la vie », s’est vanté Pravind Jugnauth à Triolet, vendredi. Mais devant le tribunal de l’opinion publique, il a déjà essuyé un échec lamentable. Outre d’être un incompétent, il est aussi un divisionniste patenté au lieu du rassembleur qu’il devait être de par les fonctions qu’il occupe. Le jeu infect puant le communalisme auquel se livre le Premier ministre depuis un certain temps n’est pas anodin. Il vise un objectif précis : obtenir la fidélité d’une audience sélecte composée toujours des membres d’associations socioculturelles, des partisans des régions rurales à forte densité hindoue ou d’une façon plus générale, ce qu’on appelle communément le ‘hindu belt’. Car pour le maintenir au pouvoir, il doit miser sur le vote communal, outre le ‘money politics’ et les ‘dirty tricks’. Sa campagne communale grotesque et écœurante, Pravind Jugnauth la cache à peine. Au risque de créer des tensions sociales dans le pays.

Ce n’est pas un hasard que Pravind Jugnauth accuse systématiquement l’opposition de « India bashing ». Ce n’est pas par ignorance non plus qu’il a qualifié Nawaz et Al-Khizr de « saheb » alors qu’il se trouvait à Triolet. Qui n’a pas compris le sens de ses insinuations ? Et qui n’a pas trouvé clair dans ses intentions quand il a soutenu que « nou bizin assize are zot et fer zot respecté nou » en parlant du dicton kreol publié sur les réseaux sociaux par Joanna Bérenger ? C’est ce genre de réaction tribale qui incite l’émergence des groupuscules extrémistes. Mais heureusement que la population y voit maintenant plus clair, en se montrant intolérante envers certaines dérives. En atteste la rossée subie par un gros bras auto-proclamé à Grand-Bassin dimanche dernier à une heure où il était censé être chez lui, conformément à une décision de la cour. Mais le Premier ministre donne l’impression d’être passé à côté de ce message clair et net envoyé par des citoyens bien-pensants. Car son seul salut réside dans la stratégie « divide and rule ».

La façon dont Ameenah Gurib-Fakim avait été traitée par le gouvernement donne également lieu à diverses interrogations. Qu’elle ait fauté – ou pas – dans l’affaire Platinum Card n’aurait pas dû servir de prétexte au top-chef Ken Arian pour la viser ainsi. Quel était l’objectif de cette lettre ? Pourquoi le Premier ministre ne s’est-il pas fié strictement aux faits et aux preuves dans cette affaire pour décider de son sort au lieu de s’attarder sur une vulgaire lettre anonyme concoctée par Lakwizinn du PMO ? Les raisons sont toujours floues, voire obscures. Loin de dédouaner l’ex-Présidente de la République, nous ne pouvons cependant pas nous empêcher de faire un parallèle entre la promptitude avec laquelle Pravind Jugnauth avait agi pour la contraindre à débarrasser le plancher après qu’elle ait servie de « formule gagnante » pour les élections de 2014, et la situation actuelle où des ministres empêtrés dans des scandales sont maintenus impunément au sein du Conseil des ministres. Ce qui nous fait croire qu’il y a bien plus de ce qu’on veuille bien nous faire croire.

Les magouilles du gouvernement, nous le savons toutefois, n’ont pas de limite. Nous ne pouvons donc plus qu’attendre la prochaine alerte cyclonique, à défaut du véritable tsunami politique qui balaiera le gouvernement de Pravind Jugnauth.