Rien que pour ces deux dernières années, Maurice a dégringolé de huit places dans le classement de la liberté de la presse par Reporters Sans Frontières (RSF). De la 56ème place en 2020, le pays s’est retrouvé à la 61ème place l’année dernière pour enfin passer au 64ème rang cette semaine. Une dégringolade qui ne surprend guère. Tout comme nous n’avons pas été étonnés quand Maurice avait été classé, pour la deuxième année consécutive, parmi les pays qui progressent dans la voie de l’autocratie par l’institut académique V-Dem, dont la rigueur et le professionnalisme sont connus de tous. En fait, cette dégringolade dans le classement de RSF, nous l’anticipions même, au vu des innombrables dérives commises par les dirigeants actuels contre certains médias jugés trop encombrants et incommodants depuis 2014, époque où le MSM promettait une ‘Freedom of Information Act’.
Lois conçues pour museler les sites d’information en ligne et les radios privées à travers l’ICT Act et l’IBA Act ; arrestations arbitraires des journalistes qui dénoncent des maldonnes ; boycott publicitaire de certains titres de presse ; accès refusé à certains médias aux fonctions et conférences de presse du gouvernement ; menaces, intimidations et insultes du genre « femel lisien » contre les professionnels du métier ; suspension, à la MBC, d’une journaliste d’expérience pour avoir refusé de se prêter au jeu d’un député zélé à l’excès ; l’interrogatoire avorté à la dernière minute d’une animatrice de Radio One dans l’affaire Manhattan Gate ; nous en avons beaucoup vu ces derniers temps. Ce qui explique notre prescience, qui n’a rien à voir avec l’antipatriotisme, mais plutôt avec le réalisme. Parce que nous, contrairement aux ‘chatwas’ patentés, ne portons pas de visière. Et que nous, à l’instar d’une majorité de la société civile, avons vu les signes avant-coureurs de cette régression fulgurante s’agissant de la liberté de la presse.
Nos mises en garde n’ont, cependant, servi à rien. Au contraire, les « sanctions » contre les critiques sont allées crescendo. Or, nous savons que les atteintes contre la liberté de la presse mènent inévitablement à une attaque contre la démocratie elle-même. Ce qui explique la mort à petit feu de notre démocratie, après avoir été assassinée par des dirigeants pouvoiristes. L’image et la réputation du pays continuent ainsi d’en prendre un sale coup sur le plan international. But who cares ? Certainement pas Pravind Jugnauth, et encore moins ces anciens animateurs, présentateurs, journalistes et lecturers qui siègent aujourd’hui dans les travées du gouvernement. S’ils avaient, ne serait-ce qu’une once de respect, pour notre démocratie et s’ils prêtaient plus d’attention au signal qu’ils envoient au monde à travers leurs actions, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Malheureusement, le pouvoir leur a rendu aveugles. Et arrogants. C’est ainsi que ce pouvoir assoit, sans aucun remords, son autoritarisme sur toutes les institutions du pays.
Et malheureusement pour nous, même le judiciaire ne semble plus échapper à cette mainmise de Lakwizinn, une injonction de la cour ayant été honteusement ignorée et bafouée par la police. D’ailleurs, l’explication fournie par Pravind Jugnauth lors d’une fonction organisée par une association socio-culturelle dimanche, frise la crétinerie. D’une part, il affirme n’avoir jamais outragé un jugement de la cour, étant lui-même avocat, et d’autre part, il se défend en arguant « quand Interpol lance ène mandat d’arrêt international et dire ki bizin fer attention parski li armé et li danzéré, be moi comme Premier ministre ki mo bizin fer, mo laisse li reste là dans nou pays ? ». N’est-ce pas là un aveu qu’il a effectivement consenti à cette déportation ? De quel respect pour la séparation de pouvoirs parle-t-il donc ? Et peut-il nous expliquer « kot line fauté » quand l’État, à travers l’‘Economic Development Board’ (EDB), a délivré un « occupational permit » à ce même trafiquant notoire et dangereux criminel qu’il dénonce ? Comment ce dernier a-t-il pu se réfugier tranquillement chez nous pendant trois longues années, soit depuis le 19 avril 2019 quand le permis avait été délivré jusqu’à son expiration le 18 avril 2022, selon un communiqué émis par le PMO ? Comment le Slovaque criminel a-t-il pu obtenir un certificat de moralité du bureau du DPP le 8 mars 2022 alors qu’il avait déjà été arrêté deux semaines plus tôt, précisément le 23 février 2022 ?
PNQ ou pas, nous invitons Pravind Jugnauth à venir nous éclairer sur toutes ces questions au lieu d’accuser le PTr de « laguer pou protège trafiquants la drogue ». Évidemment, cela sied au Premier ministre de faire crapuleusement croire que défendre l’intégrité du judiciaire et de la séparation de pouvoirs est équivalent à « protège trafiquants ». Mais c’est un parallèle abject visant à décrédibiliser le plus ancien parti politique et ses dirigeants, tout en justifiant ses propres bêtises. La population saura tirer ses propres conclusions. La motion de blâme contre le gouvernement tombe à pic. Soit au moment même où notre démocratie est assassinée par ce gouvernement. Dans l’intérêt du pays, nous osons espérer que certains au sein de l’alliance gouvernementale soutiendront cette motion pour la botter hors du pouvoir. Oui, nous rêvons peut-être. Certains diront que « l’espoir fait vivre les imbéciles », mais le plus important, c’est que l’espoir (disclaimer : aucune allusion à l’Entente de l’Espoir) « fait vivre ». Nous devons vivre et surmonter la dure épreuve que nous traversons tous actuellement pour nous libérer du joug des assassins de notre démocratie et de sauver notre pays. Peu importe le prix à payer.