[EDITO] Droit vers des élections générales

Pravind Jugnauth prend un malin plaisir à tourner la population en bourrique. Quand cela lui sied, il donne les raisons de sa décision de révoquer un ministre. Comme il l’avait fait dans le cas d’Ivan Collendavelloo en juin 2020. Et quand cela lui sied, il ne pipe mot. Comme dans le cas de Vikram Hurdoyal dimanche dernier. Il est vrai qu’il n’avait pas non plus donné d’explication dans le cas de Vishnu Lutchmeenaraidoo en mars 2019, mais ce dernier avait démissionné de son propre chef en lançant un tonitruant « Enough is enough ! ». Entendez par là qu’il en avait marre des humiliations subies au sein du gouvernement. Mais le cas de Vikram Hurdoyal est différent. Il n’a pas démissionné. Il a été révoqué un dimanche soir, alors qu’on ne s’y attendait pas du tout. Qui plus est, il n’était pas au pays au moment des faits. Et pour corser le tout, il n’avait même pas été informé de la décision du Premier ministre. Le capricieux Pravind Jugnauth a donc franchi un nouveau pallier en termes d’opacité et de gouvernance. Il se permet de révoquer un ministre de la façon dont l’a fait sans donner une explication plausible à ses mandants qui ont voté pour lui et à la population.

Pravind Jugnauth va même plus loin. « Tant ki Hurdoyal pa fer commenter, mo pa pou fer. Si ena lieu, mo ava bizin fer li ». Cela s’apparente à du chantage. Est-ce la raison pour laquelle l’ancien ministre de la Fonction publique s’est muré dans le silence, après s’être longuement exprimé auprès de notre confrère de l’Express à son arrivée au pays lundi matin ? Est-ce aussi la raison pour laquelle il s’est senti obligé de remercier le Premier ministre – et sa famille svp – en dépit du traitement cavalier qu’il a reçu et auquel il ne s’attendait lui-même pas ? Les questions fusent. Les interprétations aussi. Mais des réponses précises, nous n’en avons point. Quoiqu’il en soit, contrairement à Ivan Collendavelloo qui a ravalé sa dignité en siégeant toujours comme backbencher quatre ans après sa révocation, Vikram Hurdoyal a au moins eu le mérite de renverser la table. Même s’il n’en tirera pas personnellement profit, il a poussé le MSM dans une situation délicate, démontrant, dans la foulée, que Pravind Jugnauth n’est plus maître de la situation. Une partielle au no. 10, où des conseillers d’entredéchirent déjà, ne jouerait pas nécessairement en sa faveur. La faible mobilisation et la mine déconfite des membres du gouvernement présents lors de la régionale no. 10 jeudi soir en est la preuve. On se dirige donc tout droit vers les élections générales.

Le Premier ministre pourra souffler le chaud et le froid autant qu’il veut. Mais la situation ne lui est pas favorable. Le ver est déjà dans le fruit, et il le sait. Il lui reste encore deux options. Primo, donner un budget « labous dou » pour tenter d’amadouer la population. Secundo, écarter les députés et ministres canards boiteux et aligner de nouveaux candidats. Les deux stratégies ne marcheront pas. Il peut aussi revoir sa com, intensifier les attaques et les répressions contre ses opposants politiques et même la presse qu’il juge être son adversaire,  tenter d’acheter des votes, influencer et manipuler les élections à travers les nouvelles technologies, mener une campagne complotiste, communaliste et divisionniste, s’appuyer sur le soutien du gouvernement indien, mais plus rien n’y fera. Le peuple en a eu assez de ce gouvernement. Et il saura le lui montrer en temps et lieu.